La France est sortie troisième des derniers Jeux
Olympiques, avec un retard assez considérable sur la Suède. Si l’on considère
que les Jeux de 1948 ne furent que des Jeux partiels, par suite de l’absence
des trois grands pays : U. R. S. S., Allemagne et Japon, ce
classement n’est guère favorable. Mais les observateurs étrangers auraient tort
de juger la vitalité et la situation du sport français sur notre production aux
Jeux Olympiques. Ce classement est injuste et limité. D’une part, parce qu’un grand
nombre de sports où nous excellons ne figurent pas au programme olympique,
d’autre part parce que, dans de nombreuses spécialités, l’élite de nos athlètes
est professionnelle et n’a pas accès aux Olympiades.
Un tableau synoptique du sport français donnera une idée
plus précise et plus complète de notre situation, et montrera que, loin devant
les autres grandes nations (U. R. S. S., Angleterre, Italie etc.),
la France devance la Suède pour la première place du classement européen.
Une simple comparaison peut donner une idée de l’évolution
du sport français. En 1933, aux championnats du monde de ski à Cortina d’Ampezzo,
la France alignait 5 concurrents, qui se partagèrent, en toute modestie,
les cinq dernières places.
En 1949, sur l’ensemble des deux dernières saisons (3 victoires
aux Jeux Olympiques, victoires au Lautberhorn, au Kandahar, à la Semaine
internationale, tournée triomphale en Amérique du Nord, où nos skieurs ont
écrasé, en 17 victoires consécutives, les représentants du Canada et des
U. S. A.). Nous occupons le premier rang mondial pour les disciplines
alpines. (Les disciplines dites nordiques restent l’apanage des Suédois et des
Norvégiens.)
En escrime, sur les deux dernières saisons, victoires
d’Artigas et de d’Oriola aux championnats du monde à Lisbonne, victoire de Buhan,
des équipes de France au fleuret et à l’épée pour les Jeux Olympiques, victoire
encore de d’Oriola aux récents championnats du monde au Caire ; nous
occupons le premier rang mondial avec l’Italie.
En cross-country, nous remportons régulièrement le Cross des
Sept Nations depuis plusieurs années. Pujazon deux fois, Mimoun une fois ont
enlevé le titre.
En cyclo-cross, c’est une tradition pratiquement
ininterrompue depuis vingt ans : la suprématie française s’affirme plus
éclatante à chaque championnat du monde.
En cyclisme, où nous partageons l’hégémonie avec l’Italie et
la Belgique, nous avons raflé tous les titres des Jeux Olympiques. Nous avons
également gagné le championnat du monde de demi-fond avec Lamboley.
En jumping, le titre olympique revient à la France avec le
capitaine Chevalier. Sur les résultats des deux années, la palme du meilleur
cavalier échoit sans contestation au chevalier d’Orgeix.
En boxe, où notre équipe amateur a enlevé le championnat
d’Europe, nous possédons actuellement le lot le plus riche que nous ayons
jamais eu.
Ray Famechon, champion d’Europe des poids légers, va
disputer le titre mondial à l’américain Willie Pepp. Maurice Sandeyron,
champion d’Europe des poids mouche, a échoué de justesse pour la couronne
mondiale contre l’Irlandais Monaghan. Le meilleur boxeur européen, — et
peut-être mondial — est, de l’avis des critiques américains, notre
champion du monde Marcel Cerdan. Et, derrière lui, Dauthuille vient de
battre sur leur propre terrain toutes les vedettes américaines. Dans les autres
catégories, Médina, Montané Olek sont parmi les meilleurs européens.
En natation, nous possédons toujours deux records du monde (Jany
et les trois nages) et tous les records d’Europe en dos. Les derniers
renseignements sur l’entraînement de Jany nous permettent de prévoir déjà une
saison sensationnelle de notre champion.
En aviron, nous avons remporté plusieurs titres des
championnats d’Europe. Et Séphériadès, battu de justesse par le vainqueur
olympique, reste le premier skiffer d’Europe.
En pelote basque (sport pratiqué par l’Europe latine et par
l’Amérique du Sud), la suprématie française remonte à 1905. Le célèbre Chiquito
de Cambo, quarante ans champion du monde, a cédé maintenant la palme au Basque
français Urruty.
En poids et haltères, Ferrari, recordman du monde, vient de
faire une rentrée victorieuse et riche de promesses.
En catch, Deglane et Rigoulot disputent la couronne
européenne au danois Martinson.
En athlétisme enfin, qui fut longtemps notre sport pauvre, Pujazon,
champion d’Europe de steeple, Hansenne, recordman du monde, l’équipe française
de 4x400 championne d’Europe, deuxième des Jeux Olympiques, Arifon, recordman
d’Europe du 400 haies, Micheline Ostermeyer, deux fois victorieuse à ces
mêmes Jeux Olympiques, ont assuré notre redressement. Avec eux, Damitio, El Mabrouck
(le plus prodigieux coureur que nous ayons jamais connu), l’équipe de France
est assurée d’offrir une belle résistance à l’équipe suédoise le 2 octobre
à Paris.
En plongeon, les championnats d’Europe furent une véritable
révélation : Heinkelé, Mady Moreau, Nicole Pelissard assurèrent la
suprématie française. En longue paume, l’équipe française est championne du
monde. En tennis, où la France marquait une certaine régression depuis quelques
années, deux jeunes viennent de se confirmer et nous représenteront pour les
premiers tours de la Coupe Davis ; Jacques Thomas, d’Antibes et Rémy,
d’Alger. Pour les tours suivants, la France fera donner la garde avec Marcel Bernard
et peut-être avec Jean Borotra, qui a cinquante et un ans maintenant et
qui, depuis deux ans, a battu sur court couvert les meilleures raquettes
mondiales.
Si nous étendons ce regard aux sports collectifs, nous
pouvons constater là aussi un ensemble de progrès considérables :
En rugby à 13, nous venons d’enlever le tournoi
international devant les champions incontestés : Angleterre et Pays de
Galles. En rugby à 15, nous terminons seconds du tournoi des Cinq Nations.
L’équipe de France est la seule à avoir pu battre les Irlandais à Dublin.
Comme elle est la seule, en football, à avoir tenu en échec
l’équipe nationale d’Angleterre à Wembley. Notre équipe junior vient de gagner,
en Hollande, le tournoi qui opposait les meilleurs juniors européens.
En basket-ball, alors que toutes les équipes européennes
s’inclinaient dès les quarts de finale, la France n’était battue en finale que
par les seuls États-Unis. Depuis, nous avons battu Hongrie, Espagne, Belgique.
En volley-ball, nous sommes classés seconds d’Europe.
En ping-pong, seconds du monde par équipe derrière la
Tchécoslovaquie.
En water-polo, l’Italie enlève le tournoi olympique, mais
nous réussissons le match nul contre celle-ci.
Ce panorama montre que le redressement du sport français
n’est pas un mythe, que les efforts de prospection et d’organisation effectués
en France, et singulièrement depuis cinq années, commencent à produire leurs
fruits.
Les méthodes françaises de ski et d’escrime ont
progressivement gagné le monde entier. L’équipement sportif, la formation des
moniteurs, la pénétration du sport dans l’Université et dans l’Armée permettent
aux jeunes français une initiation qui leur était jusque-là difficile. Grâce à
cet ensemble de réalisation et résultats — la France prend rang
aujourd’hui parmi les grandes nations sportives du monde.
Gilbert PROUTEAU.
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