Un palais démontable : le palais d’été du Grand
Khan, suzerain de l’Asie.
— Il y a à Changton, dans la Mongolie, au nord de la
Grande Muraille de Chine, un palais qui est tout de bambous. Il est tout doré
dedans et travaillé très habilement. Les bambous qui forment le toit sont si
bien vernis et si forts que nulle eau ne peut les pourrir. Ces bambous sont
bien gros de trois paumes, longs de dix ou quinze, et se taillent d’un nœud à
l’autre en travers. Et le palais est fait de ces copeaux. Ils rendent maints
autres services aussi, car on en couvre les maisons et l’on en fait beaucoup
d’autres travaux.
Ce palais de roseaux que je vous ai décrit est si bien
ordonné et disposé qu’il se fait et défait très promptement. On le met tout par
pièces et on le porte sans peine là où le seigneur commande qu’il soit. Quand
il est dressé, plus de deux cents cordes, toutes de soie, le soutiennent.
Certains croiront, sans doute, qu’il s’agit là d’un palais
tout récent, construit après la guerre sino-japonaise (1945).
Qu’ils se détrompent ! Cette description est donnée par
le célèbre et intrépide explorateur Marco Polo à l’issue de son voyage à
travers le continent asiatique en 1298.
Décidément, les maisons préfabriquées ne sont pas une
invention de notre époque, qui aime à s’attribuer les mérites des génies
antiques !
L’Origine du macaroni.
— Ce fut en l’an 1220, alors qu’à Palerme et à Naples
régnait le roi Frédéric II de Souabe, qu’un alchimiste du nom de Sicho
inventa ces délectables tuyaux de pâte connus sous l’appellation de macaroni.
Son secret lui fut dérobé par une femme : Giovanella di Canzio, qui
imagina d’accommoder ces tuyaux de pâte avec du fromage de Parme. Frédéric de
Parme, qui eut l’idée d’en goûter, s’en régala. La famille royale en mangea,
puis la cour (et, quand l’exemple vient de haut, il est toujours suivi),
Naples, puis toute l’Italie, et bientôt toute l’Europe, et maintenant le monde
entier.
Gourmande étoile.
— L’étoile de mer, comme tout être vivant, a besoin
pour s’entretenir de se nourrir.
Elle a son petit défaut comme les autres : elle est
gourmande. Il lui arrive donc de s’attaquer à des proies bien trop grosses pour
sa petite bouche, qui n’est point extensible. Va-t-elle donc rester à gémir
devant l’objet de ses désirs que sa bouche ne peut assouvir ? Qu’à cela ne
tienne. L’étoile de-mer vomit tranquillement son estomac, comme vous retournez
votre gant pour le faire sécher, l’applique contre la proie, qu’elle digère à
l’extérieur, puis, le repas terminé, le remet en place, comme vous remettez
votre dentier après l’avoir nettoyé.
Et ce n’est point là sa seule originalité ! Lorsqu’on
lui coupe un bras, elle n’a point besoin d’aller trouver l’orthopédiste pour se
faire adapter un membre artificiel, elle attend tout simplement qu’un autre,
tout naturellement ; pousse à sa place. Et, qui plus est, le bras détaché,
comme une côte d’Adam donna naissance à Ève, formera une nouvelle étoile de
mer.
Des musulmans et du Vin.
— Bien que le vin soit d’origine orientale et que son
inventeur soit Gemchid, un des plus anciens rois de la Perse, il n’est prohibé,
pour ainsi dire, à l’heure actuelle, que dans son pays natal. (Décidément, nul
n’est prophète dans son pays.) En vérité, Mahomet eut bien raison, dans le
Coran, d’interdire à ses disciples l’abus du vin, car son simple usage, sous le
climat méridional, entraîne des conséquences dont on se doute à peine dans les
pays du Nord.
Et ce que raconte en termes imagés, suivant la coutume
orientale, l’auteur d’un vieux manuscrit arabe n’est que « la vérité, toute
la vérité, mais rien que la vérité » :
« Lorsque Adam eut planté la vigne, Satan vint
l’arroser avec le sang d’un paon. Lorsqu’elle poussa des feuilles, il l’arrosa
du sang d’un singe. Lorsque les grappes parurent, il l’arrosa du sang d’un lion
et, lorsque le raisin fut mûr, il l’arrosa du sang d’un cochon. La vigne,
abreuvée du sang de ces quatre animaux, en a pris les différents caractères.
Ainsi, aux premiers verres de vin, le sang du buveur devient plus animé, sa
vivacité plus grande, ses couleurs plus vermeilles ; dans cet état, il a
l’éclat d’un paon. Les fumées de cette liqueur commencent-elles à lui monter à
la tête ? Il est gai, il saute, il gambade comme le singe. L’ivresse le
saisit-elle ? Il est un lion furieux. Est-elle à son comble ? Semblable
au quatrième animal, il tombe, se vautre, s’étend et s’endort. »
P. SALAUN.
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