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Chronique ménagère

Les œufs

Avril ! Pâques ! Voici la saison où les œufs frais abondent sur les marchés et où ils sont à un prix accessible aux bourses modestes. Mangeons donc des œufs, direz-vous. Ni trop, ni trop peu, répondons-nous sagement.

L’œuf est un de ces aliments qui sont, à tort et aussi à raison, tantôt prônés, tantôt calomniés. Essayons de considérer ce que valent et cette faveur, et cette intolérance, de découvrir le bien-fondé de l’une comme de l’autre attitude et d’établir dans quels cas il est indiqué d’utiliser les œufs ou de les rejeter.

L’œuf est indiscutablement un aliment de grande valeur. De tous les aliments d’origine animale, il est l’un des plus réparateurs. Un œuf pèse en moyenne 60 grammes, qui se décomposent comme suit : coquille 7gr,2, blanc 35gr,4, jaune 17gr,4. Le blanc contient de l’albumine, des graisses, du glucose et divers sels minéraux, dont les plus précieux sont le fer et la silice. Le jaune a une valeur nutritive plus importante et renferme des albumines phosphorées, particulièrement reconstituantes, des matières grasses et des substances minérales. Il renferme aussi l’hématogène, riche en fer organique ; il contient des vitamines A, ou vitamine de croissance ; B, B1, ou vitamines antinévritique et d’utilisation nutritive ; P. P., ou antipellagreuse. Le jaune est beaucoup plus riche en substances énergétiques que le blanc, car, sur 80 calories que fournit un œuf moyen, 18 seulement sont fournies par le blanc et 62 par le jaune.

Mais ces précieuses qualités ne se rencontrent que dans les œufs frais. Et encore, parmi ceux-ci, convient-il de faire une distinction. En effet, un œuf frais acheté dans une ferme, ou à défaut à la crémerie, généralement bien ravitaillée, en cette saison surtout, par la province, où les poules disposent d’un grand terrain et sont nourries de grains et de verdure, est infiniment supérieur en qualité à un œuf acheté au voisin qui habite le gros bourg ou la grande ville, dont les poules sont nourries de déchets et confinées au fond d’une cour obscure et encombrée.

Un œuf qui n’est plus frais peut présenter un danger d’intoxication pour l’organisme. S’il est longtemps exposé à l’air, la coquille, qui est perméable, laisse passer des microbes qui développent, aux dépens de l’albumine, des substances toxiques. Si, quand l’œuf est ouvert, le blanc et le jaune ne sont pas nettement séparés, c’est qu’ils ont été peptonisés et liquéfiés sous l’influence de diastases sécrétées par les microbes, et l’œuf ne doit pas être utilisé.

Les enfants (à partir de huit mois un peu de jaune, mais pour n’arriver à un jaune entier deux fois par semaine qu’à quinze mois ou deux ans), les vieillards, les anémiques, les convalescents, les tuberculeux se trouvent bien de l’absorption d’œufs frais en quantité modérée (ne jamais dépasser la dose de deux œufs entiers par jour), les lécithines, matière grasse phosphorée du jaune, favorisant la fixation du phosphate et activant les échanges azotés. Un œuf frais ne reste pas plus de deux heures dans l’estomac. Le Dr Carton nous dit à son sujet : « Il n’est contraire ni au foie, ni à l’intestin, ni à la peau ... Ce qui a donné naissance à la fable de l’œuf aliment toxique, et ce qui est dangereux, c’est de faire gober de quatre à dix-huit œufs par jour en suralimentation par des anémiques ou des tuberculeux. La jaunisse, l’entérite sanglante, l’urticaire, l’hémoptysie, la démolition des viscères digestifs et l’empoisonnement du sang sont la conséquence de telles prescriptions. »

Œufs, viande et poisson ne devraient jamais se trouver ensemble sur la même table. Un œuf par jour et par personne, surtout s’il entre dans la confection de sauces, de soufflés ou d’entremets, est très bien toléré par l’organisme. Quand l’œuf se comporte comme un véritable poison, c’est que la personne présente des phénomènes d’anaphylaxie vis-à-vis de l’œuf, ou qu’elle souffre d’une maladie spéciale telle qu’appendicite chronique, colite avec diarrhée, insuffisance hépatique, eczéma ...

Ceci dit, voici quelques recettes permettant d’accommoder les œufs — ou plutôt de corser heureusement un menu en ajoutant un ou quelques œufs à des sauces, soupes, soufflés ou entremets :

Soupe à l’œuf.

— Dans de l’eau de cuisson de quelque légume frais (chou-fleur, haricots verts, artichauts, épinards, etc. ...), jeter en pluie, lorsque le liquide bout, du vermicelle, ou de petites pâtes, ou du tapioca, ou de la semoule, ou des flocons d’avoine. Battre d’autre part un œuf par deux ou trois personnes comme pour une omelette. Quand le potage est cuit, verser peu à peu un peu de liquide bouillant sur les œufs battus, en agitant constamment. N’ajouter le reste du potage que lorsqu’il est un peu refroidi (s’il est trop chaud, l’œuf se coagule en petits grumeaux ; on dit que la soupe est « brossée »), continuer à remuer un peu si le liquide est encore trop chaud. L’idéal est d’obtenir un velouté moelleux : le liquide trop froid ne donne pas ce velouté moelleux si agréable ; le liquide trop chaud risque de donner un potage « brossé ».

On peut remplacer les pâtes par des croûtons préalablement frits dans un corps gras, mis dans la soupière avant d’y verser le liquide avec l’œuf battu.

Ramequins au fromage.

— Faire une pâte brisée (pour 12 petites formes, il faut 50 grammes de beurre ou margarine, 50 grammes de farine, 2 cuillerées à soupe d’eau, une pincée de sel). Bien travailler la pâte, retendre au rouleau très mince, garnir les formes.

Pour remplir les formes, faire une béchamel un peu épaisse : 30 grammes de beurre, 3 cuillerées de farine, un demi-litre de lait bouillant ajouté peu à peu en tournant toujours sur le feu ; laisser cuire dix minutes. Enlever du feu, ajouter deux jaunes d’œufs, fromage râpé (50 grammes), blancs battus en neige. Remplir les formes. Faire cuire au four vingt à trente minutes. Suffit pour six personnes.

Quenelles à la farine.

— 2 œufs, 100 grammes de farine, 70 grammes beurre ou margarine, un verre de lait, sel. Faire bouillir le lait, ajouter beurre et sel, saupoudrer la farine en tournant vivement sur le feu pendant trois ou quatre minutes. Retirer du feu, ajouter les œufs entiers quand la pâte est bien refroidie, travailler la pâte jusqu’à ce qu’elle soit bien lisse. Laisser reposer une ou deux heures. Faire ensuite des quenelles en roulant par petites portions (une cuillerée à café bien pleine) sur une planche farinée. Faire cuire pendant un quart d’heure dans de l’eau bouillante et salée (l’eau doit à peine frissonner, cela dissoudrait les quenelles). Servir dans une sauce béchamel simple — ou sauce aurore (béchamel additionnée de sauce tomate), — ou avec un coulis de tomates. Quelques champignons accompagnant n’importe laquelle de ces sauces sont d’un heureux effet. (Pour quatre ou cinq personnes.)

Gnocchis à la semoule.

— Un litre de lait, quatre cuillerées de semoule, sel, deux œufs, 50 grammes gruyère râpé (ou cantal, ou n’importe quel fromage un peu dur). Jeter la semoule en pluie dans le lait bouillant salé ; laisser cuire cinq à six minutes jusqu’à ce que la semoule ait épaissi ; ajouter les œufs préalablement battus, le fromage râpé. Mettre au four dans un plat très plat, graissé, ou par petits paquets, jusqu’à ce que le tout soit bien doré. (Pour quatre à cinq personnes.)

Pommes et crème meringuée.

— Dans un plat allant au four, disposer une couche de marmelade de pommes. Préparer d’autre part une crème faite avec un litre de lait sucré versé sur deux jaunes d’œufs battus, avec une cuillerée à soupe de maïzena ou de fécule ; en recouvrir les pommes. Battre les blancs d’œufs en neige ferme en y ajoutant un peu de sucre en poudre. Disposer les blancs en petits tas sur la crème. Faire dorer au four.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°626 Avril 1949 Page 426