On a à peu près tout dit et tout écrit sur les maladies
cryptogamiques de la vigne. Malgré cela, il nous semble opportun de résumer la
question, seulement pour les principales.
L’oïdium (Oïdium Tuckeri) a été signalé,
d’abord par Tucker, en 1845, en Angleterre, dans des forceries ; puis deux
ans plus tard, en 1847, dans des serres à raisin, à Suresnes, près de Paris.
C’est en 1853 que, par l’emploi du soufre, on a pu limiter
le désastre dû à ce parasite.
Celui-ci attaque tous les organes verts de la vigne sous la
forme suivante : « Des efflorescences grisâtres forment des taches
irrégulières qui, bientôt, se joignent, pourvues d’une odeur de pourri et de
marée caractéristique. »
Les feuilles deviennent cassantes et se détachent
facilement. Les jeunes pousses des sarments se dessèchent ; celles plus
âgées n’aoûtent pas.
Non soignée, la maladie provoque la mort du cep. Les
grappes, avant véraison, se dessèchent ; les grains se recouvrent d’un
duvet grisâtre qui altère la peau.
L’oïdium est le premier des parasites à apparaître lorsque
la température atteint 10° à 12 .
Le soufre agit par ses émanations et demande une température
de 25° à 30° pour produire son plein effet.
Le soufre doit avoir certaines qualités : d’abord la finesse,
— il doit être broyé le plus fin possible, — ensuite son adhérence,
enfin sa pureté ; n’oublions pas aussi qu’il doit être très sec
et ne pas former de boulettes.
Les soufrages préventifs sont surtout efficaces ; on
doit les pratiquer quand les jeunes pousses ont 5 à 10 centimètres de long,
avant et pendant la floraison (diminution de la coulure), quinze jours avant la
véraison et après celle-ci s’il y a lieu.
Le mildiou (Peronospora viticola) a été
constaté en France, en 1878 ; quelques années plus tard, tous les
vignobles européens étaient atteints.
Le mildiou, comme l’oïdium, attaque tous les organes verts
de la vigne, mais, contrairement à ce dernier, il pénètre dans les tissus et
amène leur destruction.
La microscopique graine du champignon, appelée spore,
déposée sur la surface de la feuille, germe dès que les conditions sont
favorables, émet un suçoir qui traverse l’épaisseur de la feuille, sort par la
partie inférieure où elle forme ses fructifications ; l’ensemble de ces
dernières produit une tache couverte d’efflorescences brillantes « comme
si elles étaient salines ».
La partie atteinte prendra par la suite la couleur
feuille-morte. Le champignon formera plus tard une seconde fructification dont
les spores, bien protégées, passeront l’hiver sans inconvénient et germeront au
printemps.
Tout le monde est d’accord pour constater que les sels de
cuivre sont efficaces contre la maladie, mais seulement à titre préventif et
non à titre curatif.
On admet comme règle, qui n’est pas immuable, que le premier
traitement doit avoir lieu avant le 10 juin dans le Nord et avant le 10 mai
dans le Midi.
Faute de place, nous ne passerons pas ici en revue les
différentes formules de bouillies. Rappelons seulement que l’oxyde de cuivre du
sulfate peut être précipité par la chaux (formule bordelaise) ou par la soude
Solvay (formule bourguignonne).
Le verdet gris, ou acétate bibasique de cuivre, a
donné de bons résultats pour la lutte contre le mildiou et les rots noir et
blanc. Il s’emploie en solution dans l’eau sans addition d’aucun produit.
On ajoute parfois aux bouillies des adhésifs, procédé
recommandé, ou du formol, du permanganate de potasse, du soufre mouillable,
etc. ...
Le black rot (Guignardia Bidwellii) a été
signalé dans l’Hérault, en 1885.
Ce champignon se développe principalement sur les feuilles
où une tache feuille-morte apparaît, cerclée ensuite de petits points noirs,
qui sont les organes reproducteurs du parasite.
À l’automne, à la chute des feuilles, celles atteintes sont
criblées de trous.
Il peut apparaître sur les grappes quinze jours après
l’attaque de la feuille.
Sur les grains, l’attaque s’arrête à la véraison ; dans
certains cas, elle amène le dessèchement complet du grain.
Le traitement est le même que celui du mildiou.
Le rot blanc (Charrinia diplodiella) a été
signalé en France en même temps que le black rot et par les mêmes
auteurs ; il n’a pas l’importance de ce dernier et n’attaque que les
grains. Sur l’othello, il apparaît avant la véraison, et on peut arrêter
l’invasion par un traitement au permanganate de potasse.
Il serait souhaitable que les viticulteurs aient à leur
disposition, pour les traitements cupriques, des pulvérisateurs donnant 10 kilogrammes
de pression.
L’anthracnose (Manginia ampelina), alors que
les maladies précédentes nous viennent de l’Amérique du Nord, est connue en
France très anciennement, puisqu’elle a été signalée par un auteur romain.
Nous étudierons la forme la plus dangereuse du champignon,
l’anthracnose maculée, qui ... « envahit les organes verts de
la vigne surtout pendant les premières phases de leur développement : les
rameaux jeunes quand ils sont encore à l’état herbacé, avant les premières
manifestations de l’aoûtement, les grains depuis la fleur jusqu’au moment où
ils ont atteint la moitié de leur grosseur normale ... L’organe une fois
envahi continue, après ces périodes, à nourrir le champignon dont le mycélium
creuse et désorganise les tissus en formant des chancres plus ou moins
étendus. » (P. Pacottet.)
Les taches dues à la maladie ont de 1 à 3 centimètres
de diamètre ; cerclées de noir, ces taches s’agrandissent ; leur fond
se creuse, amenant quelquefois la brisure du sarment.
Les mêmes caractères se retrouvent sur les grains.
Tous les cépages n’ont pas la même résistance à la maladie.
Toutes les parties de la vigne atteintes par l’anthracnose
doivent, au moment de la taille, être ramassées, mises de côté et brûlées.
Les souches seront humectées à l’aide d’un pinceau avec une
solution de sulfate de fer (et non de cuivre), chaude et concentrée, préparée
comme suit : dissoudre 35 kilogrammes de sulfate de fer dans 100 litres
d’eau très chaude ; après dissolution, ajouter avec précaution 1 litre
d’acide sulfurique du commerce. Comme moyen préventif, on peut employer un
mélange soufre et chaux grasse pulvérisée.
Premier traitement avec un cinquième de chaux seulement, dès
que les rameaux ont 9 à 10 centimètres de long ; les suivants, tous
les quinze jours, en augmentant la dose de chaux grasse jusqu’à ce qu’elle
atteigne les trois cinquièmes du mélange soufre-chaux.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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