Les sols capricieux.
— Si l’on excepte les terrains maraîchers, constitués
par les alluvions des vallées enrichies de longue date par de copieuses fumures
organiques et largement terreautées, où les professionnels produisent à foison
les légumes variés ayant leur écoulement sur les marchés, il n’en est pas de
même pour la plupart des jardins créés au petit bonheur, au voisinage des
habitations.
Le plus souvent, pour des raisons variées, les cultures
potagères, entreprises en vue d’assurer le ravitaillement familial, laissent à
désirer. Certains légumes peuvent donner des résultats assez satisfaisants,
tandis que d’autres ne fournissent que des récoltes décevantes, sous le rapport
de la qualité et de la quantité. En général, les rendements y sont notoirement
inférieurs à ceux qu’obtiennent les maraîchers dans leurs terrains riches en
vieille graisse, sans compter que les façons culturales y sont beaucoup plus
pénibles.
La chimie de votre jardin.
— Si vous voulez améliorer votre potager, en vue de le
rendre plus productif, il est nécessaire que vous connaissiez tout au moins sa
composition physique, c’est-à-dire sa teneur approximative en argile, calcaire,
silice et humus, de manière à pouvoir la rectifier par des apports
d’amendements et d’engrais appropriés à chaque cas particulier.
En principe, toutes les terres légères et humifères, bien
approvisionnées en principes essentiels (azote, acide phosphorique
et potasse), sont très favorables aux cultures légumières. Par contre,
tous les sols argileux, sablonneux ou calcaires par excès, sont généralement
peu productifs, à moins de modifier leur nature et leur composition.
Sans recourir au concours d’un chimiste, vous serez
suffisamment renseigné en analysant physiquement un échantillon moyen de
la terre de votre jardin, desséché longuement dans le four de votre cuisinière,
à température modérée.
Pesez très exactement 100 grammes de cette terre
desséchée, que vous délayez dans un verre, avec de l’eau de pluie, à défaut
d’eau distillée. Mettez l’échantillon sur une balance, avec un flacon contenant
de l’acide chlorhydrique coupé de moitié d’eau, et faites la tare sur l’autre
plateau.
Versez l’acide chlorhydrique dans le verre contenant
l’échantillon dilué, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de dégagement d’acide carbonique.
Cela fait, pesez la perte subie du fait du dégagement de
gaz. Si celle-ci, par exemple, est de 10 grammes, la teneur en calcaire
serait de :
10 : 0,44 = 23 p. 100.
Ajoutez maintenant de l’eau dans votre échantillon ;
agitez et décantez le liquide trouble. Répétez l’opération du lavage et du
décantage jusqu’à ce que l’eau soit devenue claire. Les grains déposés sont de
la silice ; la partie décantée contient l’argile et l’humus. Vous
retiendrez ces deux éléments sur un filtre en y jetant l’eau de décantation.
Pour connaître la proportion d’argile, carbonisez le dépôt
au rouge, de manière à volatiliser la matière organique. La poudre restante,
pesée avec précision, ne contient que l’argile.
Quant à la silice, déposée au fond du verre, il suffit de la
dessécher et de la peser pour avoir sa proportion.
L’humus se dose habituellement par différence, en
additionnant l’argile, le calcaire et la silice, puis on retranche du nombre 100.
Cette méthode donne des résultats approchés.
Supposons que l’on ait trouvé : silice = 60
p. 100 ; argile = 18 p. 100 ; calcaire = 12
p. 100 ; humus = 12 p. 100. On pourrait en conclure que
cette terre est de très bonne qualité et que l’on peut y entreprendre, avec les
plus grandes chances de succès, toutes sortes de cultures potagères.
Mesures rectificatives.
— Dans le cas où l’analyse physique indiquerait :
silice = 85 p. 100 ; argile = 8 p. 100 ; calcaire =
5 p. 100 ; humus = 2 p. 100, il s’agirait d’une terre
sablonneuse, extrêmement pauvre en matière humique et en calcaire. Pour la
fertiliser, il est absolument nécessaire de faire des apports à haute dose de
matières organiques, fumiers, gadoues de ville, composts, etc. La première
application se ferait à la dose de 750 à 1.000 kilogrammes à l’are. En outre,
en raison de la pauvreté en calcaire, 3 à 4 kilogrammes de nitrate de chaux ou
de cyanamide à l’are favoriseraient la nitrification.
Si, au contraire, la terre était argileuse, froide,
compacte, difficile à travailler, sa composition pourrait se rapprocher de la
suivante : argile = 60 p. 100 ; silice = 25
p. 100 ; calcaire = 5 p. 100 ; humus = 10
p. 100.
Il faudrait l’alléger par des apports de sable ou des
plâtras de démolition, du mâchefer tamisé, etc. En même temps, pour activer la
nitrification, on apporterait des marnes calcaires ou de la chaux éteinte. Sous
l’action de ces matériaux, la terre s’allégera et se désacidifiera, de sorte
que, au bout d’un petit nombre d’années, on pourra y produire toutes sortes de
légumes. Mais, comme les apports suivis de chaux ont pour effet de brûler la
matière organique, il sera nécessaire, afin d’éviter la disparition de l’humus,
de continuer les fumures à dose assez forte— pas moins de 500 kilogrammes
à l’are.
Ne pas oublier que les terres très argileuses sont les plus
rebelles au jardinage, parce qu’elles sont impénétrables à l’air, à l’eau, à la
chaleur, et qu’elles se crevassent en déchaussant les racines, sans compter
qu’elles favorisent les maladies cryptogamiques, telles que la graisse, le peronospora,
l’anthracnose, etc., qui causent tant de préjudices aux plantes potagères. Il
est donc absolument nécessaire de modifier leur composition physique.
Les engrais complémentaires.
— De tous les constituants de la couche arable, c’est
évidemment l’humus qui tient la première place, parce que, tout en
ameublissant, en allégeant et en augmentant le pouvoir absorbant des sols, il
tient à leur disposition, sous une forme progressivement assimilable, tous les
éléments essentiels nécessaires à la nutrition végétale, avec le concours de la
chaux.
Cependant, il peut arriver que, dans certains jardins riches
en humus, des légumes foliacés tels que : choux, salades, poireaux,
épinards, etc., manquent de vigueur. Ce serait l’indice du défaut de potasse.
De même, si la grenaison des pois, des haricots, des lentilles laissait à
désirer, on pourrait imputer le fait au défaut d’acide phosphorique. Dans le
premier cas, on appliquerait une dose modérée de chlorure de potassium ou de
sulfate de potasse, environ 3 kilogrammes à l’are ; dans le deuxième,
on épandrait des scories de déphosphoration ou du superphosphate à la dose de 3 kilogrammes
à l’are, à titre rectificateur.
Adonis LÉGUME.
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