Depuis plusieurs années, il est plus particulièrement
difficile de se procurer une bonne chèvre, car les maquignons ne manquent pas
qui abusent des circonstances. En règle générale, il est toujours préférable
d’acheter un caprin dans un périmètre relativement restreint, permettant un
transport rapide ... Si l’on désire une Alpine descendant de
l’alpage, on choisit souvent l’époque automnale, en prenant soin d’utiliser un
rabatteur qui fera le marché pour éviter au nouvel acquéreur de voir le prix de
la chèvre augmenter selon sa bonne mine ! Mais, par un achat sur
place— en toute saison, — on évitera de voir des chèvres en pleine
lactation atteintes d’une mammite ou des portières avancées victimes d’un
avortement. De cette manière, on peut examiner attentivement l’animal en
question et vérifier, en particulier, l’intégrité de son appareil laitier et
contrôler plusieurs traites, en allant jusqu’à traire soi-même pour éviter les
fraudes.
Puisque l’on espère actuellement d’une laitière le rendement
maximum, il faut abandonner les exigences péremptoires de naguère concernant
les races, la couleur, l’absence de cornes : en effet, les différences sur
ces deux derniers points n’engendrent aucune plus-value dans la production. Et
pourtant ces préjugés sont tenaces : le latin Varron s’y trompait
déjà ... L’Alpine, race européenne par excellence, et partiellement
française — il y en a 20.000 dans les Alpes, — est notre meilleure
laitière. À défaut de cette chèvre autochtone, on pourra choisir une autre race
indigène, comme la Poitevine ou la Pyrénéenne. Laissons de côté
l’excellente Mambrine, qu’il est souvent difficile de se procurer. Et,
finalement, en désespoir de cause, il reste toujours la chèvre commune, pourvu
que ce ne soit pas une vieille bique à la mamelle charnue et tarie !
Choix d’un bouc.
— Si un bouc ou une chèvre peuvent reproduire dès l’âge
de sept mois, cette précocité aurait, selon certains, l’inconvénient de
ralentir leur croissance et de compromettre pour la femelle sa lactation
future ; et cela malgré la formule souvent employée : la fonction
crée l’organe. Malgré tout, il vaudrait mieux attendre qu’elle atteigne ses
quinze mois pour la conduire au bouc. Mais, malheureusement, cela est rarement
possible dans les conditions actuelles de l’élevage caprin. Et pourtant les
chevriers réputés du Mont-d’Or lyonnais, au temps où leurs fromages célèbres
donnaient à leur entreprise une grande valeur économique, faisaient saillir
leurs chèvres dès huit mois, mais ils avaient au moins, en contrepartie,
l’intelligence de les conserver jusqu’à douze ou quinze ans.
Au premier coup d’œil, vous reconnaîtrez un bon caprin
(chèvre ou bouc) aux caractères suivants : taille élevée par rapport à la
race, corps allongé, dos horizontal, poitrine large et profonde, épaules charnues,
reins droits et larges, croupe également large, cuisses bien musclées. Le plus
fréquemment, l’encolure est courte et assez musclée. Vous éviterez l’achat des
sujets efflanqués et trop vulgaires. Tâtez, d’autre part, l’épine dorsale pour
voir la quantité de chair qu’elle recèle : elle ne doit pas être trop
faible, car c’est là que l’on trouve aussi des paquets de graisse.
Pour ce qui est du bouc, lorsqu’il est normal et de bonne
origine, il ne doit pas avoir l’aspect d’une brute libidineuse, ni sentir trop
fort. Jeune et vigoureux, son aspect sera alerte et engageant, mais sans
grossièreté, avec une tête large et non mafflue. Varron est assez précis
lorsqu’il recommande de choisir des bêtes grandes et fortes, à la taille
effilée ; quant à rechercher une toison épaisse, ce n’est évidemment pas
un critère universel de valeur dans le monde caprin. Recherchez des boucs ayant
de bons aplombs, aux membres bien musclés, droits, secs et nerveux, et aux
fortes cuisses. Parce qu’il ne transforme pas en lait une partie de ce qu’il
mange, ses flancs seront moins creux que ceux de la chèvre. Cherchez également
chez lui un arrière-train puissant, large et musclé. C’est, en effet, du choix
judicieux d’un bon bouc que dépendent la santé et la valeur marchande de nombreux
chevreaux, puisque son service de monte à l’automne peut s’élever à cent
chèvres.
C’est ici que l’agronome Varron, déjà cité, se montre
fantaisiste en déclarant que les meilleurs boucs ont le poil blanc ou noir,
dru, brillant et très long, la tête et le cou ramassés, l’épiglotte allongée,
le corps très grand, les jambes grosses, les oreilles tombantes et lourdes, la
tête petite, sans oublier les « deux petites verrues » qui lui
pendent sous le cou », autrement dit les pendeloques.
Cela ressemble en gros à la description du bouc maltais. Et
donc certains caractères sont justes en soi ou dans certains cas, mais c’est un
tort de généraliser.
Ch. KRAFFT DE BOERIO.
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