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Causerie médicale

Le corps thyroïde

La glande thyroïde, à laquelle un lecteur me demande de consacrer une causerie, est un organe resté longtemps mystérieux : la sécrétion qu’elle déverse directement dans le sang exerce une action puissante sur les échanges nutritifs, directement ou par l’intermédiaire d’autres organes stimulés par les produits, les hormones, contenus dans cette sécrétion. L’hypertrophie de cet organe, situé en avant du larynx et des premiers anneaux de la trachée, porte le nom de goitre lorsqu’elle est accentuée ; elle peut s’accompagner de signes de déficience glandulaire, d’« hypothyroïdie », comme chez les « crétins » qu’on trouve dans certaines régions montagneuses.

Comme je pense que c’est moins la physiologie de cette glande que les affections qu’elle peut présenter qui intéressent mon correspondant, je vais me borner à décrire les deux états pathologiques extrêmes, résultant du fonctionnement insuffisant ou excessif de l’organe.

La déficience thyroïdienne, lorsqu’elle est accentuée, se traduit par un syndrome connu depuis longtemps, auquel on a donné le nom de myxœdème, dont on a observé des cas typiques à la suite d’extirpation complète du corps thyroïde, ce qui a permis de les rattacher à leur véritable cause. Les myxœdémateux sont en général petits, d’aspect infantile, peu développés physiquement ou intellectuellement ; la face, le tronc, les membres sont bouffis, les yeux enfoncés dans l’orbite ; l’aspect est apathique, sans expression, somnolent ; la peau est sèche, rugueuse, froide et glabre ; le tissu cellulaire est infiltré d’un œdème dur et froid ; le cœur est ralenti, comme la respiration ; l’appareil génital reste infantile, la digestion est paresseuse et la sensibilité au froid est vive.

Dans l’hyperthyroïdie, dont le tableau complet se trouve dans les formes graves de la maladie de Basedow, nous trouvons les signes inverses. Le sujet, généralement grand, plutôt maigre, présente une précocité physique et génitale nette ; sa peau est fine, rosée, avec des sueurs abondantes, les cheveux, les poils sont abondants, les yeux brillants, parfois saillants jusqu’au point de donner un aspect sauvage à la physionomie ; les battements cardiaques, les mouvements respiratoires sont accélérés, la nervosité est extrême ; on observe du tremblement, de l’insomnie, des céphalées après les repas ; les sujets se plaignent d’avoir toujours trop chaud et ne sont pas sensibles au froid.

Entre ces deux extrêmes, il y a, bien entendu, de nombreux états intermédiaires, allant des myxœdèmes à peine apparents aux hyperthyroïdies basedowiennes frustes.

La recherche du « métabolisme basal » constitue un précieux moyen de diagnostic. Sous ce nom, on désigne la quantité de chaleur, en grandes calories, dégagée par un mètre carré de la surface corporelle, pendant une heure, le sujet étant à jeun depuis douze heures et restant au repos complet. Cette mesure peut se faire directement, en plaçant le sujet dans un calorimètre ou, plus communément, en mesurant la quantité d’oxygène consommé et de gaz carbonique exhalé pendant un temps donné. Les chiffres normaux, pour l’adulte, sont de 39,5 chez l’homme, de 36,5 chez la femme, entre vingt et quarante ans ; ils sont plus forts dans l’enfance et l’adolescence, diminuent après quarante ans. Le métabolisme basal est nettement diminué dans l’hypothyroïdie, augmenté dans l’hyperthyroïdie (on ne tient compte que des modifications dépassant 10 p. 100 en plus ou en moins).

L’innervation des viscères est assurée par deux sortes de filets nerveux, appartenant au système sympathique et à celui du nerf vague ou pneumogastrique ; tout se passe, dans l’hypothyroïdie, comme s’il y avait excitation du système parasympathique (celui du nerf vague) et affaiblissement du système sympathique, alors que l’inverse se produit dans l’hyperthyroïdie.

Aussi, en plus de certaines médications éprouvées par l’expérience, comme l’emploi de l’iode, stimulant et régularisant des fonctions thyroïdiennes (en Suisse, dans les régions où le goitre est endémique, le sel de cuisine est, obligatoirement, additionné de ce précieux métalloïde), a-t-on recours aux médicaments excitant ou freinant le système sympathique, ainsi qu’aux préparations opothérapiques de glande thyroïde ; celle-ci peut être utilisée en nature ou sous forme d’« extraits » desséchés ou injectables, soit même sous forme de greffes. On use aussi, dans l’hyperthyroïdie, de sérum d’animaux auxquels on a pratiqué l’ablation de la glande.

Parmi les hormones sécrétées par le corps thyroïde, deux des plus importantes ont pu être isolées et reproduites par synthèse chimique ; ce sont la thyroxine, dont l’action, nettement stimulante, peut souvent être mise à profit, à condition d’être surveillée de près par le médecin, et la diiodotyrosine, qui agit en sens contraire de la précédente, qu’elle équilibre dans la sécrétion normale et qui est utilisée dans les cas d’hyperthyroïdie.

L’indication d’une intervention chirurgicale (ablation plus ou moins étendue de la glande) ou d’un emploi des rayons X peut se poser. Le médecin traitant, après s’être entouré de tous les examens nécessaires, sera le seul juge de ces indications.

J’ajouterai seulement que le goitre, indépendamment de son aspect inesthétique, peut causer une gène respiratoire, pouvant aller jusqu’à des accès de suffocation, surtout quand il se développe en profondeur (goitre plongeant) et que les opérations sur la thyroïde sont aujourd’hui bien réglées et couramment pratiquées en France.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°625 Mars 1949 Page 376