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Pêche à la volante …

La pêche « à la volante » est une pêche rustique pratiquée, surtout en été, par les habitants des bords de la rivière, les « terriens » ainsi qu’on les nomme, et qui ne vont pas chercher midi à quatorze heures. Toutes sortes de cannes, souvent bricolées par eux-mêmes, plus ou moins bien réussies, courtes et longues ; toutes sortes d’insectes de saison, faciles ou difficiles à saisir, sont employés. J’ai vu même un pêcheur citadin, en vacances, se promener la canne d’une main et un rouleau attrape-mouches plein de mouches de cuisine, de l’autre ; s’en aller ainsi, plus ou moins englué, d’un coup à l’autre. Tous les insectes sont bons et sont utilisés ; mais beaucoup de pêcheurs s’imaginent avoir le meilleur et le cachent jalousement à votre approche : sportivité !

Cette pêche s’adresse presque exclusivement au chevesne, mais aussi à la truite, à la vandoise. Quoique cette dernière se tienne surtout dans les grands courants en été, où certains pêcheurs la recherchent à l’insecte noyé avec une larve comme appât ; on en prend aussi quelquefois non loin des rives par ce procédé.

Mais je ne veux pas entrer dans le détail de cette pêche, c’est encore de la mouche artificielle que je veux parler, celle-ci, par les méthodes de la pêche à la volante, est aussi assez souvent employée par les pêcheurs à l’insecte naturel.

Pêcheurs sportifs à la mouche, vous connaissez la technique de la mouche artificielle, à la volante, c’est principalement la technique de la mouche sèche « Up stream » qui est pratiquée. Cependant, un jour, me reposant à l’ombre de la rive, je vis venir vers moi un pêcheur à la volante qui m’intrigua. En aval de moi, je le vis opérer, sans qu’il me vît, sur une centaine de mètres. Il lançait, à l’aide d’une canne en roseau de six à sept mètres, sa mouche en amont et, la mouche aussitôt posée, il la ramenait en oblique vers la rive. Ce lancer était automatique, machinal, à cadence assez vive. Étant très rigoureux sur le principe de la mouche sèche qui doit flotter sans sillage au fil de l’eau, je ne comprenais pas. Je ne lui vis pas prendre du poisson. Arrivé près de moi, je me permis (c’était peut-être indélicat : que saint Pierre me pardonne !) de regarder sa mouche, de loin, je fus un peu surpris, mais très peu cependant, étant fixé depuis longtemps sur la valeur intrinsèque des mouches. Cette mouche était la simplicité même : un bout de grosse laine à tricoter bleu foncé, que l’eau rendait noir, enroulé sur un hameçon no 8 environ, mais dont l’extrémité, probablement effilochée se terminait en pointe, en forme de queue, sur un bon centimètre après la courbe de l’hameçon. Elle me parut être complètement imbibée d’eau.

— Mais, dis-je, votre mouche ne doit pas flotter.

— Si, si.

— Voyons, lancez-la, pour voir.

Il lança et ... ramena comme dit plus haut sa mouche en demi-noyée. Livrée à elle-même, elle serait allée au fond. C’est ce qu’il appelait flotter. Pour moi, j’avais compris : c’était une sorte de pêche noyée « Up stream » glissée. Il était inutile de donner des explications à ce pêcheur buté, qui ne connaissait que cette pêche : il en avait tant pris ainsi monté, dit-il, qu’il ne voudrait pas changer de méthode quoi qu’on lui dise.

La pêche à la volante n’est donc pas toujours une pêche sèche. Nous le savions quand il s’agit de l’insecte : sauterelle noyée par exemple. Quant, à cette mouche, il était normal, puisqu’elle descendait le courant tout en le traversant obliquement, qu’elle fût prise par le chevesne, et je ne m’en étonnais pas ; pas plus que de sa forme, qui pouvait lui rappeler la larve noire de l’Oligoneuriella ... si ce n’est autre chose. Le chevesne n’est pas si difficile, sa gloutonnerie et sa manie de vérifier tout ce qui passe près de lui lui est souvent fatale. Certes, avec de bonnes mouches et une méthode adéquate, on fait de plus gros paniers, mais on en prend encore pas mal avec n’importe quoi. À défaut d’autre chose on peut même, comme en certain pays des Pyrénées, couper à son béret le petit brin de laine central qui émerge : il n’y a rien de tel à l’hameçon, paraît-il !

La forme ? qu’importe ! À quoi ressemble, je vous le demande, ce paquet de mouches de cuisine enfilées les unes sur les autres sur un gros hameçon et que pourtant le chevesne n’hésite pas à gober avidement ?

Allez donc, après ça, parler de mouche exacte.

Peut-être, et même certainement, car, « l’un n’empêche pas l’autre ».

D’ailleurs, les bons pêcheurs à la volante n’ont-ils pas une préférence très marquée pour la sauterelle verte aux ailes rudimentaires ? et n’enlèvent-ils pas les élytres au doryphore adulte, tandis que sa larve ne vaut rien !

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 546