Déjà, dès la plus haute antiquité, on reconnut qu’une même
culture d’une même plante, sur un même sol, se traduisait par des rendements de
moins en moins élevés. Une pratique rationnelle de la culture au jardin
conduit :
1° à ne pas épuiser le sol ;
2° à savoir désinfecter la terre.
L’épuisement du sol consécutif à une culture continue d’une
même plante au même lieu s’explique par les préférences marquées par tel ou tel
végétal, pour tel ou tel élément de fertilité : appauvrissement en azote
ou en potasse ou acide phosphorique. De plus, une telle pratique présente, en
outre, l’inconvénient d’immobiliser dans le sol, à l’état de capital
improductif, les éléments non utilisés par la plante. Si l’on fait succéder à
une culture en surface (navets, haricots, salades) une culture en profondeur
(pommes de terre), cette dernière enlève au sol beaucoup de potasse ; tous
les éléments participent ainsi, à tour de rôle, à la production et cette heureuse
alternance des cultures maintient un judicieux équilibre dans l’utilisation
rationnelle des ressources diverses de la terre.
D’autre part, dans la culture continue d’une même plante,
sur un même sol, les rendements diminuent pour une autre raison : des
expériences précises et répétées ont démontré que les racines des plantes sécrètent
dans le sol des poisons ou toxines, rendant le milieu nettement
impropre aux plantes de la même espèce : ces toxines (d’après Lumière) ne
disparaissent par oxydation ou par lavage des eaux pluviales qu’au bout d’un
certain temps.
Enfin l’infertilité de la terre proviendrait du
développement, dans leur masse, de quantités considérables de protozoaires
(plusieurs dizaines de millions dans un gramme de terre), ennemis des bactéries
bienfaisantes, transformatrices des matières organiques en nitrates.
Des considérations précédentes, il résulte qu’au point de
vue pratique :
1° Il est nécessaire, obligatoire même, au jardin de
pratiquer l’assolement : voici un type d’assolement simple et rationnel
qui a, en outre, le grand mérite de tenir compte de l’emploi des engrais de
printemps.
Première année : feuilles, fruits et rhizomes :
choux, tomates, pommes de terre, poireaux, etc. ...
Il leur faut une forte fumure azotée : avec la fumure
d’hiver (si possible 400 kilogrammes de fumier bien fait à l’are) enfouir
par are également lors du bêchage :
Scories ou, de préférence, superphosphates |
4 à 5 kg. |
Sulfate ou chlorhydrate d’ammoniaque |
2,5 à 3 — |
Chlorure ou mieux sulfate de potasse |
1 à 2 — |
Cette formule est valable pour un jardin de bonne terre
franche. Si le sol est quelque peu argileux, remplacer alors les
sels ammoniacaux par 3 kilogrammes ou 4 kilogrammes de nitrate de
soude ou, si possible, 3 à 4kg,500 de nitrate de chaux.
Deuxième année : en remplacement des légumes
indiqués ci-dessus, nous planterons des racines ou des bulbes :
carottes, navets, oignons, etc. ...
On pourra alors, sans fumier, incorporer lors du
bêchage et par are :
Scories ou superphosphates |
5 kg. |
Chlorhydrate ou sulfate d’ammoniaque |
2,5 — |
Nitrate |
1 — |
Sulfate de potasse |
2 — |
Troisième année : les légumineuses :
pois, haricots, fèves, soja, etc., prennent la place des racines ou bulbes de
l’année précédente.
Toujours sans fumier et par are, on
incorporera :
Scories ou superphosphates |
4 kg. |
Nitrate |
2 — |
Chlorhydrate ou sulfate d’ammoniaque |
1 — |
Sulfate de potasse |
2,5 — |
Pratiquement, il est également intéressant de noter que :
a. Les légumineuses n’assimilant l’azote
atmosphérique qu’à partir du moment de leur floraison, il est
indispensable de leur donner une abondante nourriture nitrique pendant leur
première végétation, de même que de nombreux soins culturaux (binages et
buttage) qui favoriseront la vie microbienne du sol.
b. Pour les légumes produisant plusieurs années
de suite (artichauts, asperges, fraisiers) et qu’il y a avantage à ne conserver
à la même place que trois ou quatre ans, il faut leur donner au printemps
l’engrais suivant, pour un are :
Superphosphates ou scories |
5 kg. |
Poudrette |
8 — |
Sulfate de potasse |
3 — |
Nitrate |
1 — |
Personnellement, nous ne conservons une fraisière que trois
à quatre ans au maximum et en avons toujours une en formation : nous avons
toujours été satisfaits des résultats.
2° Depuis plusieurs années, il est préconisé diverses
méthodes de fertilisation des sols paraissait fatigués : le chauffage
de la terre vers 60 à 70° pour détruire les protozoaires sans cependant nuire
aux bactéries.
L’injection dans le sol, à l’aide de pals (dit
pal injecteur) de différents produits : sulfure de carbone, éther,
chloroforme, toluène, cumène, etc., détermine, dans la terre, une stérilisation
partielle détruisant tous les êtres et organismes nuisibles sans cependant
compromettre la fertilité du terrain, c’est-à-dire sans provoquer la
disparition des microbes si utiles à la vie du sol.
Pratiquement, on peut Opérer comme suit :
Première méthode : creusez avec un instrument
cylindrique et pointu (pieu, barre de fer) une série de trous équidistants
(tablez sur cinq ou six au mètre carré) et versez, en prenant les précautions
nécessaires (le sulfure de carbone est très inflammable : éviter toute
flamme ; d’autre produits sont corrosifs), 6 à 8 grammes au maximum
du liquide et rebouchez énergiquement chaque trou (coup de batte ou de massue).
Quand on traite au sulfure de carbone, il importe d’opérer par temps sec et
quand le terrain est déjà un peu tassé : la pluie empêcherait le sulfure
de se volatiliser à travers le sol et par suite d’agir efficacement.
Deuxième méthode : on opère avec le pal à
sulfurer en réglant soigneusement le débit (augmentez légèrement la dose
de 6 grammes en raison du reste pouvant se produire dans
l’appareil) et en injectant à une quinzaine de centimètres de profondeur dans
le sol.
Ch. BOILEAU.
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