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Cyclisme

Orthodoxie sportive

Des champions, tels Jean Maréchal en cyclisme, Jules Ladoumègue en course à pied, ont laissé leur peau sur l’autel de l’amateurisme intégral. Le premier, qui gagnait presque toutes les courses où il s’alignait, avait un contrat à tant du kilomètre dans sa musette, sans, pour cela, être professionnel. Son constructeur le dénonça lorsqu’il lui eut substitué un collègue.

Le second, qui bouleversait adversaires et records, et, entre cela, ratissait les plates-bandes, sombra net pour ne pas avoir respecté les règles de l’amateurisme.

En quoi consistaient leurs fautes ? Avoir touché de l’argent peu ou prou, sous une forme non orthodoxe.

Les choses d’un passé relativement récent (vingt et un ans pour Maréchal qui en a trente-neuf ; dix-sept ans pour Ladoumègue qui en a quarante-deux ...) sont encore valables aujourd’hui dans le sport.

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Le sculpteur, le musicien, le chanteur, le dessinateur, l’auteur, l’écrivain ont le droit de monnayer leur talent. Pas le cycliste ; car notre sport n’a pas fait peau neuve dans ses conceptions, en dépit du prix des bicyclettes, des pneus et des accessoires.

L’amateur est réputé ne rien devoir toucher et l’honneur est sauf. Pour l’amateur sans classe, la question ne se pose pas, et il en est de sa poche.

Certains prétendent que l’argent n’est pas vil ; qu’il classe les valeurs et qu’en ce qui concerne le cyclisme les prix à gagner écarteraient la somme des garanties de présence qui font tant de mal à notre sport spectaculaire, disent-ils.

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Le problème est entier depuis plus de cinquante ans !

Et il risque de demeurer longtemps en l’état.

J’estime pour mon compte que, le jour où, en sport cycliste, il n’y aura plus ni amateurs, ni professionnels, on aura fait un grand pas.

Parlons net ! Où va l’argent ? Entre les mains de ceux qui ont une qualité suffisante pour le gagner et qui dépensent beaucoup pour pratiquer.

Devons-nous croire que les courses de tout jeunes, les courses de débutants seront, par cela même, dotées nécessairement de prix importants ? Certes pas ! Et quand même cela serait ... L’attirance de prix servira le nombre ... et lui permettra d’acheter et entretenir matériel et équipement.

Par nombre, j’entends celui des pratiquants. Vaut-il mieux qu’un jeune homme paie cent francs pour aller au vélodrome voir courir, que de les toucher comme compétiteur en compensation de dépenses certaines ?

Notons-le. Si ce même jeune homme joue du violon ou peint, on ne trouvera pas mal qu’il reçoive ces mêmes cent francs s’il est allé charmer l’assistance d’un cercle ... ou si le notaire lui a acheté son tableau.

La valeur des coureurs déterminerait leurs catégories ... L’âge limiterait leur participation à telles ou telles épreuves, selon les difficultés d’icelles.

Je crois ferme que notre pays et la plupart de ceux qui participent aux championnats du monde opteraient volontiers, au moins en cyclisme, pour cette formule, qui est dénuée d’hypocrisie ...

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Nous opterions pour elle si on ne nous rétorquait que, dès lors, nous ne pourrions plus participer aux Jeux Olympiques, because le fameux serment ...

Comme si les Jeux eux-mêmes ne pouvaient être ouverts à tous les athlètes ou coureurs ! Comme si ces Jeux répondaient, parfaitement, au sport moderne ! Ce jour-là, les champions les plus renommés négligeraient leur gain, s’ils étaient désignés par leur fédération ; courraient pour une médaille, l’honneur et la gloire ... et prêteraient un serment EN CONSCIENCE.

Ils n’en seraient pas moins purs (si pureté il y a) que d’autres amateurs envoyés par certains pays avec une conviction dont le poids est d’autant plus lourd que la distance kilométrique est grande entre leur résidence et le lieu de leurs exploits désintéressés.

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Pour vivre de très près avec les coureurs cyclistes professionnels et au milieu des coureurs amateurs, j’atteste que, bien souvent, les premiers pourraient se substituer aux seconds, tant il est vrai que l’amateurisme est un état d’âme ...

Le laboureur qui gagne au concours agricole pour avoir sillonné plus droit son champ que ses camarades n’est-il pas un amateur au sens le plus large du terme, quoique vivant, en semaine, de son labour ? Et celui qui présentera les plus belles fleurs dans la classe horticole ! Cependant, ils gagneront bien un prix en espèces comme le propriétaire du plus bel étalon au concours des reproducteurs chevalins.

René CHESAL.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 499