Quoique ayant déjà traité cette question en juin 1947, les
nombreuses lettres d’abonnés que je reçois à ce sujet me font une obligation
d’y revenir.
Cette peur du coup de fusil se manifeste chez le chien
adulte de deux façons différentes :
La première : Au coup de feu de son maître, le
chien revient derrière celui-ci et refuse de se remettre en quête. Ce sujet-là,
on peut espérer le guérir.
La seconde : Le chien, entendant un coup de feu
assez rapproché, met la queue entre ses jambes et s’enfuit à toute vitesse,
rentre à son chenil s’il n’en est pas trop éloigné ou, dans le cas contraire,
va se cacher dans un bois.
Pour celui-là, il y a peu d’espoir de voir disparaître la
phobie. En ce qui concerne le premier sujet, il faut le caresser, et, si la
pièce tirée a été tuée, l’amener dessus, la lui faire sentir, la lui mettre
dans la gueule s’il n’a pas été mis au rapport ; dans le cas contraire, la
lui jeter à quelques mètres en lui disant doucement :
« Apporte. »
Si le chien est très chasseur, ou même aime le rapport, il
ne tardera pas à associer la détonation au plaisir de ce rapport.
Il faudra cependant éviter de se mêler aux groupes de
chasseurs d’où pourrait partir une fusillade et, chaque fois qu’un coup de
fusil aura été tiré à distance, caresser et même donner un croûton ou un
morceau de sucre.
J’ai vu, à l’ouverture dernière, une chienne pointer sortant
du dressage, où elle avait été essayée au coup de feu sans manifester de
crainte, ramenée chez le dresseur par son maître parce qu’aux premiers coups de
fusil qu’elle avait entendus elle n’avait plus voulu chasser. Le lendemain, le
dresseur chassa avec elle, lui tua plusieurs pièces à son arrêt sans qu’elle
manifestât la moindre crainte.
Quelques jours plus tard, le propriétaire put constater la
même chose, mais, ayant voulu faire chasser lui-même la chienne, celle-ci vint
se mettre derrière lui et ne voulut rien faire.
Le dresseur, chargé de la vendre, l’essaya devant un
acheteur qui en fit l’acquisition et ne le regretta pas. Étrange !
Ayant un jour rencontré le propriétaire éleveur, je lui
demandai dans quelles conditions la chienne avait pris peur avec lui :
« Eh bien ! voilà, dit-il : Victoire étant
tombée à l’arrêt, deux de mes amis qui l’avaient vue accoururent, et, quand la
compagnie de perdreaux qu’elle arrêtait prit son vol, elle fut saluée de nos
six coups de fusil. » Je lui dis : « Je ne suis plus étonné du
résultat. » Du chien qui s’enfuit et rentre au chenil, il n’y a pas
grand’chose à espérer, ai-je dit plus haut. Ce qui pourrait cependant le mieux
le mettre en confiance, serait de le faire chasser avec un autre chien qu’il
connût bien.
Quand on élève soi-même une portée, il existe un procédé qui
m’a personnellement bien réussi avec deux chiots bretons faisant partie d’une
nichée que j’ai fait naître en mai dernier et que j’ai élevée jusqu’à six mois.
J’avais suspendu dans le chenil une plaque de tôle d’assez
grandes dimensions. Quand les chiots ont vu clair, chaque fois que je faisais
rentrer la mère avec eux et qu’ils se précipitaient pour téter, je frappais la
tôle avec un bout de ferraille. La première fois, deux des puppies
abandonnèrent la mamelle et se réfugièrent dans un coin ; j’attendis
qu’ils revinssent et fit à nouveau résonner la tôle. Nouvelle fuite des deux
capons. Je fis sortir la mère et recommençai deux heures plus tard. Un
seulement abandonna alors la tétée. Le lendemain, après un peu d’hésitation,
les deux prirent leur repas en même temps que leurs frères, malgré le bruit.
Je renouvelai chaque jour la séance de tam-tam, en frappant
de plus en plus fort, et cela jusqu’au sevrage. Puis je tirai, quelques
cartouches à blanc. Ce procédé, beaucoup plus simple que celui du pistolet à
amorces, est à la portée de tout éleveur et peut s’employer par l’amateur qui
achète un chiot à choisir dans une portée.
On m’a rapporté que la Société centrale canine avait
l’intention d’exiger, pour le titre de champion de travail, l’obtention d’un
prix en épreuve avec gibier tiré. Ce serait le vrai moyen d’éliminer des
étalons ayant peur du coup de feu.
A. ROHARD.
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