Obtenir et pouvoir admirer un clapier de lapins
sélectionnés, formant un ensemble homogène, n’est-ce pas là le légitime désir
de nombreux éleveurs ? Les deux procédés les plus courants, pour
renouveler totalement un cheptel de bêtes communes, ne peuvent pas toujours
être adoptés ; l’achat de plusieurs femelles et d’un mâle de race pure,
prêts à reproduire, est une opération coûteuse ; et le fait d’acheter des
jeunes au sevrage oblige l’éleveur à ne pouvoir compter sur une production
quelconque avant de longs mois.
Il ne faut donc pas lâcher la proie pour l’ombre : une
femelle en pleine production, même s’il s’agit d’une lapine commune, est d’un
profit que l’on ne doit pas négliger. Mais n’existerait-il pas une solution
intermédiaire, à la fois pratique et pas trop onéreuse ? Ne serait-il pas
possible d’éliminer peu à peu les sujets communs, ces derniers laissant
progressivement la place à des reproducteurs de race pure, ou possédant une
hérédité telle que l’on puisse les considérer ainsi ?
Il existe effectivement un moyen peu coûteux et de bon
rendement, à la portée de tous les éleveurs : il s’agit de l’amélioration
du cheptel cunicole par introduction d’un mâle reproducteur ; ce dernier
sera utilisé pour la saillie des femelles communes, en vue d’obtenir des produits
présentant certains caractères intéressants de leur père.
Procédé, d’ailleurs, utilisé pour l’amélioration du gros
bétail, souvent même en ayant recours à la méthode de l’insémination
artificielle, et il est désormais prouvé que le mâle joue dans la transmission
des caractères héréditaires un rôle aussi important que la mère ; un bon
géniteur est donc à rechercher pour l’obtention de produits de qualité. On
comprend ainsi l’avantage à retirer du choix judicieux d’un mâle, qui doit être
d’une lignée reconnue pure, aux caractères bien fixés. Ce mâle pourra ainsi
transmettre un poids plus élevé, une précocité plus marquée, une plus grande
résistance aux maladies, etc. Il est alors évident qu’avec des femelles
communes et saines on obtiendra des produits supérieurs à ces femelles
elles-mêmes ; au bout de quelques générations, les caractères extérieurs
et internes se transmettent simultanément, on ne possédera plus que des
femelles dont les qualités reproductrices seront semblables à celles des femelles
de race pure que l’on aurait achetées au prix fort.
Mais de quelle race choisira-t-on le mâle
améliorateur ? Il vous faut avant tout un sujet d’intérêt pratique ;
il faut rechercher un poids raisonnablement élevé, afin que les produits
puissent être vendus avec profit dès leur quatrième mois. Pour cette raison, je
conseille deux races : Géant normand et Géant blanc du Bouscat ; ce
sont des lapins très rustiques, et le second a l’avantage de posséder un pelage
d’une blancheur immaculée ; ce dernier point de vue a aussi son
importance, lors de la vente des peaux, les peaux blanches étant recherchées,
puisque de teinture très facile par tous les colorants.
Adressez-vous à des éleveurs consciencieux, qui élèvent des
sujets de race pure, non seulement pour leur aspect extérieur, mais aussi et
surtout pour leurs qualités pratiques : poids, précocité, santé, etc. Vous
avez tout intérêt à payer un peu plus cher un lapin dont le vendeur présente
des qualités indiscutables de probité et de capacité professionnelles.
Si vos lapines communes sont saines, prolifiques et donnent
de vigoureux lapereaux, vous aurez la possibilité de choisir, dans les portées
demi-sang ainsi obtenues, quelques belles et jeunes femelles que vous garderez
pour la reproduction ; lorsque ces dernières seront en âge d’être
saillies, vous achèterez un mâle de race pure, toujours de la même espèce que
le premier ; les produits issus du croisement de ce mâle pur sang avec des
femelles demi-sang seront des trois quarts de sang ; si vous persévérez
ainsi en renouvelant vos mâles, vous vous rapprocherez de la race pure de plus
en plus, en quelques générations. Le procédé n’est pas coûteux, mais il est
indéniablement satisfaisant.
Une bonne nourriture, un logement sain, une hygiène
rigoureuse, et votre clapier, tant par son aspect extérieur que par les
qualités réelles des sujets qui le peuplent, fera votre joie ; et vous
pourrez vendre à vos voisins des lapins dont le prix que vous en retirerez
rattrapera bien vite le débours occasionné par l’achat de quelques mâles.
Jean DE LA CHESNAYE.
|