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Causerie médicale

L’artérite du membre inférieur

Depuis une quarantaine d’années, on a appris à mieux connaître et, par conséquent, à mieux traiter ces affections qui surviennent parfois chez des sujets jeunes, ne présentant ni diabète, ni syphilis, ni saturnisme.

Les causes qui provoquent l’artérite, localisée au membre inférieur, sont peu connues ; on invoque, entre autres, un excès de cholestérol dans le sang et un fonctionnement défectueux des glandes surrénales.

L’inflammation de la paroi artérielle a pour effet de réduire le calibre du vaisseau, bien rarement jusqu’à l’oblitération complète ; lorsque celle-ci se produit, elle est due au spasme d’origine nerveuse, et ce sont ces phénomènes nerveux, se passant dans le domaine du grand sympathique, qui dominent les symptômes et l’évolution de la maladie. En effet, s’il s’agissait d’une simple oblitération artérielle, la nutrition du membre pourrait facilement être assurée par les nombreux vaisseaux collatéraux ; il n’en est plus de même si, au niveau de l’artère malade, il se produit un réflexe qui amène une constriction des artères en aval.

La complication la plus grave de l’artérite est la gangrène, mais, avant d’en arriver là, elle se manifeste par un certain nombre de symptômes qui, pour peu qu’on y songe, mettent sur la voie du diagnostic et commandent le traitement.

Les douleurs sont le premier signe qu’accuse le malade, qui les attribue le plus souvent à un rhumatisme, à la goutte ou à des varices profondes ; elles ont pourtant quelques caractères particuliers, affectant la forme de crampes, de constrictions, parfois de brûlures, diffuses dans tout le membre (et même dans le membre opposé), ou localisées. Elles augmentent par le froid, surtout le froid humide, et par la position allongée, au point d’amener souvent l’insomnie ; la position assise, les jambes pendantes, les atténue au contraire. La marche devient pénible, la jambe semble trop lourde et, fréquemment, une douleur vive oblige à l’arrêt ; au bout de quelques instants, la marche redevient possible, avec un peu de boiterie passagère ; c’est le phénomène de la claudication intermittente.

Si la maladie s’aggrave, on constate des troubles trophiques : la peau reste froide, pâle ou violacée ; elle est amincie et, à un stade ultérieur, finit par s’ulcérer ; il se forme de petites phlyctènes (bulles), des plaies superficielles tenaces, des plaques de sphacèle, c’est-à-dire de tissus mortifiés, qui constituent le début de la gangrène.

Fort heureusement, cette évolution est loin d’être fatale ; avec un traitement bien conduit, les troubles peuvent s’amender, ou tout au moins se stabiliser.

L’hygiène consistera surtout à éviter l’action du froid, à ne pas vouloir forcer en cas de crampes, à suivre un régime excluant les aliments riches en cholestérol : le beurre, les œufs, les aliments gras, les abats, les ragoûts et les sauces grasses. Il est classique d’interdire le tabac, bien que son action nocive n’ait pas été prouvée d’une façon absolue.

La première indication thérapeutique est d’amener la dilatation des vaisseaux atteints ; les nitrites, la théobromine et ses dérivés sont utilisés ; mais, comme moyen d’attaque, on s’adressera à des médicaments plus énergiques, à l’acétylcholine ou à des substances chimiques nouvellement introduites, qui ont la propriété de dilater surtout les artérioles ; on emploie aussi les préparations iodées, surtout par voie intramusculaire ou endoveineuse, et on ne néglige pas la médication cardiotonique, notamment s’il y a hypotension ainsi que les produits à base de feuilles d’artichaut, qui diminuent la cholestérinémie, c’est-à-dire le taux du cholestérol dans le sang ; à ces diverses médications que l’on emploie alternativement, on peut encore ajouter des extraits d’organes, ceux des glandes génitales mâles ont aujourd’hui la préférence.

À ces diverses médications, qui, répétons-le, doivent alterner et être poursuivies longuement, s’ajoute encore le traitement thermal, qui est loin d’être le moins efficace ; différentes stations peuvent être indiquées, en première ligne la cure carbo-gazeuse de Royat.

Dans les cas graves, il ne faut pas hésiter à recourir à la chirurgie, d’autant plus qu’il s’agit aujourd’hui d’une intervention bien réglée et sans danger.

Comme c’est le nerf sympathique qui est à l’origine des troubles fonctionnels et douloureux, on s’efforce d’annihiler son action en interrompant ses connexions avec l’artère. Les interventions sur la tunique de l’artère, les infiltrations de novocaïne sont aujourd’hui délaissées pour la sympathectomie lombaire, qui consiste, après une incision de la région lombaire, à extirper les ganglions sympathiques qui innervent le territoire malade, ce qui permet à l’artère de se dilater. C’est l’opération qui a été récemment pratiquée à Windsor.

L’amputation partielle de la glande surrénale est, théoriquement, indiquée, mais il s’agit d’une intervention beaucoup plus sérieuse et comportant bien plus de risques ; on peut presque en dire autant de l’extirpation du segment artériel malade ou de l’extirpation, dans l’artère, du caillot oblitérant.

À de nombreux malades, la sympathectomie a rendu l’usage de leur membre et évité l’amputation de la jambe, triste et dernière ressource de la chirurgie.

Dr A. GOTTSCHALC.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 520