Les Antilles, qu’elles soient françaises, anglaises,
danoises, etc., offrent un vaste champ d’études à l’amateur d’histoire postale.
Entre autres, la période de l’ancien régime est absolument passionnante. La
richesse de ces îles, la lutte implacable pour leur possession entre les
grandes puissances maritimes d’Europe, les changements provisoires ou
définitifs de pavillons, etc., autant de choses qui se reflètent dans les
vieilles correspondances d’autrefois, dans les cachets ou marques postales
qu’on trouve sur ces vieilles lettres.
Pour le philatéliste qui exige la présence de timbres-poste,
les premiers temps de l’usage de ces vignettes n’offre pas moins d’intérêt, les
voies maritimes de transit et les bureaux consulaires permettant des
spécialisations extrêmement poussées.
La petite île danoise de Saint-Thomas, territoire américain
depuis 1917, est celle des Antilles dont l’histoire postale est la plus riche.
Bien peu de philatélistes se rendent comptent des possibilités d’études et de
spécialisation offertes par un territoire aussi exigu. Cette île est
admirablement placée entre l’Europe et les Caraïbes et au delà ; et elle
l’est non moins bien comme lieu de relâche obligatoire entre la côte Est de
l’Amérique du Nord, les Antilles, l’Est du Sud-Amérique et le passage de Panama
vers le Pacifique. Aussi connaît-on l’établissement de trafiquants dès 1650.
Mais les plus anciennes lettres connues, expédiées de Sainte-Croix, ne datent
que de 1775 ; et, dans l’ensemble, tout ce qui est antérieur à 1807 est
excessivement rare. Avant cette date, aucune marque postale n’était appliquée
sur les lettres au départ de l’île. Mais, par contre, il est possible de
trouver des marques d’arrivée ou de transit, quelques-unes très rares et
recherchées, des types britanniques habituels (Saint-Thomas fut occupé par les
Anglais en 1801 et de 1807 à 1815, conséquence des guerres de Napoléon, où le
Danemark fut l’allié quelque peu contraint de l’Empereur). La plus ancienne
marque postale connue de cette possession danoise se trouve donc être anglaise,
de 1809 ; Saint-Thomas, date et fleuron du type normal britannique. Très
recherchée.
À la chute de Napoléon, cette île reprit son essor, qui
atteignit son zénith aux environs de 1880. On peut difficilement s’imaginer ce
que cette période de soixante ans, en particulier dans les deux derniers tiers,
peut offrir de possibilités philatéliques. Aussi, dans le but de montrer
l’intérêt que présente une spécialisation poussée, nous examinerons en détail
toutes les possibilités d’études et de recherches offertes. Ceci comme exemple,
entre beaucoup d’autres possibles, qu’il y a encore moyen de se monter une
collection sortant de l’éternel : France et colonies selon le
catalogue X ou Y, et d’allier l’intérêt philatélique à une dépense relativement
modique.
La position exceptionnelle de Saint-Thomas, la sûreté de son
port lui assurèrent peu à peu la prééminence sur tous ses rivaux locaux. Les
Anglais eux-mêmes s’inclinèrent devant le fait acquis, et, dès 1835,
transférèrent le siège de la Royal Packet, de la Barbade à Saint-Thomas. L’ère
cosmopolite de la petite île danoise commençait. Au point de vue philatélique,
cela se traduit, jusqu’en 1855, date de la première émission des timbres des
Antilles danoises, par de nombreuses marques postales. Les plus recherchées
sont celles des agents transitaires, habituellement libellées en anglais :
Foreign Letter Office Saint-Thomas et les différents Forwarded
Saint-Thomas, il existe aussi de tels cachets en langue espagnole,
habituellement sur courrier de ou vers Porto-Rico, l’autre grand centre de
transit des Antilles, et orthographiés : San Tomas en caractères
gras (très rares).
En 1855, le bureau de poste danois émit le premier timbre
propre à la colonie. Cette émission et les suivantes du premier type offrent de
nombreuses variétés, que l’on ne soupçonnerait guère à la vue de la modeste
place que leur réserve notre catalogue, mais dont on peut avoir le
pressentiment en feuilletant les catalogues étrangers, plus complets, mais dont
le désaccord est profond.
De récentes études, il semble ressortir que le timbre fut
imprimé à Copenhague sur papier jaunâtre, avec une gomme blanche, et dans un
carmin franc. Lorsque le stock de timbres arriva à Saint-Thomas, la plupart des
feuilles étaient collées entre elles, conséquence du climat chaud et humide.
Les timbres furent alors regommés sur place, d’abord à
Saint-Thomas (gomme jaune), et plus tard, en 1860, à Sainte-Croix (gomme
brune). Ce sont ces gommes coloniales qui affectèrent la couleur d’origine
carmin, laquelle fut transformée en rose carmin par la gomme jaune, et en
carmin brun par la gomme brune. La nuance d’origine, carmin franc, est très
rare ; et les timbres neufs avec gomme blanche encore plus. En dehors de
ces variétés de teintes, le 3 cents de Saint-Thomas possède les autres
variantes des timbres danois de la même époque : burelage jaune ou brun,
sens des lignes sinueuses de nord-ouest à sud-est pour la première émission, de
nord-est à sud-ouest pour la seconde. Cette émission vit le jour en mai 1866
sur papier blanchâtre avec gomme incolore. Quelques variétés de nuances :
carmin, rose et intermédiaire, cette dernière la plus rare, et papiers très
épais. Il existe un piquage d’origine privée, environ 4,5 ; l’on connaît
aussi un piquage 9 qui semble un faux.
L’émission suivante 1872 fut dentelée 12,5. Variétés :
papier de très mince à très épais, presque bristol ; nuances : rose,
carmin et rouge vermillon ; partiellement non dentelé à droite.
Le no 1 sur lettre originale est
excessivement rare utilisé seul. Ceci pour deux raisons ; la première
c’est qu’il correspondait au port local, forcément peu employé dans un pays
d’aussi faible étendue ; la seconde, ce fut l’hostilité générale des
habitants contre tout un système postal organisé, qui coûtait plus cher que les
voies privées antérieurement utilisées ; ce que nous reverrons en détail
lors de l’étude des courriers maritimes de transit.
M. C. WATERMARK.
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