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Grande culture

La pomme de terre

Après la betterave industrielle, il est intéressant de s’arrêter à la pomme de terre. Depuis cent cinquante ans, la pomme de terre a donné lieu à de nombreuses observations ; elles n’ont pas le caractère condensé de celles qui se rapportent à la betterave, car, si celle-ci n’accepte pas la médiocrité, les circonstances l’imposent à la pomme de terre : ainsi les pratiques culturales sont-elles très diverses.

Partant des mêmes bases que pour la betterave, on a constaté que, le plus souvent, les rendements par hectare étaient également sous la dépendance d’un peuplement important. Dans la pratique, cependant, on a été conduit à établir une relation entre le rapprochement des pieds et la qualité des tubercules récoltés ; en fait, pour obtenir de belles pommes de terre, il faut planter à grande distance. La jolie Saucisse du Gâtinais, qui faisait prime sur le marché de Paris pour préparer des pommes de terre soufflées — la nature du terrain y était aussi pour quelque chose, — sortait de plantations distantes de 80 centimètres, même 1 mètre entre les rangs, et 60 à 70 centimètres sur le rang.

En sens inverse, dans la région de Cergy, près de Pontoise, avec une localisation ancienne de la production du plant, les lignes étaient tenues à 55 centimètres, la plantation sur le rang était faite de 25 à 40 centimètres. On voit d’ailleurs apparaître dans ces divers dispositifs une orientation caractérisée par le but économique de la culture.

Dans la culture ordinaire, il était admis, à la suite d’essais nombreux répétés par Aimé Girard, par François Berthault et nous-même, que 30.000 pieds environ par hectare constituaient un moyen terme dicté par le souci du rendement, du poids et de la valeur des plants, des facilités de culture ; la récolte obtenue fournissait à la fois la pomme de terre de consommation, la réserve pour le plant et le déchet utilisé par les animaux.

Pour l’exécution, l’écartement désirable entre les rangs était obtenu aisément à la main ; à la charrue, d’après le nombre et la largeur des bandes de labour ; au rayonneur, pour planter en sillons. Déjà les planteuses mécaniques ont une tendance à augmenter l’écartement des roues. Sur les rangs, la personne chargée de mettre les tubercules en terre devait se baisser plus souvent pour rapprocher ; les planteuses mécaniques comportent un réglage approprié.

La mécanisation de la récolte des pommes de terre fait valoir ses exigences, il faut de la place pour la circulation des arracheuses, et il semble que l’on veuille plier les cultivateurs de pommes de terre à une technique nouvelle ; les lignes devraient être à 70 centimètres. Évidemment, la circulation est plus facile, elle le serait encore plus à 1 mètre, mais il faudrait s’entendre et savoir si l’on accepte délibérément des réductions de rendement que personne ne peut nier ; des essais plus récents confirment l’expérience du passé.

Dans le même esprit que pour la betterave, en acceptant 70 entre les rangs, faut-il réduire à 43 au lieu de 50 pour maintenir le peuplement ? À ce moment, il faut repartir de la plantation : à la main, dans la bande de charrue qui recouvre, il faut plus de volonté pour ne pas défaillir ; en sillons, la surveillance est aisée ; à la planteuse, s’il y a automatisme — question de mécanisme, — et placement à la main dans les godets de la chaîne, gare aux moments d’inattention, et que les conseilleurs acceptent de faire ce métier quatre à cinq heures de suite ! Pour l’arrachage, fourches ou grilles pourront se défendre, mais c’est un plus grand volume à faire passer 16 p. 100 de plus que dans l’écartement à 60 centimètres : la terre sera-t-elle aussi bien séparée ? Si l’on va jusqu’au chargement automatique, plus de débit. Enfin, la récolte présentera une plus forte proportion de petits tubercules.

Question bien compliquée ; l’exposé pourrait faire croire un attachement déraisonnable aux pratiques sans mécanisation poussée. La raison ne peut se retrancher derrière les inconvénients énumérés, elle conduit une fois de plus à cette conclusion : pour faciliter les travaux, il ne faut pas faire d’un champ une étendue aux plantes admirables, mais si peu nombreuses qu’elles produiront moins et que leur prix de revient sera plus élevé.

Comme pour la betterave, il existe une solution : c’est l’agglomération des engrais sous les rangs de pommes de terre. Dans des essais effectués à Grignon (F. Berthault et L. Brétignière), l’agglomération du fumier sous la ligne de plantation procure un excédent de 944 kilos par hectare ; l’excédent passE à 1,885 kilos lorsque les engrais complémentaires furent agglomérés en même temps que le fumier. Cette amélioration ne fut guère pratiquée qu’en petite culture, mais voici qu’outre-Atlantique on emploie couramment des planteuses à double effet, dont un type figure dans les démonstrations organisées par la section machinisme de la Fédération de la pomme de terre. Deux tubes amènent l’engrais complémentaire de chaque côté du tubercule mis en terre, avec des engrais adaptés et le résultat est satisfaisant. Est-ce la solution pour le problème de l’arrachage ne laissant subsister aucun inconvénient ? C’est un équipement complémentaire à envisager ; ici se pose une autre question : l’intérêt économique, disons même la possibilité de cet investissement nouveau. Les lecteurs concluront d’eux-mêmes suivant leurs possibilités et leurs tendances.

La question des variétés peut également être prise en considération. Pourquoi ne .pas disposer de types fournissant normalement de fortes touffes occupant parfaitement un emplacement même assez étendu ? L’agriculture a besoin du concours de tous pour rester dans sa ligne de conduite : nourrir les hommes tout en assurant sa propre subsistance.

L. BRÉTIGNIÈRE,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 556