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Causerie vétérinaire

Albinisme et surdité

On donne le nom d’albinisme (du latin albus, blanc) à une anomalie congénitale de la peau, consistant dans la diminution ou même l’absence complète du pigment ou matière colorante de la peau, de l’iris, de la choroïde et des poils. L’albinisme s’accompagne fréquemment de phénomènes concomitants observés plus particulièrement chez le chien et le chat, et consistant dans l’arrêt du développement du volume de l’œil, l’abolition de la vision diurne avec maintien de la vision nocturne, la surdité congénitale très nette chez le chien, etc.

L’albinisme se rencontre dans toute la série animale : mammifères, oiseaux, poissons, mollusques. La cause en est inconnue. Les lapins blancs aux yeux rouges, le merle et le moineau blancs, le cheval pie, etc., sont des albinos plus ou moins complets.

Depuis longtemps les naturalistes et éleveurs ont remarqué la relation qui existe entre l’albinisme et les troubles de certaines fonctions : audition, reproduction, etc. Dans son ouvrage, De la variation des animaux et des plantes, Darwin a le premier montré la corrélation organique qui peut exister entre divers sens et particulièrement entre les organes de l’ouïe et de la vue.

Il cite comme exemple que les chats blancs sont presque toujours sourds lorsqu’ils ont les yeux bleus, et rapporte, à titre documentaire, l’observation d’un clergyman, Bree. Ça dernier, possédant une chatte persane, constate que, chez les petits d’une même portée, tous ceux qui, comme la mère, étaient blancs aux yeux bleus, étaient sourds comme elle, tandis que ceux qui portaient la moindre tache colorée sur leur fourrure avaient l’ouïe parfaitement développée.

Dechambre et Baron avaient fait la même constatation sur deux chats blancs angoras : les sujets restaient impassibles devant le bruit assourdissant d’une trompe de bicyclette.

Chez le chien, Zimmermann, en 1903, rapporte un cas de surdité complète chez un fox-terrier blanc, mais portant trois taches noires sur le cou et le dos, donc atteint d’albinisme incomplet.

Il résulte d’observations faites par le professeur Douville, de l’École vétérinaire d’Alfort, que, sur les chiens présentés à la consultation canine en l’espace de trois ans, seize chiens présentant de l’albinisme partiel : robe blanche avec quelques taches noires discrètes chez les fox, grandes plaques blanches dans les manteaux des arlequins, yeux vairons, lèvres et bout du nez marbrés de taches de ladre ou parfois complètement décolorés, étaient atteints de surdité congénitale associée à l’albinisme partiel.

Les propriétaires, questionnés sur l’existence de la surdité, répondaient presque invariablement : « Mon chien doit être sourd de naissance, car, dès ses premiers ébats, il a toujours été comme maintenant, c’est-à-dire indifférent aux bruits et à mes appels. » En ce qui concerne les parents, la réponse a toujours été la même : « Ils entendaient bien, mais certains voyaient mal. »

L’albinisme retentit également sur les fonctions de reproduction. Ainsi, lorsqu’il se manifeste brusquement chez une poule dont le plumage jusque-là était foncé, la ponte diminue.

On connaît la race chevaline de Frederiksborg (Danemark), race toute blanche, sans la moindre tache ; partout où la peau est à nu (pourtour des lèvres, yeux, anus, etc.), elle est d’un beau rose ; l’œil est brun, elle n’est donc pas albinos. On s’attache à perpétuer cette famille, et, pour y arriver, on donne constamment des étalons blancs à des juments noires et grises de Frederiksborg ; presque toujours on obtient de magnifiques poulains blancs, tandis que l’accouplement de l’étalon blanc avec la jument blanche reste stérile ou donne des animaux défectueux (TISSERAND).

L’albinisme ne limite pas exclusivement ses relations avec l’oreille et les fonctions de reproduction, il a également une répercussion sur l’œil et la vision. Si, dans le genre humain, l’on sait que les albinos sont souvent sourds, dans l’espèce canine on constate fréquemment, chez les sujets atteints d’albinisme plus ou moins complet, un arrêt dans le développement de l’œil, quoiqu’il soit parfait au point de vue anatomique. Ces chiens grandissent et l’œil reste toujours moins volumineux qu’à l’état normal : la vision existe, mais certainement amoindrie.

Tous ces faits doivent inciter les éleveurs de chiens à éliminer de la reproduction les sujets plus ou moins sourds ou atteints d’albinisme partiel ou complet, ceux dont l’iris est décoloré (œil vairon) ou l’œil peu développé, ceux dont la truffe est rosée, alors qu’ils appartiennent à une race à bout du nez normalement noir, etc.

En tant que maladie, la surdité peut être provoquée par diverses lésions de l’appareil auditif. Fréquente chez les vieux chiens, elle résulte le plus souvent d’occlusion du conduit auditif par l’accumulation ou la concrétion du cérumen, d’induration de la membrane tégumentaire qui le tapisse, de perforation du tympan, d’obstruction de la trompe d’Eustache, etc.

Constatée chez les jeunes chiens et coexistant avec l’albinisme, la surdité est un signe de dégénérescence. Elle est incurable. Il conviendra néanmoins de faire examiner les conduits auditifs par le vétérinaire, les débarrasser, s’il y a lieu, des corps étrangers (épillet de brome stérile, par exemple), du cérumen, qui peuvent les obstruer.

La surdité peut apparaître dans le cours de diverses maladies infectieuses ou parasitaires, notamment de la maladie du jeune âge et de la gale de l’oreille, ou otite parasitaire. Dans ces différents cas, un traitement peut et doit être ordonné, ainsi qu’il sera indiqué ci-après.

La surdité s’accuse par l’inattention du chien au commandement ou à l’appel, quelquefois à son faciès hébété.

Récente et due à des causes sur lesquelles on a prise, elle peut disparaître. Liée à l’albinisme ou inhérente à la vieillesse, elle est incurable.

Les mesures préventives se réduisent à traiter comme il convient les diverses affections de l’oreille et les infections qui peuvent altérer l’ouïe. Aussi, dès que la surdité est constatée, on devra examiner les conduits auditifs et les débarrasser des corps étrangers, du cérumen ou des végétations qui peuvent les obstruer.

En l’absence de toute cause locale, on soumettra le chien pendant quelques semaines au traitement ioduré suivant :

Iodure de potassium de 2 à 10 gr., selon la taille du chien.
Sirop simple 200 grammes.  

Dix jours sur quinze, une cuillerée à café ou à soupe.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 515