Parmi les accessoires de l’alpiniste, c’est à la corde qu’il
faut attacher le plus d’importance, car on lui confie bien souvent sa vie. Nous
allons voir quels sont les principaux emplois des cordes en montagne et passer
ensuite rapidement en revue les différentes cordes actuellement utilisées.
EMPLOI DE LA CORDE SUR UN GLACIER.
— Contrairement à ce que l’on serait tenté de croire,
c’est en fin de saison, lorsqu’un glacier est très crevassé, au moment où la
neige a disparu et ou les crevasses sont grandes ouvertes, que le danger est
minime. On pourra perdre de longues heures à contourner d’énormes fentes très
profondes, mais, à moins d’un faux pas, l’emploi de la corde peut être
considéré comme superflu.
Au contraire, en début de saison, le glacier est recouvert
de neige, et cette neige masque les crevasses sans les boucher. Parfois une
teinte plus claire permet à un œil exercé de déceler la présence de l’ouverture
sous-jacente, mais, par temps couvert ou neige fraîche, les différences
s’atténuent ou disparaissent et il est indispensable de s’encorder.
Le nombre d’alpinistes à la même corde, doit, en principe,
être de trois, car si l’un des alpinistes tombe dans une crevasse, il est
presque impossible à un homme seul de pouvoir l’aider à en sortir. Cette règle souffre
toutefois des exceptions, et une cordée formée de deux excellents alpinistes
n’aura évidemment rien à gagner à s’adjoindre un débutant pour la traversée
d’un glacier crevassé.
Entre deux alpinistes, encordés par exemple à 6 ou 8 mètres,
la corde doit rester constamment tendue. L’intervalle entre les alpinistes peut
être réduit à 3 ou 4 mètres, et le surplus de la corde doit être plié dans
la main en anneaux. On doit éviter deux excès contraires, laisser traîner la
corde dans la neige, ce qui la mouille et en rend le maniement désagréable, et
garder une corde trop tendue, ce qui risque de donner des coups de frein
brusques fort désagréables à celui qui vous précède.
Au cas où l’un des grimpeurs tombe dans une crevasse
insoupçonnée, ou s’il brise sous son poids un pont de neige peu solide, la
corde, brusquement tendue par l’un de ses compagnons, permet de bloquer la
chute, et le plus souvent celle-ci s’arrêtera à mi-corps.
EMPLOI DE LA CORDE DANS L’ESCALADE NORMALE.
— Nous ne parlerons pas ici de l’escalade artificielle
qui utilise, à l’aide de pitons et de mousquetons, la technique dite « de
la double corde », réservant cela pour une autre causerie.
En escalade normale, sur rocher facile, la marche sera la
même que sur glacier, la corde tendue ayant ici pour but d’éviter d’accrocher
des aspérités rocheuses, de se coincer dans des fissures ou de faire tomber des
pierres branlantes.
Toutefois, comme la progression offre beaucoup moins de
régularité que la marche sur glacier, on est obligé constamment de lâcher ou de
reprendre des anneaux de corde. Un bon grimpeur doit s’habituer, pour éviter à
ses compagnons ces manipulations à la longue pénibles, à garder une allure très
constante, qu’il soit en terrain facile ou dans un court passage plus
difficile.
En escalade difficile, les grimpeurs ne progressent plus que
l’un après l’autre, gravissant chacun à leur tour les « passages »
successifs de la course.
Pour n’importe quel grimpeur de la cordée, l’escalade se
fait avec une « assurance » venant d’en haut, c’est-à-dire que la
corde est maintenue tendue par l’alpiniste qui le précède. Cette assurance n’a
pas pour but de tirer le grimpeur, mais simplement d’éviter une chute en cas de
dérochage. Pour augmenter la sécurité de l’assurance, on passe la corde
derrière une saillie rocheuse, en la faisant coulisser au fur et à mesure de la
progression. À défaut de prise suffisante ou d’un piton enfoncé dans une
fissure, la corde est passée sur l’épaule, l’assureur étant en position
arc-boutée, debout ou assis suivant les possibilités de la plate-forme où il se
trouve.
Quant à l’alpiniste de tête, qui ne peut profiter d’aucune
assurance d’en haut, il ne peut guère considérer la corde qui le relie au
second de cordée que comme une assurance « morale ». En cas de chute,
son second pourra l’arrêter si celle-ci l’amène en dessous de lui, mais c’est
tout ce qu’il est permis d’espérer. Encore devra-t-il amortir par tous les
moyens possibles le choc supporté au moment où la corde se tend, car la plupart
des cordes alpines ne résistent pas au choc brusque causé par une chute
verticale, en plein vide, lorsque l’autre extrémité de la corde est amarrée sur
un point fixe.
Pierre CHEVALIER.
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