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Gelées printanières

Les amateurs, comme les professionnels du jardinage, connaissent les méfaits occasionnés par les gelées tardives qui surviennent à une époque où fleurissent les arbres fruitiers, ainsi que la vigne, et que les pommes de terre précoces sont bonnes à butter.

Il suffit d’un abaissement nocturne subit de la température, alors que la pleine lune, dans tout son éclat, nous renvoie les radiations solaires, pour que les organes des végétaux gorgés d’eau se trouvent congelés, rigides au point de devenir cassants, qu’il s’agisse de feuilles, de bourgeons, de fleurs, etc.

À ce moment, l’eau de la sève en circulation se solidifie dans les organes les plus délicats, les moins bien défendus, et l’on admet que la dilatation exercée dans les tissus végétaux fait éclater les cellules, en provoquant la mort des plantes. Mais il s’agit là d’une opinion controversée, qui n’est pas celle de tout le monde.

Remarques de praticiens.

— Les jardiniers, qui raisonnent par dicton, prétendent que c’est le soleil et non le froid qui fait périr les plantes congelées, puisqu’il suffit d’arroser copieusement des fanes de pommes de terre, après un gel, mais avant le lever du soleil, pour éviter la déchirure des tissus.

Est-ce bien cela ? Il semble que l’arrosage, en modérant et en prolongeant la durée du dégel, grâce au brouillard dû à l’évaporation de l’eau, joue un rôle défensif, tandis que les ardeurs du soleil tombant sur des plantes congelées, sans rideau protecteur, provoque invariablement des déchirures et ensuite la mortification des tissus végétaux.

À ce sujet, un abonné de la Manche, M. Guillon, a observé, dans le cours de l’année 1948, que des plantes d’appartement en pots, à feuilles très lisses, étaient givrées. Or, sur elles, des arrosages immédiats effectués à plusieurs reprises n’eurent aucun effet utile.

Au contraire, chez les espèces velues, sur lesquelles le givre se forme à l’extrémité des poils, l’arrosage matinal sauve les plantes. Mais si le dégel se produit lentement, sous l’action du soleil, la glace fondante entre en contact avec les tissus fragiles des feuilles ou des fleurs, aussi les dégâts sont-ils importants et souvent irréparables.

M. Guillon déduit de cette remarque que, si le soleil ne gèle pas, c’est pourtant lui qui fait geler.

Températures de gélivité.

— La gélivité des tissus végétaux est assez variable, ainsi que l’indique le relevé, en degrés centigrades, effectué pour les fruits et les légumes, par le « Bureau of Plant Industry » des États-Unis.

Au-dessous de zéro degré, la congélation ne tarde pas à se produire, les denrées ou les plantes en vie meurent, et elles se décomposent assez rapidement : pommes, -1°,95 ; bananes vertes, -1°,2 ; bananes mûres, -1°,4 ; mûres de ronces, -1°,56 ; cerises, -2°,33 ; airelles, -2°,67 ; groseilles, -0°,99 ; groseilles à maquereau, -1°,72 ; raisins, -2°,13 ; oranges, -2°,21 ; pêches, -l°,5 ; poires, - 1°,95 à -2°,32, suivant leur degré de maturité ; prunes, -1°,93 ; framboises, -0°,88 ; fraises, -1°,15.

Les légumes gèlent aux températures d’après : haricots, -1°,26 ; choux, -0°,46 ; carottes, -1°,75 ; choux-fleurs, -1°,07 ; aubergines, -0°,88 ; choux-raves, -1°,1 ; laitue, -0°,44 ; oignons secs, -1°,06 ; pois verts, -1°,09 ; pommes de terre, -1°,7 ; maïs sucré, -1°,69 ; patates, -1°,98 ; navets, -0°,95.

Procédés usuels de défense.

— En dehors des arrosages matinaux, dont l’efficacité paraît être plus marquée sur les végétaux poilus que sur ceux recouverts d’une couche de vernis cireux, on ne prendra jamais trop de précautions pour éviter les atteintes des gelées printanières — lesquelles anéantissent quelquefois les récoltes entières — en créant artificiellement des rideaux protecteurs.

C’est ainsi que, pour protéger les vignes et les vergers de plein vent, on est amené à faire usage des cônes fumigènes et des substances résineuses ou goudronneuses, que l’on fait brûler quand le thermomètre atteint la cote d’alarme. Avec les arbres en espalier, on se contente de placer obliquement, le long des murs, des toiles formant écran contre le rayonnement. On protège les pommes de terre, les haricots, les tomates et toutes les plantes délicates menacées par les gelées tardives en déroulant au-dessus des planches des paillassons ou des toiles reposant sur des supports ou bâtis rustiques, mais en faisant en sorte que le rideau ne touche pas aux plantes à protéger, le gel se transmettant fort bien par contact.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 362