On parle beaucoup depuis quelque temps de l’influence des
couleurs. On étudie les couleurs qui permettent de diminuer la fatigue
visuelle, d’augmenter le rendement des commerces et industries ; on
recherche les couleurs susceptibles de créer une ambiance psychique favorable.
Par exemple, on a remarqué que, lorsqu’on détourne le regard
après avoir longuement observé une couleur (rouge par exemple), on voit pendant
quelques instants danser devant les yeux une nouvelle couleur, qui est la
complémentaire de la première (verte dans le cas ci-dessus). Cette constatation
d’influence visuelle permettra dans la pratique de diminuer la fatigue
visuelle, et par conséquent d’augmenter le rendement de certaines industries,
en peignant les murs des locaux de travail de la couleur complémentaire de
celle que les ouvriers ont constamment sous les yeux.
Ainsi, on sait, entre autres, que la couleur bleue incite au
calme et au repos, que le rouge est exaltant, excitant, que le violet invite au
recueillement, à la prière ; influence psychique, chaque couleur étant
susceptible de créer un état d’âme différent : calme, nonchalance,
tristesse, ou exaltation, ardeur, gaîté, etc. ...
Cependant, le problème semble mal posé, ou plus exactement
insuffisamment posé. Je pense que non seulement les couleurs présentent une
influence visuelle, une influence psychique, mais aussi et surtout une
influence que j’appellerai « rayonnante », capable de modifier les
comportements et la santé des individus vivant dans une ambiance colorée.
En effet, si l’on se remet en mémoire les lois de la lumière
et des couleurs en feuilletant un livre de sciences physiques, on peut retenir
ceci :
La lumière est un phénomène vibratoire ondulatoire de grande
rapidité ; ainsi que dans toute vibration, on distingua trois facteurs de
propagation : la vitesse, le nombre de vibrations (fréquence), la longueur
d’onde.
La lumière solaire, dispersée par le prisme, est décomposée
en un certain nombre de couleurs dont l’ensemble constitue le spectre
solaire ; on en admet généralement sept, qui sont, dans l’ordre : le
violet, l’indigo, le bleu, le vert, le jaune, l’orangé et le rouge.
La fréquence des ondes lumineuses varie de 50 trillions
de vibrations à la seconde jusqu’à 3.000 trillions, selon les couleurs.
La longueur d’onde, différente également pour chaque
couleur, varie de 0,012 micron à 300 microns (1).
En plus des radiations lumineuses, les couleurs émettent des
radiations calorifiques et des radiations chimiques, nulles, sensibles ou
importantes selon la couleur.
Les rayons lumineux subissent différents phénomènes au cours
de leur propagation ; citons la réflexion, la diffusion, l’absorption.
Un corps absorbe certaines couleurs du spectre, réfléchit ou
diffuse les autres s’il est opaque, se laisse traverser par elles s’il est
transparent. Il paraît de la couleur des rayons réfléchis (corps opaque) ou traversants
(corps transparent). Un corps paraît blanc s’il réfléchit tous les rayons
lumineux, il paraîtra noir s’il les absorbe tous, il paraîtra rouge, par
exemple, s’il réfléchit les rayons rouges et absorbe les autres.
Par conséquent, si les couleurs sont des radiations
lumineuses de fréquence et de longueur d’onde différentes, émettant des
radiations calorifiques et des radiations chimiques, si un corps paraît de la
couleur qu’il réfléchit, il est logique de déduire que les objets colorés
(murs, tapisseries, tentures, bibelots, meubles, vêtements même) réfléchissent
sur un individu les radiations lumineuses, calorifiques et chimiques propres à
la couleur de l’objet.
Et ces radiations ont une influence sur la personne vivant
dans leur ambiance, les radiations colorées et les radiations humaines se
mêlant, s’entrecroisant, s’ajoutant, se repoussant ou s’annulant. Aussi cette
influence est-elle différente selon l’état de santé, le tempérament,
l’émotivité, l’influençabilité, la résistance aux radiations, etc. ...
C’est ainsi que le rouge, couleur chaude, calorifique,
exaltante, excitante, n’aura pas la même influence sur un sanguin que sur un
lymphatique. Alors que le lymphatique pourra acquérir de l’énergie, du courage,
sous l’influence rouge, le sanguin sera inutilement excité et, s’il y est
prédisposé, incité à la passion, la violence, la colère, la cruauté, au meurtre
même !
Le jaune, couleur tiède, gaie, vitalisante, n’aura pas la
même influence sur un nerveux que sur un neurasthénique ; ce dernier
pourra y puiser l’entrain, le goût de vivre, de l’effort, tandis que le nerveux
risquera fort d’accroître son déséquilibre et d’épuiser davantage son potentiel
vital.
De deux personnes absorbant une même dose d’alcool, l’une
roulera sous la table, tandis que l’autre reprendra normalement ses
occupations. De même, de deux personnes soumises à une influence colorée,
l’une, émotive, influençable, en subira les effets, tandis que l’autre, plus
équilibrée, y restera insensible.
Une personne en excellente santé opposera plus de résistance
aux radiations colorées qu’une personne malade ou simplement fatiguée.
Une personne aveugle restera insensible à l’influence
visuelle, mais elle sera touchée par l’influence « rayonnante ».
Il serait arbitraire de déduire de ces observations que
telle couleur a telle influence, qu’à tel tempérament convient telle couleur,
et de classer tout cela en un formulaire précis et définitif. En réalité, le
problème est plus complexe, car il ne faut pas oublier que la gamme des
couleurs est infinie dans leur tonalité, que l’influence
« rayonnante » d’une couleur peut être corrigée par l’apport d’autres
couleurs, et que les tempéraments humains sont très rarement de type pur, mais
plus souvent de types combinés. Ainsi, l’influence vitalisante d’une pièce
tendue de jaune sera augmentée par l’apport de bibelots rouges, tandis qu’elle
sera amoindrie par l’apport de bibelots bleus.
Quoi qu’il en soit, c’est un problème certainement non
négligeable, et dont il serait vain de sourire, puisque la thérapeutique
utilise déjà les radiations des couleurs « invisibles » du
spectre : les infra-rouges et les ultra-violets !
R.-P. DESPEUX.
(1) Un micron = millième de millimètre.
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