Dans l’une de nos dernières causeries sur le tir de chasse,
nous affirmions, en terminant, que l’insuffisance de précision dans la visée se
trouve, en fin de compte, rester le facteur prépondérant d’insuccès, les
erreurs de distance et le groupement ayant beaucoup moins d’importance.
Il faut surtout songer, avant toute chose, à sa méthode et à
son adresse et les examiner sans indulgence, mais avec profit : ce genre
de méditation est principalement utile aux jeunes chasseurs, chez lesquels une
suffisante expérience n’a pas encore fixé la régularité du tir. Nous voulons,
bien entendu, parler de moyennes prises sur de longues séries, car il est
constant que les meilleurs tireurs ont leurs jours noirs, mais, sur quatre ou
cinq cents cartouches tirées dans les mêmes conditions, leur pourcentage ne
varie guère que de quelques unités. Mais, nous dira-t-on, il serait beaucoup
plus utile de nous indiquer une méthode destinée à améliorer utilement notre
tir que de nous affirmer que, si nous manquons, c’est parce que nous tirons à
côté. Cette vérité n’est pas, malheureusement, évidente pour un certain nombre
de chasseurs ; nous connaissons tous le chapelet d’excuses aux
« enfumages » que récitent certains nemrods.
En cette affaire, il n’y a pas de méthode infaillible ;
les gens doués tirent régulièrement bien la première fois qu’on leur donne une
arme ; la moyenne peut utilement, avec quelque effort, faire des progrès
et, quant aux mazettes, elles sont condamnées à l’insuccès perpétuel, bien
qu’elles aient le plus vif désir de changer de catégorie.
Pour clarifier si possible cette question, nous examinerons
successivement la conception, puis l’exécution.
La plupart des gens accessibles au raisonnement admettent
facilement la nécessité de pointer, dans le tir sur but mobile, l’arme en avant
de la pièce de gibier, mais ont souvent beaucoup de répugnance à admettre la
véritable valeur de ce genre de correction. Il y a une vingtaine d’années, nous
avons, dans ces mêmes colonnes, consacré une longue suite de causeries à ce sujet,
sous le titre « Pour ne pas tirer derrière son gibier ». Les lecteurs
d’alors nous ont fait parvenir une très nombreuse correspondance
— analysée par la suite au profit de la collectivité — et
quelques-uns d’entre eux nous ont exposé des méthodes propres à faciliter
l’éducation de l’œil. Beaucoup de chasseurs ont un profit certain à tirer de
l’étude de ces questions et nous voudrions dégager actuellement l’essentiel.
Nous venons de dire que la plupart des chasseurs se rendent
compte de la nécessité de devancer la pièce, mais il y en a qui affirment
volontiers ne jamais faire de correction, et ... réussissent quand même.
Ce sont simplement des gens qui font des corrections sans s’en apercevoir,
parce qu’ils possèdent un mécanisme instinctif ; nous croyons indispensable
de prévenir les jeunes que, s’ils ne sont pas spécialement dotés du même genre
de réflexes, l’imitation de tels modèles ne leur procurera que des déboires.
Rien n’est plus variable que la vitesse du gibier ;
dans les conditions normales et moyennes de chasse, elle est de l’ordre d’une
douzaine de mètres par seconde, mais il faut savoir apprécier les variations
possibles et modifier son tir suivant les conditions particulières du moment.
L’estimation des distances devant un gibier poil est très facile :
on place son coup sans erreur sur le lièvre traversard dont la longueur même
sert d’étalon bien visible. Elle est un peu moins facile avec le lapin, en
raison de sa vitesse irrégulière et de ses trajectoires capricieuses, mais on
sait toujours où il faut tirer.
La question est infiniment plus complexe en ce qui concerne
la plume ; à part le gibier tiré devant soi, lequel suit fréquemment une
trajectoire simple, on a le plus souvent au bout du fusil des oiseaux lancés à
grande vitesse, sur trajectoires obliques, pour la détermination desquelles
l’œil ne possède aucun point de repère. La correction à intervenir est
incertaine à la fois dans sa direction et dans sa valeur, d’où rendement
médiocre, sauf pour les tireurs de grande classe. Pas d’autre remède que de
varier un peu sur les premières pièces d’une battue et, quand on fait tomber
quelques pièces en bon style, tâcher de garder le même temps de tir pour la
journée.
Tout cela est, au fond, de l’empirisme. De bons esprits nous
diront volontiers : « J’admets vos raisonnements, je crois être en
mesure de calculer mes corrections sur le terrain, mais, dans la pratique,
beaucoup de coups m’échappent parce que je n’ai pas la possibilité d’exécuter
avec précision ce que j’ai conçu. »
C’est de ce côté que le commun des mortels a beaucoup à
gagner, et la possibilité recherchée est une question de vitesse d’exécution
liée elle-même à la maniabilité de l’arme, d’une part, et à l’absence de deux
défauts, de l’autre : ces deux défauts sont le retard sur la détente et
l’arrêt dans le mouvement de l’arme au moment du départ du coup.
Dans une prochaine causerie, nous examinerons toute cette
partie d’exécution et, en poussant les détails de notre analyse, nous
découvrirons quelques moyens sinon infaillibles tout au moins susceptibles de
conduire à l’amélioration probable des résultats.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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