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Une grave maladie du poirier

La tavelure

La tavelure est, de toutes les maladies cryptogamiques du poirier, la plus redoutable. Elle a contribué, dans les années qui ont précédé la guerre, à attirer un certain discrédit sur les fruits courants des vergers français, moins bien soignés que ceux de nos concurrents sur les marchés étrangers.

Caractères de la maladie.

— Elle se manifeste par des taches olivâtres sur les feuilles, les rameaux et les fruits. Les rameaux atteints se développent mal, les tissus sains sous-jacents réagissant en formant du liège, ceux placés au-dessus se fendillant et tendant à s’exfolier. Quant aux fruits, ils se déforment plus ou moins, et souvent apparaissent sur l’épiderme des fentes qui prennent plus ou moins d’importance et peuvent servir de porte d’entrée au monilia, autre champignon qui provoque la pourriture. Même si l’attaque est plus bénigne, la valeur marchande des fruits est considérablement diminuée.

Cette maladie est due à un champignon microscopique qui se propage par des spores brunâtres susceptibles de germer très rapidement quand les conditions climatiques sont favorables. La tavelure peut également, au printemps, être provoquée par des ascospores, organes émis en quantité innombrable par des conceptacles ou périthèces qui se forment, au cours de l’hiver, sur les feuilles mortes tombées à terre.

Importance économique.

— Les attaques de la tavelure sont d’autant plus à craindre que la pluviosité est plus grande. Aucune variété n’est complètement réfractaire à cette maladie. Cependant William’s, Curé, Dr Jules Cuyot, André Desportes, Doyenné du Comice, Beurré Clairgeau, etc., sont, dans la majorité des cas, peu attaquées, tandis que Louise-Bonne, Duchesse d’Angoulême et surtout Doyenné d’Hiver et Beurré d’Hardenpont sont d’une extrême sensibilité.

Traitements à préconiser.

— Il est relativement facile de lutter contre la tavelure.

Tout d’abord, l’enfouissement des feuilles, effectué avant la fin de l’hiver, est un moyen de diminuer de façon sensible les contaminations de printemps.

Le traitement d’hygiène générale, appliqué d’ordinaire en hiver aux arbres, n’a pas, par contre, sur cette maladie l’action efficace que certains ont cru devoir lui attribuer.

C’est essentiellement au début du printemps qu’il y a lieu d’intervenir.

Il faut, à cette époque, faire au moins deux traitements, et préférablement trois. Le premier s’effectue lorsque les boutons des fleurs sont bien apparents et distincts, et qu’une fleur commence à s’épanouir de-ci de-là. Le second se fait au moment de la chute des pétales et, si on le peut, on en fait un troisième une quinzaine de jours plus tard.

L’évolution de la tavelure est d’ailleurs liée aux conditions climatiques qui peuvent déclencher l’attaque plus ou moins tôt selon les années. Sous ce rapport, les avis diffusés régulièrement par les stations d’avertissements agricoles peuvent être d’un intérêt capital pour les arboriculteurs, qui doivent se pénétrer de cette idée qu’on ne guérit pas la tavelure, on la prévient.

Contre cette maladie, un certain nombre de produits anti-cryptogamiques peuvent être utilisés avec succès. Citons, en premier lieu, la bouillie bordelaise faible, dont la formule est la suivante : sulfate de cuivre 1 kilogramme, chaux 0kg,750, eau 100 litres. Cette formule peut, d’ailleurs, être modifiée dans le sens d’une notable diminution de la quantité de sulfate de cuivre et conserver son efficacité tout en évitant le roussissement du fruit et la formation d’un épiderme rugueux, inconvénient qui se produit assez souvent à la suite d’un traitement à la bouillie normale au cours d’une période humide.

Sous ce rapport, nos observations personnelles nous permettent de recommander de faire le traitement si possible l’après-midi, quand les feuilles sont sèches, et d’en éviter l’exécution dans les premières heures de la matinée, alors que la rosée est encore abondante.

Les bouillies à l’oxychlorure de cuivre, les bouillies sulfo-calciques, le sulfate neutre d’oxyquinoléine, employés aux doses indiquées par les fabricants, sont également efficaces et ont rendu des services pendant la guerre et l’occupation, alors que le sulfate de cuivre était strictement contingenté et réservé aux besoins de la viticulture. Actuellement, ces produits sont davantage employés pour le traitement des pommiers, que la tavelure attaque aussi et qui supportent plus difficilement le sulfate de cuivre.

Les traitements préventifs contre la tavelure sont le plus souvent combinés avec ceux qui visent à la protection contre certains insectes, et notamment contre les chenilles mangeuses de feuilles qui paraissent au printemps. L’addition à la bouillie bordelaise d’un produit arsenical (arséniate diplombique, par exemple) permet de lutter efficacement contre ces déprédateurs.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 363