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Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Courrier cynégétique

Captures d’aigles.
Mémento du chasseur.
Les frigorifiques et la chasse.
Une protestation.
Mésanges prolifiques.
Jaseurs de Bohème.
La disparition du gibier.
Les fusils chauds.
L’instinct chez le sanglier.
La destruction des rapaces au grand duc.
Un bûcheron attaqué par un cerf furieux.
Le sommeil des bécasses.

Captures d’aigles.

— M. G. Frétillère, d’Arcachon, chassant fin novembre sur les bords du lac de Cazaux (Gironde), a abattu un aigle pygargue mesurant 2m,25 d’envergure. Ce rapace était en train de dévorer un canard lorsqu’il fut occis ; ce qui prouve que le pygargue, qui passe pour ichtyophage, aime à varier ses menus.

Quelques jours plus tard, M. Pauly, de Barsac, a fait mieux. Toujours sur la rive du lac de Cazaux, il a descendu un aigle botté, ayant 2m,35 d’envergure.

C. AMAUDIN, Labouheyre.

Mémento du chasseur.

Chasse de saison. — Généralement limitée au tir et au piégeage des bêtes puantes, des oiseaux de rapine, à la destruction de leurs nids ou de leurs nichées.

Influences à connaître. — Chaleur lourde, prévision d’orage : très favorable pour affûter les fouines, qui paraissent alors très excitées et qui ne manquent pas de sortir de leur retraite à la nuit tombante pour se rechercher et se poursuivre en jouant et en criant.

Pluies orageuses : permettent de surprendre plus facilement les oiseaux de proie auprès de leurs nids.

Pluies ordinaires : des pluies violentes et persistantes peuvent compromettre la réussite des couvées de perdreaux et de faisandeaux. Cependant des pluies même assez fréquentes, alternant avec du beau temps, sont peu nuisibles. Elles deviennent plutôt une sauvegarde pour les nids de certains oiseaux, les poussins des perdrix et des faisans, pour les petits levrauts en empêchant les bêtes puantes de s’habituer à chasser au milieu des blés, prairies et, en général, des couverts un peu épais.

Rut, pariade, etc. En juin, tous les oiseaux de proie ont charge de famille. C’est, par conséquent, la période active des déprédations des rapaces proprement dits (aigle, gypaète, jean-le-blanc, balbuzard, pygargue, buse, busard, grand duc, vautour, épervier, milan, faucon, pèlerin, hobereau, émerillon) et des petits écumeurs de plaine (corbeau, corneille, pie, pie-grièche). Le moment est favorable pour s’occuper de la destruction de tous les braconniers de l’air, en recherchant leurs nids, qu’il est alors facile de découvrir en surveillant les allées et venues des oiseaux. Surveillez particulièrement les étangs où vous avez des couvées de halbrans ; si vous y laissiez venir les pies, elles ne vous laisseraient pas un seul caneton. Les chevrettes avec leurs faons, les laies avec leurs marcassins se tiennent dans les taillis hors des grands bois. Les perdreaux sont en traîne, à la merci des chats faisant l’école buissonnière et des chiens errants. Traitez tous ces maraudeurs aussi rigoureusement que vous le pouvez.

Migration. — Juin se différencie des autres mois par un arrêt complet de la migration.

Conseils du mois. — Avant de mettre son fusil au croc ou dans sa boîte (ce qui vaut encore mieux que de le laisser exposé à l’air et à la poussière), le chasseur prévoyant procède lui-même à un nettoyage complet du canon. Il se sert pour cela d’une brosse et d’un chiffon imbibés d’huile : il s’aide au besoin de pétrole ou d’un frotteur de bois blanc, mais il évite avec soin des corps susceptibles de rayer le métal. Il ne s’occupe pas du mécanisme, dont le démontage et le nettoyage sont plutôt du ressort de l’armurier. Il se contente, après avoir terminé au chiffon sec le dégraissage de toutes les pièces métalliques qu’il peut atteindre, de les graisser soigneusement, en se gardant de les toucher ensuite directement avec les mains. L’arme, close par deux bouchons et placée dans un endroit sec, peut alors attendre la campagne suivante. Les graisses d’origine minérale sont les meilleures à employer.

Les frigorifiques et la Chasse.

— Pour faire suite aux articles de M. Mélon parus, il y a quelques mois, dans Le Chasseur Français, l’Association des Chasseurs et Propriétaires de l’arrondissement de Saint-Affrique (Aveyron) nous fait tenir le dispositif d’un jugement du Tribunal correctionnel de St-Affrique, confirmé par la Cour d’appel de Montpellier.

Voici les faits : le 14 août 1948, les gardes de la Fédération départementale de St-Aveyron découvraient, dans le frigorifique d’un restaurateur de Roquefort : 150 grives, 150 cailles et 2 perdrix plumées ; le 19 août, le frigorifique ne contenait plus qu’une perdrix et 4 cailles plumées et farcies, qui furent saisies.

Le restaurateur alléguait que ce gibier avait été acheté par lui en période d’ouverture et conservé à - 18  dans son congélateur ; à l’appui de ses affirmations, il présentait au tribunal une boite de fer-blanc hermétiquement soudée, contenant une dizaine de cailles congelées non plumées ni vidées ayant l’apparence du gibier frais, destinées à être « offertes en dégustation » aux visiteurs de marque de son établissement.

Le tribunal a estimé qu’il y avait délit : « Attendu que, si la simple détention d’un gibier en temps prohibé ne tombe pas sous le coup de la loi pénale, il en est tout autrement si cette détention est assimilable à la mise en vente ; que le gibier conservé était bien destiné à être servi à la clientèle, et que l’allégation de la remise aux clients à titre gratuit ne saurait être retenue, car il est impossible de supposer que le restaurateur, pour le seul plaisir gastronomique de sa clientèle, achète chaque année plusieurs centaines de têtes de gibier et ne reçoive pas, de ce fait, une rémunération directe ou indirecte ; qu’ainsi la « mise en vente » et la « vente du gibier » litigieux sont établies à rencontre de l’inculpé ;

» Attendu que la loi prohibe en termes généraux tout acte de tradition ou de transport du gibier pendant la période de clôture, voulant rendre impossible aux braconniers d’écouler le produit de leur chasse illégale ; qu’elle présume, de manière irréfragable, que le gibier vendu, acheté ou transporté pendant cette période a été tué en temps prohibé ;

» Que la jurisprudence admet cependant que cette prescription tombe lorsque le gibier est préparé en conserves, hermétiquement closes, et destinées d’après les usages à une longue conservation (Cas., 21 octobre 1884), un arrêt plus récent faisant, en outre, une obligation de prouver que la préparation des conserves remonte à une époque où la chasse était permise (Cas., 17 juillet 1914) ; que cette exception ne saurait être admise en l’espèce, le gibier litigieux n’ayant pas perdu son individualité, l’inculpé déclarant lui-même que la clientèle était incapable d’établir la distinction ;

» ... Attendu que le texte de l’article 4 sur la chasse n’autorise aucune distinction entre gibier frais et gibier congelé ; si, en raison des progrès de la science dans le domaine de la congélation, il n’est pas impossible que le gibier litigieux ait été acquis en temps d’ouverture — ce qui n’est du reste pas démontré, — il est hors de doute qu’il a été mis en vente ou vendu en temps prohibé : qu’admettre qu’il puisse être impunément vendu en tout temps n’importe quel gibier sous le prétexte seul qu’il a été conservé en congélateur ouvrirait la porte à toutes les fraudes et ne saurait être permis ...

» Par ces motifs, le tribunal condamne l’inculpé à 10.000 francs d’amende, prononce la confiscation du gibier saisi, accorde à la Société départementale des Chasseurs de l’Aveyron, partie civile, 10.000 francs de dommages et intérêts.

La Cour d’appel de Montpellier, dans son arrêt du 8 février 1949, a débouté le restaurateur de son appel, confirmant les peines prononcées par les premiers juges.

Une protestation.

— À la suite du communiqué de l’Association des huttiers et chasseurs de gibier d’eau, paru dans Le Chasseur Français de mars, le secrétaire de l’Association des chasseurs au marais de la basse Seine nous signale que son Association est intervenue à plusieurs reprises auprès des pouvoirs publics, afin de réclamer une ouverture unique générale le premier dimanche de septembre et la fermeture générale pour les palmés et échassiers au 31 mars, sauf pour le colvert, la date du 15 janvier étant maintenue pour celui-ci. Il proteste contre la décision de M. le Directeur de l’Inscription maritime de Bordeaux, fixant l’ouverture au 14 juillet sur le territoire soumis à sa direction : au 14 juillet, en effet, nombre de halbrans ne sont pas encore emplumés. En outre, le lièvre gîtant souvent dans le marais, cette ouverture anticipée offre à de nombreux chasseurs peu scrupuleux la tentation de faire une ouverture anticipée sur le poil, au détriment de l’intérêt de la chasse en général.

Mésanges prolifiques.

— Mon garde a découvert dans une vieille boite aux lettres une nichée de treize jolies mésanges. Sur quatorze œufs qu’avait comptés mon garde quelques jours auparavant, un seul était clair. Nous n’avions jamais constaté une pareille nichée ; il est cependant difficile de supposer que deux mésanges aient couvé ensemble.

F. DE LA CHESNAIS, Senozan.

N. D. L. R. — Ce nombre n’a rien d’extraordinaire : les mésanges sont en effet très prolifiques et pondent en moyenne douze à quatorze œufs. (Cf. Ménégaux.)

Jaseurs de Bohême.

— Quelques passages de cet oiseau, considéré par la légende comme annonciateur de guerre ou de famine, nous ont été signalés par M. Sénéchal Maurice, à Laventie (Pas-de-Calais) ; par M. Myard, à Saint-Amour (Jura) ; par M. Tardy, à Betton-Bettonet (Savoie).

La disparition du gibier.

— De nombreuses lettres qui nous sont parvenues, et que nous ne pouvons malheureusement publier toutes, nous extrayons les constatations suivantes.

Eure. — Moins de lièvres, perdrix rares, le lapin également (mais surtout en raison d’un braconnage intensif). En 1946, passages assez rares de bécasses et bécassines.

Perche. — Lièvres rares, peu de perdreaux, davantage de faisans, le lapin disparaît (braconniers, chiens errants, fauves), le sanglier s’est montré dans des régions où il était inconnu dans les années précédentes.

Nord. — Notre correspondant, naturaliste, a autopsié plusieurs perdreaux vraisemblablement empoisonnés par des arséniates (rapport transmis au Muséum et à la Société française d’Ornithologie). Dans certaines contrées du Cambrésis où les pommes de terre n’ont pu être traitées, il y eut autant de perdreaux qu’en année normale. À signaler un prodigieux accroissement du nombre des pies et des corbeaux.

Seine-et-Oise. — M. Boucher, aviculteur professionnel, constate que certaines époques sont favorables aux éclosions, d’autres catastrophiques : en 1946, les élevages de janvier à mai ; de juin à août, mortalité très forte. Il en est vraisemblablement de même pour les portées : les rats pullulent au début de l’année, ils disparaissent en novembre. Pour M. Boucher, l’humidité a favorisé la propagation des épidémies, de la coccidiose notamment ; il y a également prolifération des pies et corbeaux. Cinquante poussins de son élevage emportés et dévorés, et même des oisons d’un mois, trois fois gros comme une pie.

Puy-de-Dôme. — Merles, grives sont toujours abondants, mais le perdreau gris est en baisse ; par contre, le rouge semble augmenter ses effectifs : le lièvre disparaît : les causes : arséniates et surtout l’envahissement de son territoire par les lapins.

Rhône. — Notre correspondant constate la disparition de la plupart des petits oiseaux ; la nourriture est cependant aussi abondante que jadis, et ils ne sont pas chassés. Beaucoup de lièvres sont empoisonnés par les arséniates (la plupart des cadavres sont retrouvés dans les champs de pommes de terre). Très nombreux nuisibles, les battues de destruction sont insuffisantes. Importants dégâts de rapaces : dans une commune de 500 habitants, on estime que 300 volailles ont été emportées. Au temps des munitions libres, aucun rapace n’était épargné. Aujourd’hui, les soucis culinaires font réserver les cartouches au gibier.

Les fusils chauds.

— Dans une petite campagne du Var, il y a une vingtaine d’années, se trouvaient deux petites fermes voisines, à quelque distance de la route.

Un soir, l’un des paysans, le père G ..., avant de se mettre à table pour le repas du soir, s’en fut prendre le frais sur le pas de sa porte ; il faisait nuit noire ; il lui sembla entendre un bruit suspect en direction de son gerbier ; pas de doute : un animal sauvage était en train de se restaurer sur sa récolte. Sans un instant d’hésitation, il s’en va décrocher son fusil et tire une cartouche au jugé, pour effrayer la bête. Au bruit, les parents accourent, ainsi que les voisins de la ferme à côté : « Es un sanglier et duiré estre beou, a fat un brave raflé en partent » assura le père G ...

Sur cette affirmation, chacun rentra chez soi ; mais, après souper, quand le père G ... voulut donner les soins à son cheval, il s’aperçut que celui-ci avait déserté l’écurie ... En un éclair, il perçut sa méprise : le sanglier, c’était son propre cheval !

Il rentre chez lui tout ému, va trouver le voisin ; celui-ci se souvient alors qu’aussitôt après le coup de fusil il a effectivement entendu le bruit d’une galopade en direction du bourg voisin ; voilà nos deux hommes partis, et ils ne tardent pas à découvrir la pauvre bête, criblée de plomb, dans une maisonnette appartenant au père G ... Il fallut aller chercher le maréchal ferrant de la ville voisine pour soigner les blessures, mais on s’efforça naturellement de tenir la chose aussi secrète que possible.

Et dire que le père G ... s’était payé, peu de temps auparavant, la tête d’un chasseur novice parce que celui-ci avait redoublé sur son premier sanglier, une bête de 97 kilogrammes !

A. L ..., abonné.

L’Instinct chez le sanglier.

— Alors qu’il battait un champ armé d’un bâton, à la recherche de sa chienne égarée, M. Dubourg, abonné de la Haute-Saône, aperçut, venant dans sa direction, cinq beaux sangliers trottant en file indienne. Impossible de se dissimuler nulle part ; M. Dubourg prit le parti de se coucher à plat ventre, immobile, pour surveiller les cochons.

Arrivée à 75 mètres environ, la troupe s’arrête brusquement. Un gros mâle qui était en tête se détache en éclaireur et se dirige franchement vers notre chasseur, avance jusqu’à 35 mètres, hume l’air longuement, puis, suffisamment renseigné sans doute, retourne à la troupe ; un grognement, et la bande fait demi-tour au galop.

La destruction des rapaces au grand duc.

— Un lecteur, M. Lavaysse, de Périgueux, nous signale que l’administration préfectorale de son département refuse toute autorisation de destruction des rapaces au grand duc durant les trois derniers mois qui précèdent l’ouverture de la chasse, « afin que le gibier puisse se reproduire en toute tranquillité ».

Il semble cependant que cette période est la plus favorable pour la destruction des nuisibles, car c’est celle où les petits sortent du nid, et où on peut les abattre facilement à la hutte et au grand duc.

Notre abonné regrette qu’il soit interdit aux rares chasseurs qui acceptent de consacrer de non moins rares cartouches à cette destruction de faire œuvre utile, et il ajoute que, si cette situation se prolonge quelques années encore, les chasseurs de Dordogne seront transformés en chasseurs de casquettes.

Un bûcheron attaqué par un cerf furieux.

— Plusieurs bûcherons se rendaient, comme d’habitude, à leur travail dans la forêt de Saint-Quirin, quand ils entendirent un bruit suspect. S’approchant prudemment, ils eurent la surprise de voir deux cerfs aux prises en une lutte acharnée et qui ne furent pas troublés dans leur « explication » par les intrus. Ceux-ci formèrent cercle autour des combattants. Les deux bêtes luttèrent bien encore un quart d’heure, jusqu’à ce que l’une d’elles abandonnât son antagoniste ... pour se jeter sur un des bûcherons qui s’était approché de trop près.

L’attaqué réussit à amortir le choc en saisissant les bois, mais fut néanmoins projeté à terre. Ses compagnons se précipitèrent sur l’animal furieux et réussirent à le mettre en fuite, aussitôt imité par l’autre cerf.

Le sommeil des bécasses.

— Au cours d’une partie de chasse à la bécasse, je tirai dans un bois une bécasse qui s’écroula sous mon coup de fusil. Je me précipitai, ne voulant pas la laisser broyer par mon vieux chien qui pourtant, autrefois, avait la dent très douce.

Je saisis l’oiseau encore vivant et le posai à nouveau à terre pour habituer un jeune chien qui faisait son baptême à la bécasse. Il la prenait, la posait à terre sans lui faire le moindre mal. J’insistai pour la lui faire rapporter, mais, devant son refus, je la lui enlevai et la fis passer à mon jeune compagnon qui, lui aussi, assistait pour la première fois à une partie de chasse à la bécasse ; inerte, la tête pendante, je la mis au carnier. En arrivant chez moi, quelle ne fut pas ma stupéfaction de la retrouver vivante et bien vivante ! Je la mis dans une pièce de ma maison et j’allai chercher un autre jeune chien qui s’avança doucement. L’oiseau, nullement inquiet, faisait la roue, la queue déployée, en faisant « crou-crou » vers le chien. Tout d’un coup, elle prit son vol, mais le plafond arrêta net son envol et elle retomba à terre. Je la mis dans une cage spacieuse où elle passa la nuit. Le lendemain matin, je la retrouvai endormie, la tête appuyée sur son long bec qui touchait terre. Je la réveillai, et, quelques instants après, elle reprenait son sommeil, toujours dans la même position. Ne voulant pas la laisser souffrir davantage, je l’étouffai. J’avais entendu dire par de vieux chasseurs que les bécasses dormaient la tête sous l’aile. En avaient-ils pour le moins vu dormir !

Louis DEBATS, entrepreneur, Mirande (Gers).

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 491