L’amélioration des plants dans les syndicats de sélection
s’effectue par deux méthodes conjuguées : la sélection généalogique et la
sélection massale. Il y a quelques années, en partant de plants obtenus sur
place dans une région donnée et avec une variété un peu stable, la simple
sélection massale donnait des résultats satisfaisants. En épurant, c’est-à-dire
en enlevant les rares mauvais pieds au cours de la végétation, on améliorait
rapidement l’état sanitaire d’un lot. Ce n’était pas parfait, mais enfin l’amélioration
était appréciable. Depuis l’introduction massive et répétée de plants étrangers
à une région, on a constaté que le déclin des variétés indigènes était plus
rapide ; par suite, qu’une simple épuration n’était pas suffisante. On a
été forcé d’employer la sélection généalogique, qui s’est avérée plus efficace.
Comme on sait, cette sélection est longue et demande des soins spéciaux pendant
plusieurs années consécutives.
On part de récoltes isolées de pieds supposés sains, pieds
obtenus dans une bonne culture, par l’opération dite du piquetage. Ces
récoltes isolées et numérotées sont plantées dans la suite de façon à obtenir
des lignées d’abord (première année), puis des familles
(deuxième, troisième et quatrième années). Ce procédé, dis-je, s’est avéré plus
efficace, d’où son extension presque générale non seulement pour l’amélioration
des variétés locales, mais pour les sortes introduites. Mais, s’il réussit
fréquemment, il ne réussit pas toujours ; on constate certains échecs, qui
parfois découragent les praticiens.
On s’est demandé, à diverses reprises, d’où provenaient ces
échecs. Le défaut d’isolement, ou plutôt l’insuffisance des distances
d’isolement, a été d’abord mis en cause. C’est fort possible, car la
contamination en période végétative par les pucerons ou autrement est loin
d’être bien connue dans ses modalités. D’autre part, cette contamination est
variable suivant les milieux et suivant les années. Dans certains endroits, 3 à
4 mètres d’isolement peuvent mettre à l’abri les lignées et les
familles ; dans d’autres, un isolement de 10 mètres peut être
insuffisant. En conséquence, un défaut dans les distances d’isolement peut
provoquer des échecs.
Mais un autre facteur plus important est en cause :
c’est bien souvent l’incertitude du point de départ, autrement dit de
l’état de santé des têtes de lignées. Par l’opération du piquetage, on choisit
avec beaucoup de soins, cela en été, des plantes d’apparence saine, ne
voisinant pas avec des plantes malades. L’année suivante, sur 20 lignées
par exemple, bien isolées, on s’aperçoit que 10 sont constituées uniquement par
des plantes malades (enroulement, frisolée, bigarrure), 5 par un mélange de
plantes saines et malades et 5 d’apparence complètement saine. Sur ces 20 lignées
de première année, on obtient 5 familles pour la deuxième année ; le
reste est à éliminer. Un tel fait montre suffisamment que par l’opération du
piquetage, si bien conduite soit-elle, on n’obtient pas une garantie complète
de l’état de santé, que des contaminations occultes ne laissant aucune trace
sur le feuillage et sur les tubercules se sont effectuées. Discerner ces
contaminations occultes sur les récoltes choisies comme têtes de lignées a été
l’objet d’études très poussées, opérées principalement en Angleterre. On est arrivé
à discerner l’état de santé par ce qu’on appelle le sérodiagnostic,
autrement dit un diagnostic par le sérum d’un animal. La méthode, nouvelle pour
la pomme de terre, ne l’est pas en médecine humaine. Depuis une vingtaine
d’années, elle est employée dans les laboratoires annexes des hôpitaux pour
discerner la nature exacte de certaines affections humaines, telles que fièvres
typhoïde et paratyphoïde, actinomycose, brucellose, etc. Son principe est le
suivant : tout organisme vivant mis en contact avec un agent pathogène
(bactérie, virus, etc.) réagit ; il se produit dans son sérum la formation
de ce qu’on appelle des anticorps spécifiques. Il est clair que, si on
arrive à démontrer l’existence de ces anticorps, on peut assurer la présence
dans l’organisme de l’agent pathogène ayant provoqué leur formation.
La méthode vient d’être employée en France pour la pomme de
terre dans divers établissements outillés pour la circonstance, notamment par
M. Limasset à la Station de pathologie végétale de Versailles. On s’est
procuré d’abord des virus isolés et fréquents chez la pomme de terre :
virus A, X, Y, etc. Injecté à un animal, un lapin par exemple,
chaque virus provoque la formation dans le sérum des anticorps spécifiques,
autrement dit spéciaux, pour chaque sorte de virus. Le sérum extrait du lapin
sert ensuite de réservoir pour obtenir la réaction. D’un autre côté, on prélève
2 ou 3 tubercules (sur les 10 à 15) de chaque lignée à étudier, pour, en
hiver, les planter en serre. Dès que les plantes ont des feuilles, ce qui
demande quelques semaines, on extrait par pression un liquide de ces feuilles.
Si on veut savoir si dans ce liquide se trouve, par exemple, le virus X,
on le mélange dans un tube ou sur la lamelle du microscope avec le sérum du
lapin préparé avec le virus X. Si le mélange est homogène, la
réaction est négative ; s’il existe des floculats ou plages claires,
la réaction est positive ; la tête de lignée est à éliminer comme
renfermant le virus X.
Cl. PERRET.
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