Il faut distinguer, à ce sujet, entre les baux en cours de
renouvellement et les baux non renouvelés.
I. Baux en cours de renouvellement.
— La législation sur la propriété commerciale autorise,
sous certaines conditions, la révision triennale des baux commerciaux,
industriels ou artisanaux en cours de renouvellement.
Aux termes de l’article 3, 8e alinéa,
de la loi du 30 juin 1926 sur la propriété commerciale, « si les
conditions économiques se sont modifiées au point d’entraîner une variation de
plus du quart de la valeur locative fixée amiablement ou par décision
judiciaire, les parties peuvent demander la révision du prix du bail ».
Il faut donc qu’il y ait une différence de plus du quart
entre le prix payé et la valeur locative actuelle des lieux loués pour que la
révision puisse être sollicitée.
La demande peut émaner, suivant le cas, du bailleur ou du
preneur.
Elle ne peut être formée que trois ans au moins, soit après
la date d’expiration du bail précédent, soit après que le nouveau prix dont on
demande la révision a commencé à être payé.
Cette possibilité de révision du prix des baux commerciaux,
industriels ou artisanaux a été refusée par la jurisprudence pour les baux non
en cours de renouvellement ; seuls quelques tribunaux isolés, tels ceux de
Gap, de Limoges, ont admis la thèse contraire.
Mais, l’année dernière, la loi du 25 août 1948 a
autorisé temporairement la révision du prix des baux commerciaux non
renouvelés. Cette question est traitée ci-après.
II. Baux non encore renouvelés.
— La loi du 25 août 1948 a donc étendu le principe
de la révision triennale aux baux commerciaux, industriels ou artisanaux qui
n’ont pas encore été renouvelés.
Elle précise d’abord que cette révision est possible,
nonobstant toutes dispositions ou conventions contraires.
Cinq conditions sont exigées par cette loi pour que la
révision puisse être admise :
1° Il est précisé, tout d’abord, que les baux auxquels
s’étend cette mesure nouvelle sont ceux visés à l’alinéa 1er de
la loi du 30 juin 1926. Ce sont :
a. Les baux à loyer des locaux et immeubles où
s’exploite un fonds de commerce ou d’industrie, qu’il appartienne à un
commerçant, à un artisan ou à un industriel ;
b. Les baux des locaux accessoires dépendant dudit
fonds s’ils appartiennent au même propriétaire, à la condition qu’ils soient
nécessaires à leur exploitation commerciale, artisanale ou industrielle, et,
s’ils appartiennent à un propriétaire différent, à la condition que la location
qui concerne les locaux accessoires ait été faite en vue de l’utilisation
jointe que leur destinait le preneur et que cette destination ait été connue du
propriétaire différent au moment de la location.
2° Le bail doit avoir été conclu avant la publication de la
présente loi du 25 août 1948.
Comme cette loi a été publiée au Journal officiel du
26 août 1948, c’est donc avant cette date du 26 août que les baux
doivent avoir été conclus pour qu’ils puissent être assujettis à cette règle de
la révision des prix.
Il importe aussi de remarquer que la loi parle de la date de
la conclusion du bail et non de la date à partir de laquelle il a pris effet.
Ainsi un bail n’ayant pris effet qu’après le 26 août 1948, mais ayant été
conclu avant cette date, entrera dans le champ d’application de la loi
nouvelle.
3° il faut que le bail ne soit pas expiré au 26 août 1948.
À ce sujet, il a été précisé que, par l’expression
« bail non expiré », il fallait entendre un bail dont la durée
conventionnelle n’avait pas pris fin à cette date. Par contre, un bail dont la
prorogation était encore en cours au 26 août 1948 ne remplirait pas cette
condition, puisque la prorogation d’un bail implique qu’il est déjà venu à
expiration.
4° Le bail ne doit pas avoir été renouvelé en vertu de la
loi du 30 juin 1926. Au début de l’article, il a été indiqué à quelles conditions
un bail renouvelé pouvait être révisé en vertu de la loi du 30 juin 1926.
Des difficultés se produiront sans doute sur ce point, en
raison des cas d’espèce qui pourront se présenter.
5° Il faut, en outre, que les conditions économiques se
soient modifiées au point d’entraîner une variation de plus du quart de la
valeur locative des locaux loués, telle qu’elle est fixée dans le bail.
La demande en révision a pu être formulée dès la publication
de la loi du 25 août 1948.
Il y a lieu de remarquer, en effet, que, contrairement à ce
qu’exige la loi du 30 juin 1926 sur la propriété commerciale pour la
révision des baux en cours de renouvellement, la loi nouvelle du 25 août
1948 ne subordonne pas la révision des baux non renouvelés, à la condition que
le prix dont on veut demander la révision soit déjà appliqué depuis au moins
trois ans.
Encore une fois, le droit à révision est ouvert du seul fait
de la publication de la loi du 25 août 1948, sous réserve, bien entendu,
que les cinq conditions énumérées ci-dessus soient remplies.
De nouvelles demandes de révision pourront être ensuite
formées tous les trois ans après le jour à dater duquel le nouveau prix sera
payé si les conditions économiques se sont modifiées au point d’entraîner une
variation de plus du quart de la valeur locative.
La loi prévoit enfin que le nouveau prix sera dû à dater du
jour de la demande, à moins que les partis ne se soient mises d’accord
d’elles-mêmes, ou en justice, sur une date plus ancienne ou plus récente.
III. Baux avec clause d’échelle mobile.
— Le prix de certains baux à loyer portant sur un
immeuble ou un local à usage commercial, industriel ou artisanal est fixé en
vertu d’une clause d’échelle mobile fondée sur les indices du coût de la vie,
les indices économiques ou les variations des prix.
Dans le cas où, par suite de l’application de cette clause,
le prix du bail se trouverait augmenté ou diminue de plus du quart, les parties
peuvent, nonobstant toute convention contraire, en demander la révision, ainsi
que leur en confère expressément le droit le décret-loi du 1er juillet 1939.
Le juge doit alors adapter le jeu de l’échelle mobile à la
valeur locative équitable au jour de la demande, en tenant compte de tous
éléments d’appréciation. Le nouveau prix sera applicable à partir du jour de la
demande adressée à l’autre partie.
La révision peut être demandée chaque fois que, par rapport
au prix précédemment fixé, une variation de plus du quart s’est produite.
Ainsi, comme on vient de le voir, qu’il s’agisse de baux en
cours de renouvellement ou de baux à renouveler, ou de baux avec clause
spéciale d’échelle mobile, la révision du prix du bail repose en somme sur la
valeur locative équitable des lieux loués au jour de cette demande de révision.
L. CROUZATIER.
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