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Élevage

Le tondage

et la santé des animaux

De pratique courante à certaines époques de l’année, l’opération du tondage consiste à couper et raccourcir, en totalité ou en partie seulement, les poils trop longs ou trop touffus dont les animaux sont recouverts et qui ont l’inconvénient de gêner la transpiration et l’évaporation de la sueur, ce qui les prédispose aux congestions internes (coliques, pneumonie) sous l’influence d’un refroidissement.

Chez les chevaux, les bovins et les chiens, l’opération n’est pratiquée que dans un but hygiénique ou thérapeutique — encore que certaines races de chiens y soient astreintes fréquemment, pour sacrifier à la mode, à des questions de toilette ou d’esthétique, dont l’utilité ne s’impose pas a priori. Par contre, chez les moutons, elle répond surtout à des considérations économiques sur l’importance desquelles il est inutile d’insister, si ce n’est pourtant en signalant qu’on dit la « tonte » des moutons et le « tondage » pour tous les autres animaux.

Avant que d’être reconnus et adoptés, les nombreux avantages qu’il est permis d’attendre de la pratique du tondage ont été fortement discutés et combattus, et il existe encore, de moins en moins cependant, certains réfractaires qui se refusent à en user.

Comment, disent ceux-ci, c’est au moment où le froid se fait sentir, alors que nous éprouvons pour nous-mêmes le besoin de nous couvrir plus chaudement, que vous nous recommandez d’enlever au cheval, par exemple, la robe épaisse que la nature lui fournit plus chaude que celle dont il dispose en été ?

L’observation ne manque sans doute ni d’à-propos, ni de bon sens, mais elle n’est valable que pour les animaux vivant à l’état de nature, en toute liberté, tandis que la domestication, qui est « l’antipode de la nature », les place dans des conditions toutes différentes.

S’il est exact qu’au cours de la saison froide et dès son début les poils des chevaux s’allongent, deviennent plus touffus, perdent leur brillant pour former ce qu’on est convenu d’appeler le poil d’hiver, ce supplément de protection n’est pas du tout indispensable pour des animaux bénéficiant d’une écurie confortable, d’une nourriture copieuse et de bons soins intéressés pour augmenter leur vitalité et leur rendement.

D’autre part, quand un cheval a « pris son poil d’hiver », son pansage, souvent fait rapidement, par manque de temps ou de soins de la part du palefrenier, n’arrive plus à le nettoyer, et il ne tarde pas à être enveloppé d’un autre manteau, formé de crasse épaisse, grasse et collante, qui l’étouffe littéralement. Car la peau exerce, par les nombreux pores dont elle est traversée, une fonction respiratoire très active, en absorbant l’oxygène et en rejetant l’acide carbonique à la manière des poumons. À tel point que des chevaux traités pour des maladies de peau, la gale en particulier, ayant eu le corps enduit de charges ou pommades à base de goudron, obstruant ces pores, sont morts assez rapidement, succombant à une véritable asphyxie.

Le tondage, au contraire, aère la peau, contribue à sa propreté, l’assouplit, toutes ses fonctions se trouvant activées ; le cheval y gagne de l’appétit et, mangeant plus et mieux, il profite davantage de sa ration, devient plus vif, plus énergique, et son état général s’améliore rapidement. C’est là un fait de constatation courante et qui vient à l’appui du dicton assurant qu’ « un bon pansage vaut un picotin ».

Les chevaux mous, lymphatiques, indolents, malingres, à appétit capricieux, sont, chose curieuse, ceux qui en général profitent le mieux de l’opération, alors qu’on serait tenté de croire qu’ils devraient être parmi les derniers à la subir. Les blessures du harnachement, qui sont souvent provoquées par l’accumulation de la crasse sous les différentes parties du harnais (sellette, collier, bricole, etc.) où, mélangée à la sueur, elle forme des durillons faisant office de corps étrangers, sont beaucoup moins fréquentes sur les chevaux tondus. Si, par hasard, elles se produisent, elles ne risquent pas de passer inaperçues et peuvent être traitées plus facilement et plus efficacement.

Enfin le tondage embellit un cheval, en accusant son « type », ou bien en donnant un certain air de distinction à des chevaux communs, avantagé largement exploité par les marchands de chevaux, soucieux de présenter leurs animaux à la « montre » sous leur aspect le plus favorable.

La pratique du tondage chez les bovidés a pris naissance dans les étables des grands sucriers du Nord, parce qu’elle a été reconnue très favorable à l’engraissement, qu’elle fait en plus valoir en soulignant les formes plantureuses des animaux et en mettant en relief leurs maniements. L’opération est motivée aussi du fait que l’influence d’un régime intensif particulier les prédispose à des démangeaisons ou éruptions, plus faciles à soigner quand les poils ont été coupés, sur les régions où elles siègent. Le tondage est alors presque toujours partiel, intéressant une bande de peau plus ou moins large de chaque côté de la colonne vertébrale ou partant de la naissance de la queue pour descendre sur les fesses jusqu’aux jarrets.

Actuellement, avec les tondeuses mécaniques (voire électriques) qui font partie de l’outillage de tous les ateliers de maréchalerie, l’opération du tondage se pratique aussi rapidement qu’une ferrue complète et avec moins de risques. Elle peut être faite au goût de chacun, générale ou partielle, dans ce dernier cas les uns faisant tondre les parties supérieures du corps, les autres rien que les membres, d’autres enfin laissant intacts certains emplacements sur lesquels portent différentes parties du harnachement.

Le « tondage en chasse », portant sur toute la partie supérieure du corps en laissant la place de la selle ou de la sellette, est de beaucoup le plus répandu.

Dans tous les cas, le tondage doit être fait en dehors des écuries ou étables, à l’abri des courants d’air, et l’époque à choisir varie selon les circonstances, parmi lesquelles : l’espèce animale, les conditions atmosphériques des localités, et selon le but qu’on se propose d’atteindre. Pour les chevaux, le tondage peut être indiqué dès la fin de l’automne et l’apparition du « poil d’hiver », quitte à le renouveler plusieurs fois au cours de l’hiver si c’est nécessaire, mais sans oublier que les poils coupés « pendant une vieille lune » sont ceux qui repoussent le plus lentement !

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°626 Avril 1949 Page 415