Nous avons fait remarquer, en terminant notre précédente
causerie, que, dans la pratique du tir, l’on pouvait attribuer à deux défauts
d’exécution les insuccès les plus fréquents et nous avons tout de suite indiqué
que ces défauts étaient le retard sur la détente et l’arrêt dans le mouvement
de l’arme au moment du départ du coup.
Examinons en premier lieu en quoi consiste le retard sur la
détente.
Lorsque le chasseur décide de faire feu, la chute du chien
(intérieur ou extérieur) est déclenchée par l’action de l’index sur la
détente ; ce déclenchement nécessite une légère pression, dont la valeur
absolue dépend de la construction de l’arme et qui correspond à un certain
effort musculaire de la part du tireur. Cet effort est d’autant plus facile à
exercer que la main est mieux musclée, les doigts peu longs et, par conséquent,
l’index bien engagé dans le pontet. Pour une arme d’un type déterminé, la
vitesse d’exécution dépend donc, en premier lieu, de dispositions physiques
particulières et certains tireurs ne peuvent s’accommoder que de détentes au
départ léger. En principe, il y a avantage à régler ces départs au minimum de
pression compatible avec la sécurité de l’arme, de manière que le départ du
coup corresponde à une action franche et nette de l’index. Les tireurs qui ont
le défaut de s’attarder sur la détente sont ceux qui, conservant plus ou moins
instinctivement les principes du tir à la cible, serrent progressivement le
doigt au lieu de réaliser en un seul mouvement le contact et la pression.
Voyons maintenant ce qui concerne l’arrêt dans le mouvement
de l’arme. On sait que la valeur de la correction de tir à effectuer dans le
cas du tir de chasse correspond au chemin parcouru par le gibier pendant la
durée du trajet des plombs. Si l’arme restait immobile, cette correction
devrait être beaucoup plus importante et, par conséquent, beaucoup plus
difficile à effectuer exactement : le tireur doit donc s’efforcer
d’accompagner le mouvement de la pièce en la devançant d’une quantité
convenable et surtout sans arrêter le mouvement donné à l’arme au moment de
presser la détente. C’est dans la coordination parfaite de ces deux opérations
que réside la supériorité des bons tireurs, et l’acquisition de ce savoir-faire
vaut bien quelques réflexions et quelques exercices.
Sir Ralph Payne Galway, un excellent praticien qui a écrit
autrefois de très bonnes leçons à l’usage des jeunes chasseurs, s’est
longuement étendu sur cette question qu’il jugeait, avec raison, capitale. Pour
acquérir la coordination de mouvement indispensable, voici l’exercice conseillé
par l’auteur : suivre avec l’arme une balle de cricket lancée
alternativement par deux joueurs transversalement au tireur ; sur le
trajet de la balle, deux perches sont placées à environ cinq mètres l’une de
l’autre et la détente doit être actionnée (tir sans-cartouches bien entendu)
pendant le passage de la balle entre les deux perches. Le tireur doit toujours
retrouver son point de mire en avant de la balle après que celle-ci a
franchi la deuxième perche. L’exercice doit être continué jusqu’à obtention de
l’automaticité du geste.
Nous ajouterons à ces excellents conseils l’observation
ci-après : lorsque l’on désire vérifier qu’une arme convient ou non à un
tireur, il est d’usage d’exécuter quelques exercices d’épaulement sur but fixe.
Nous n’y voyons pas d’inconvénient, mais une fois cette vérification faite, il
n’est pas d’habitude plus pernicieuse à conserver, car elle est génératrice
d’un temps d’arrêt au moment de faire partir le coup. L’exercice recommandé
ci-dessus a précisément pour but de faire acquérir au tireur la régularité du
mouvement transversal et tend à empêcher l’arrêt de ce mouvement au moment où
le tireur actionne la détente.
Certains tireurs recommandent une légère accélération du
bras gauche au moment d’appuyer sur la détente ; il est certain que, si
l’on peut acquérir ce synchronisme, il y a de meilleures chances d’arriver à un
bon résultat.
Toutefois, il faut éviter de suivre trop longtemps le gibier
et c’est la raison d’être des deux perches entre lesquelles doit être visée la
balle ; les suiveurs sont dangereux, car ils tirent souvent dans la ligne
et, lorsque le coup n’a pu être placé en avant, il convient de désépauler et de
réépauler en arrière.
À notre avis, les bons tireurs exécutent d’instinct toutes
ces manœuvres, mais il n’est pas défendu à ceux qui, moins adroits, ne sont pas
satisfaits de leurs moyennes de rechercher en quoi leur manière de faire peut
être vicieuse. Ils trouveront probablement dans les considérations ci-dessus le
moyen de progresser.
Très certainement, les corrections de tir sont plus ou moins
difficiles, suivant les angles sous lesquels se présente le gibier. Nous avons
déjà fait remarquer combien le terrain, rend plus simple le tir du poil et, si
certains oiseaux sont faciles, d’autres, qui décrivent des courbes montantes ou
descendantes, sont souvent manqués par d’excellents fusils.
Il nous reste maintenant à examiner comment on peut traduire
par quelques chiffres les résultats obtenus sur le terrain et faire concourir
ces constatations à l’amélioration du tir.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
|