C’est en couture, ce printemps, le triomphe du bleu
et blanc, d’ailleurs charmante harmonie, facile et distinguée, agréable à
porter ; le bleu est généralement choisi dans un tissu sec à fil
gazé : « Frac », de J. Léonard ; « Grain
d’habit », de Gérondeau ; petits draps de Rodier, de Lesur, de Labbey ;
« Amil » ou « Ondamil », de Pierre Besson ; le blanc
c’est du piqué, de la toile, du linon ou des soieries, taffetas et surahs
rayés, pékinés ou discrètement imprimés de bleu et blanc. Notons également un
mariage neuf de couleurs, oublié depuis de longues années et pourtant bien
joli, le vert et bleu, émeraude et saphir.
En dehors de cela nous retrouvons les unions de teintes douces
et très pastellisées dans les tailleurs et ensembles alertes pour trotter, avec
toutes sortes de petits carreaux, mais en camaïeux ou de nuances très
atténuées, très fondues, toutes à base de beige ou de blanc naturel ; en
revanche, les ratines et velours de laine d’été pour manteaux offrent souvent
l’éclat d’un beau rouge-feu, de jaunes lumineux ou acides, d’un très élégant
bleu ardoise ou la distinction de tous les blonds, tabac ou écaille du monde.
Les gris sont encore très en vogue, des gris très variés allant du gris perle au
gris éléphant, en lainages aussi bien qu’en soieries, et, dans chaque
collection de modistes, il y a plusieurs chapeaux gris.
Au seuil de la mode nouvelle, nous voici devant quelques
tendances neuves, mais, à dire vrai, l’évolution entre la mode d’hier et celle
d’aujourd’hui s’est faite douce et sans à-coups.
Les jupes sont un peu plus courtes, très peu, jusqu’à 35 centimètres
du sol, elles sont d’une ligne plus nette, sans entraves ni ampleurs
excessives, les effets de drapages, de retroussis, de poufs sont en
dégression ; les tailles restent très étreintes, très minces au-dessus des
hanches galbées, les bustes sont toujours bien dessinés, poitrine saillante et
haute, mais de la souplesse les enveloppe et, pour les robes habillées, les
décolletés restent osés, torsadés, largement drapés avec une liberté qui, pour
être élégante, doit être très travaillée, très au point, en dépit de son
apparent négligé.
Les mouvements en arrière restent en faveur, basques et
ampleur entraînées, fuyantes, prolongation de cette ligne que, dans l’une de
ses dernières collections, Lucien Lelong avait si pertinemment appelée
« figure de proue » ; dans le tailleur classique, la basque est
sans histoire, moyenne ou courte ; dans le tailleur de fantaisie, le
deux-pièces, elle est très diverse, irrégulière, raccourcie à droite sur une
ampleur massée de jupe asymétrique, repliée sur elle-même comme celle d’un
habit à la française, coquillée et allongée en queue d’hirondelle, fendue
derrière et roulée en cornet, doublée ou redoublée de lingerie, de soierie,
voire de velours quand l’ensemble est taillé dans l’un de ces tissus,
« cravate » façonnée et bien en main, à menus carreaux ou
pied-de-poule.
L’écossais a gardé toute sa vogue ; on en fait
des robes très jeunes pour jeunes filles ou très jeunes femmes, des robes en forme
à corsage kimono, travaillées en biais ou volantées, ornées d’un rien de
lingerie au col et aux parements ; les écossais employés cette saison sont
très élégants de tons, ils sont inspirés, aussi bien en laine qu’en soie, des
vrais clans d’Écosse.
À Pierre Besson nous devons de remarquables cotonnades
écossaises, si finement tissées, d’une telle qualité qu’elles soutiennent la
comparaison avec les soieries. Il faut noter aussi d’étonnants tissus de cotons
changeants, qu’il faut toucher pour ne pas confondre avec du taffetas, et qui
sont également employés pour faire de petites robes d’après-midi, draper
d’admirables robes du soir, croquer des nœuds de chapeaux ou ... tendre
des parapluies !
G.-P. DE ROUVILLE.
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