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Chronique ménagère

Cerises, fraises, groseilles

Oh ! les jolis fruits rouges qui attirent le regard par leur couleur : à leur seule vue, la salive afflue à la bouche. À cette magnifique couleur s’ajoute, pour la fraise, un parfum délicieux. Et puis tous sont des fruits nouveaux, les premiers de l’année qui apparaissent sur les marchés, à quelques semaines d’intervalle seulement, parfois ensemble. Ce sont des fruits adorés des enfants : mais on peut également les recommander aux grandes personnes.

« La cerise est un fruit divin » déclare le Dr Hanish. C’est cependant un fruit relativement pauvre en principes nutritifs. La composition moyenne de la cerise fraîche est représentée par les éléments suivants :

Eau 80,0
Sucre 10,0
Hydrates de carbone 2,0
Acides organiques 1,0
Albumine 0,7
Cendres (sels minéraux) 0,6
Cellulose 6,0

C’est donc un « trompe-la-faim » salutaire aux gros mangeurs condamnés à la frugalité. Mais on peut la conseiller à tous : riche en vitamines, surtout vitamine C ou antiscorbutique, et très riche en sels minéraux, elle complète heureusement une nourriture plus substantielle, à base de pâtes, légumes secs, pommes de terre. Elle contient beaucoup d’eau et étanche la soif lorsqu’il fait chaud, mais elle est en même temps un excellent diurétique : « Les cerises nettoient le sang et donnent un teint agréable », dit le Dr Hanish. » Elles nettoient l’estomac ; leur noyau te débarrassera de la pierre ; tout le sang de ton corps en sera meilleur », affirme l’École de Salerne. De plus, la cerise est en général supportée par les organismes les plus délicats, même prise en grande quantité.

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Il n’en est pas toujours de même de la fraise, qui provoque, chez quelques déshérités de la vie, des éruptions cutanées et de véritables crises d’urticaire : la fraise cuite, heureusement, est moins cuisante pour eux que la fraise crue. Mais bon nombre de personnes supportent fort bien la fraise, et tant mieux pour elles : leur gourmandise y trouve son compte, mais la santé y trouvera aussi le sien ... Que nous apporte-t-elle ? L’analyse fournit les chiffres suivants :

Eau 89,500
Sels solubles 1,146
Chaux et fer 0,137
Substances protéiques 0,800
Sucre 5,800
Matière huileuse 0,154
Cellulose 2,463

Comme la cerise, elle est relativement pauvre en principes nutritifs ; mais, comme elle, elle est très riche en sucre naturel ; ce sucre, comme dans la cerise, est de la lévulose, plus facilement assimilable que les autres sucres, spécialement par les sujets atteints de diabète ; la proportion de sucre serait plus élevée dans les grosses fraises (6,75 p. 100) que dans les petites fraises des bois (3,70 p. 100).

Les sels minéraux entrent en bonne proportion dans la composition de la fraise. Ces sels sont légèrement laxatifs ; leur action, jointe à celte de la cellulose et des petites graines dont la surface est parsemée, en fait un excellent remède contre l’atonie intestinale. Les rhumatisants et les goutteux peuvent largement bénéficier d’une bonne cure de fraises, car elles viennent, après la lourde nourriture d’hiver trop nourrissante, aider l’organisme à se débarrasser de ses impuretés. Les composés salicylés que renferme la fraise (0,001 par kilo environ) en font un dessert tout indiqué pour ces victimes de la nutrition : ils peuvent en consommer sans crainte de 300 à 500 grammes par jour. Ces cures, qui peuvent être faites aussi bien par les bien-portants qui veulent le rester, exercent une action reminéralisante, grâce à la teneur des fraises en chaux et en fer : que les débilités et les anémiques en profitent ! Ils bénéficieront en même temps de la vitamine C, antiscorbutique, dont la fraise est riche.

Un conseil cependant : rincez longuement les fraises avant de les consommer, pour en ôter toute trace de terre ou de fumier. On peut ensuite les consommer sans crainte : leur suc est hostile au développement du bacille d’Éberth ; la fièvre typhoïde n’est donc pas transmise par les fraises, même arrosées avec des eaux douteuses, puisque la fraise, lavée au préalable, écrasée, se débarrasserait elle-même des germes pathogènes.

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Et les groseilles ? Leur évocation fait immédiatement penser aux gelées savoureuses qui couvraient les tartines de notre enfance. La fabrication des gelées et confitures absorbe, en effet, la presque totalité des récoltes de groseilles.

Crues, elles sont trop peu utilisées. Est-ce parce qu’elles font parfois grincer les dents ? C’est alors qu’elles ne sont pas assez mûres. Quand la maturité est complète, leur acidité devient agréable. « Mangées à jeun, les groseilles sont, pour certains estomacs paresseux, un stimulant très actif de l’appétit. Leurs petites graines valent autant que les meilleures pilules apéritives », nous dit le Dr Henri Leclerc. « Égrenées, saupoudrées de sucre et consommées à la fin du repas, elles favorisent la digestion. Leurs graines ont également une heureuse influence sur l’intestin des constipés », assure d’autre part le Dr Bonnejoy.

Le suc des groseilles, étendu d’eau, forme une boisson précieuse qui apaise la soif, favorise les selles et exerce des effets diurétiques très prononcés. Pour cet usage, le suc frais des fruits peut être remplacé par la gelée vermeille qu’autrefois toute bonne ménagère confectionnait elle-même en cette saison. Elle en conservait toujours quelques pots pour offrir aux malades fiévreux ou convalescents. C’est que la gelée de groseilles a conservé tous les sels minéraux, les acides organiques et la presque totalité des vitamines C contenues dans le fruit frais : la cuisson, qui est habituellement néfaste à la vitamine antiscorbutique, ne la détruit pas dans la gelée de groseilles parce que le milieu est acide.

À la saison, fabriquons donc une petite réserve de gelée de groseilles.

Et maintenant, quelques recettes :

Gelée de groseilles.

— Égrener les groseilles (avec une fourchette), les jeter dans une bassine, les écraser un peu, les mettre sur le feu pour les faire crever ; remuer, mais sans arriver à l’ébullition.

Les passer au tamis, ou dans un torchon, ou même dans une presse à fruits pour en extraire le jus.

Peser le jus obtenu et le mettre sur le feu avec le même poids de sucre. Écumer au bout de cinq à six minutes de cuisson. Mettre en pots (la gelée se prend très facilement).

On peut framboiser cette gelée en ajoutant 100 grammes de framboises par kilo de groseilles : la gelée est moins acide et plus délicatement parfumée.

Marmelade des quatre fruits.

— Prendre 1 kilo de groseilles rouges, 1 kilo de fraises, 1 kilo de cerises, 1 kilo de framboises et 4 kilos de sucre en poudre. Faire bouillir une demi-heure à gros bouillons. Emplir des pots. Cette marmelade est des plus savoureuses.

Elle est plus fine si, au lieu d’ajouter les groseilles et framboises entières, on en extrait d’abord le jus que l’on ajoute aux cerises et fraises préalablement cuites avec le sucre pendant une demi-heure. Maintenir l’ébullition dix minutes encore, après avoir ajouté le jus des groseilles et framboises. Mettre en pots.

Muesli aux groseilles.

— Faire tremper pendant douze heures une cuillerée à soupe de flocons d’avoine par personne dans trois cuillerées d’eau. Au moment de servir, écraser 150 grammes de groseille (en les faisant passer dans un moulin à légumes), puis mélanger avec une cuillerée de lait condensé sucré (ou à défaut une cuillerée à café de sucre en poudre et une cuillerée à soupe de lait) et les flocons trempés de la veille. Servir au début du repas.

Tarte aux groseilles.

— Faire une pâte brisée et en tapisser un moule à tarte. Préparer ensuite le mélange suivant : 80 grammes de sucre, un œuf, un demi-litre de lait, bien battre le tout. Placer dans le fond de la tarte, puis ajouter 300 grammes de groseilles égrenées. Mettre au four pendant trente minutes au moins ; saupoudrer de sucre à la sortie du four. Servir froid.

Tarte aux fraises.

— Il est bon de ne pas faire cuire les fruits. Préparer une pâte brisée comme ci-dessus. La faire d’abord cuire au four (pour qu’elle ne se déforme pas en cuisant, on peut la recouvrir de noyaux d’abricots ou de noyaux de pêches que l’on enlève une fois la pâte cuite : ces noyaux peuvent servir indéfiniment). Emplir la pâte cuite de fraises fraîches et arroser avec du sirop de sucre.

On peut aussi garnir la pâte cuite d’une crème à la vanille et disposer par-dessus les fraises fraîches.

A. PEYREFITTE.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 523