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Tir au canard

Dans le calendrier cynégétique, le mois de juillet offre aux chasseurs le plaisir des premiers coups de fusil sur le gibier d’eau, et en particulier la chasse aux jeunes canards, dits halbrans. Ces premières sorties, après l’inaction relative du printemps, sont vivement goûtées par les Nemrods et constituent un excellent entraînement aux journées plus sérieuses de septembre, en même temps qu’elles fournissent au garde-manger quelques pièces de choix. À ce double titre, nous nous devons d’examiner aujourd’hui les conditions dans lesquelles il convient de rechercher et de tirer le halbran.

Étymologiquement, ce jeune oiseau est un demi-canard ; en fait, au mois de juillet d’une année moyenne, c’est plutôt un trois-quarts de canard ayant presque la musculature de l’adulte, ce qui lui confère ses qualités gastronomiques, mais qui, néanmoins, est encore inapte aux longs vols. Ce dernier point en permet la chasse devant le fusil dès que l’on dispose d’étangs ou de surfaces marécageuses au milieu desquels a pu se faire la nidification.

Lorsque l’on a à exploiter un étang comportant quelques nichées de halbrans, la tactique habituelle consiste à placer quelques fusils sur des bateaux légers, dans l’étendue de l’eau libre, et à faire battre les joncs par toute une équipe de chasseurs et de porteurs aidés par les chiens. En outre, quelques fusils pourront être placés à terre, sur les points de passage probables des oiseaux quittant l’étang pour en gagner d’autres.

Dans les deux premiers cas, il s’agit de tirer devant soi ou à peu près ; pour les chasseurs restant à terre, c’est du tir de battue.

Nous avons précédemment estimé le halbran aux trois quarts du canard adulte : c’est dire que sa vulnérabilité implique un poids légèrement inférieur avec une surface peu différente. On sait que, dans le tir de tout le gibier plume, il convient, pour assurer la capture, à défaut de la blessure mortelle, de casser à la fois une aile et une cuisse à l’oiseau ; d’autre part, le canard blessé flotte et se dissimule assez habilement. Nous aurons donc à prévoir un tir réunissant à la fois un assez grand nombre d’atteintes avec une énergie destructrice suffisante de ces dernières.

À vitesse normale, le plomb no 6 fera parfaitement notre affaire pour le tir devant soi, et cela même pour les deux coups. En ce qui concerne les chasseurs à terre, qui peuvent avoir des coups de longueur à exécuter, ils pourront user de plomb no 4 dans un choke assez serré pour le second coup. On a assez souvent la surprise avec les canons choke, à la limite de portée, de voir tomber non pas l’oiseau de tête visé, mais bien un des suivants par suite de l’allongement de la charge avec la distance.

Nous avons entendu soutenir par d’excellents praticiens que, même en arrière-saison, sur les canards adultes, il était inutile d’employer du plomb d’une grosseur supérieure au no 6 et qu’il convenait de s’efforcer d’atteindre l’oiseau à la base du cou et à la poitrine en tirant très devant ; cette opinion peut en effet se soutenir en raison de la vulnérabilité de ces parties de l’animal.

Nous aurons pour cette chasse tout avantage à ne pas nous écarter des calibres 12 et 16, très suffisants comme puissance de tir et essentiellement maniables, réservant les fusils canardiers calibre 10 pour la passée d’hiver.

Les munitions seront de la meilleure qualité possible et gagneront à être placées dans une gibecière imperméable. Ceux des tireurs qui battent les joncs et roseaux dans un costume des plus sommaires se trouveront bien d’attacher ladite gibecière sur leur poitrine, le plus haut possible. Nos ancêtres employaient pour loger leurs munitions un petit sac en toile doublé en vessie de porc et se l’attachaient autour du cou ; actuellement, les ressources des tissus caoutchoutés suffisent à contenter les plus difficiles et, dans tous les cas, lors d’un plongeon inopiné, ce qui arrive assez souvent, les munitions auront toutes chances de rester au sec. Notons en passant que, si le fusil a participé au plongeon, il est indispensable de le confier au plus tôt à l’armurier, qui en démontera le mécanisme.

Pour terminer, rappelons enfin que ceux qui résident au voisinage des étangs et qui peuvent consacrer matin et soir quelques moments à guetter les halbrans à l’affût ont là de belles occasions sportives. On sait que les jeunes, accompagnés le plus souvent de la vieille cane, viennent au bord de l’eau et en sortent pour véroter. À distance convenable, l’emploi des munitions calibre 22 long et 22 long rifle dans des armes appropriées fournira l’occasion d’un tir des plus intéressants, qui, très certainement, ne sera pas générateur de tableaux somptueux, mais dont la discrétion n’éloignera pas les oiseaux de leur cantonnement. On pourra réaliser ainsi la destruction des vieux couples dès que les jeunes n’auront plus besoin de leur protection.

En même temps qu’elles procureront un vif plaisir cynégétique, ces petites stations matinales et vespérales seront pour les favorisés l’occasion de contempler la nature sous ses plus beaux aspects. Nous en souhaitons la jouissance au plus grand nombre possible de nos lecteurs.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 529