J’avais composé le modèle original de cette maison, avant la
guerre, à l’occasion d’un concours d’habitations à bon marché, en application
de la loi Loucheur. Je le présente aujourd’hui, légèrement agrandi, légèrement
modifié, aux lecteurs du Chasseur Français.
Pour la création de ce modèle, je m’étais imposé les règles
suivantes :
1° Confort maximum dans un cube construit
minimum ; donc, suppression des couloirs et dégagements ; groupement
rationnel des pièces.
2° Grande simplicité de construction, concourant, avec la
réduction du cube construit, à une économie judicieuse, tout en assurant la
stabilité et la durée.
3° Orientation unique, toutes les pièces d’habitation
principale donnant sur la façade, vers le soleil.
4° Élégance, malgré la simplicité des moyens étant : le
résultat est obtenu par l’élancement de la façade en pignon, par les
« batteries de petites fenêtres juxtaposées et superposées, flanquées de
volets décoratifs et ornées de jardinières fleuries ».
Distribution.
— Nous accédons à la maison par un perron de quelques
marches situé à gauche de la façade. Nous pénétrons dans un petit vestibule-tambour
(1m,50 x 1m,70), où se trouve un placard
vestiaire.
De cette petite entrée, nous passons dans la grande salle
familiale (4m,95 x 4m,50), qui commande
toutes les autres pièces. Tout autour se trouvent cuisine, bureau, bains, et,
au fond, l’escalier qui conduit au sous-sol et aux trois chambres des étages.
La salle familiale est éclairée en façade principale par
quatre fenêtres juxtaposées qui occupent toute la largeur de la pièce. Ces
fenêtres sont fermées le soir par des volets pliants en bois plein. Au fond,
nous apercevons, à droite de la porte ouvrant sur l’escalier, le grand buffet
de 2m,40 de large et, à gauche, le grand poêle de faïence. Entre la
porte de la cuisine et la porte sur entrée, se place le bahut ou desserte de 1m,30
et, en face, la vieille pendule. Au milieu, trône la grande table où la famille
prend ses repas.
La cuisine (2m,70 x 2m,50)
s’éclaire par une fenêtre au nord et une à l’ouest. Nous y trouvons :
cuisinière à bois et à charbon, cuisinière électrique, évier avec double
égouttoir, placard de 2m,50 de large sur 0m,50 de
profondeur, table pour l’épluchage des légumes et les préparations culinaires.
Le bureau (2m,70 x 2m,50)
est éclairé par deux fenêtres, l’une au sud en façade principale, l’autre à
l’est. Ces fenêtres sont fermées par des volets pleins en bois, en lambris
d’assemblage. Ce bureau est disposé de la façon suivante : sur toute la
largeur, devant le mur de façade, règne une grande table-bureau de 2m,50
de long sur 0m,70 de large, garnie de tiroirs, où les enfants,
nombreux en Alsace, pourront, côte à côte, faire leurs devoirs. Sur la paroi du
fond, se trouve le grand placard bibliothèque de 2m,50 de long sur 0m,50
de profondeur. Le bureau est séparé de la salle familiale par une porte vitrée
à deux vantaux. Ainsi la maîtresse de maison peut surveiller les enfants et les
apercevoir à tout moment, soit de la salle à manger, soit de la cuisine.
La salle de bains (2m,50 x 1m,70)
comporte lavabo, bidet, baignoire, placard à linge.
L’escalier à noyau, en tourelle, à la manière
ancienne, avec marche de 1 mètre de large, conduit au premier étage à un
palier sur lequel s’ouvrent la chambre 1 et la chambre 2.
Les chambres 1 et 2 (4m,50 x 4m)
s’ouvrent en façade par quatre fenêtres en batterie, les deux du milieu fermées
par des volets pliants en bois se rabattant en tableau, les deux latérales
fermées par des volets pleins décoratifs venant plaquer de chaque côté sur la
façade. Chacune de ces chambres est meublée par deux lits jumeaux, deux tables
de chevet, une table, un poêle de faïence. Du côté du versant de toiture, sur 4m,50
de long, se développent quatre placards dont la profondeur augmente à mesure
qu’on s’approche du parquet, et qui offrent une grande capacité de rangement.
Certains sont aménagés partiellement en penderie, d’autres ne comportent que
des étagères. L’un d’eux peut recevoir un lavabo.
L’escalier nous conduit au deuxième étage à la chambre 3
(4m,50 x 5m,80), ouvrant en façade par deux
fenêtres ornées de volets décoratifs. Cette chambre comporte quatre petits lits
se faisant face à face deux à deux, adossés à deux fonds de niche alcôve
encadrés par quatre placards. Ce sera de préférence la chambre des garçons. (La
distribution du premier et du deuxième étage pourrait être modifiée pour
obtenir cinq chambres plus petites.)
Par l’escalier en tourelle, nous redescendons au sous-sol,
qui comporte une grande cave sous la salle familiale avec terre-pleins
latéraux. Mais on peut avoir des caves sous toute la surface, avec buanderie,
chaufferie, caveau, etc.
Construction.
— Le principe général de construction est très simple,
mur pignon devant, mur pignon derrière, les solives des planchers et les pannes
de la charpente posées à mesure en montant, sans poutres ni fermes. L’escalier
à noyau est aussi très simple : les quarante-six marches qui montent du
sous-sol au deuxième étage sont semblables : elles sont en béton armé
évidé, chacune portant son tronçon de noyau creux, et moulées, dans un moule
unique. Dans les tronçons de noyau creux qui se superposent, on pose des
armatures verticales à joints croisés et on coule du béton. Ainsi l’escalier
est économique, extrêmement solide (il durera des siècles). Il sera
inaccessible à la pourriture, aux termites, il ne brûlera pas au cours d’un
incendie. Dans bien des cas, pour une dépense supplémentaire relativement
faible, il sera intéressant, pour les mêmes raisons, de faire tous les
planchers et toutes les toitures en béton armé, réservant le bois soit pour les
coffrages, soit pour les ouvrages de grand luxe. La couverture sera en tuiles
écailles du pays, très décoratives. Les parties rampantes du toit seront
convenablement isolées de manière à protéger les chambres contre le froid et la
chaleur, autant que des murs épais.
Aspect général.
— Le caractère esthétique de la maison est obtenu par
l’élancement de la façade ou pignon, par la superposition des batteries de
petites fenêtres juxtaposées et superposées, avec les menuiseries à petits
carreaux et les volets décoratifs aux couleurs chatoyantes, soulignés par les
jardinières fleuries. J’ai évité ici les détails pittoresques qu’on voit
souvent en Alsace, car il s’agit d’une maison économique. Et cette maison peut
être rendue plus économique encore par une réduction intelligente de la surface
bâtie, permettant de la rendre accessible aux bénéficiaires de la loi Loucheur,
non seulement en Alsace, mais encore dans toutes les régions où le toit aigu
est en honneur, qu’il soit couvert en tuiles ou en ardoises.
Gérard TISSOIRE,
Architecte.
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