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Le fumier à la ferme

Plate-forme ou fosse ?

Dans une précédente chronique, nous avons étudié les pertes que le fumier est susceptible de subir pendant sa conservation ; nous avons montré quelle peut être leur importance, et nous avons souligné l’intérêt qu’avait tout agriculteur soucieux de l’économie de son exploitation à y remédier.

Au cours de cette étude s’était révélée la nécessité d’un emplacement à fumier rigoureusement étanche pour interdire tout ruissellement et toute infiltration. Il en va non seulement de l’économie de l’exploitation, mais aussi de sa bonne tenue et de sa salubrité.

Maintenant, une question se pose : quelle forme adopter pour cet emplacement ?

On a préconisé deux systèmes : la plate-forme, au niveau de la cour, et la fosse creusée dans le sol de la cour.

La plate-forme est une surface cimentée presque horizontale, très légèrement inclinée vers la fosse à purin, ou légèrement concave si celle-ci est au milieu, et entourée par un petit mur de terre ou de maçonnerie qui empêche l’irruption des eaux fluviales de ruissellement. La forme elle-même importe peu et dépend des conditions locales : ce qu’il faut assurer, c’est l’étanchéité de la sole et sa résistance suffisante aux roulements des véhicules de transport.

La fosse à fumier est une excavation à fond incliné : sa plus grande profondeur est de l’ordre de 1m,50 à 2 mètres. La sole et les parois sont maçonnées pour en assurer l’étanchéité. La pente de la sole ne doit pas dépasser 15 p. 100, pour permettre aux véhicules chargés d’en sortir.

Tant au point de vue de la bonne fabrication du fumier qu’au point de vue de l’économie de sa construction, chacune de ces deux solutions présente avantages et inconvénients. Nous allons essayer de les mettre en évidence.

Tout d’abord, la plate-forme est d’un établissement plus économique — du moins dans le cas le plus général qui est celui d’une cour de ferme à peu près horizontale, sinon les travaux de terrassement nécessaires pour la plate-forme, comme pour la fosse, tendraient à s’équivaloir. Mais n’oublions pas qu’il s’agit là d’un emplacement durable, et ne vaut-il pas mieux savoir parfois consentir une dépense d’installation plus élevée pour avoir, par la suite, et tous les jours, un travail plus rapide et plus facile ?

Car — et c’est là un des avantages de la fosse — la manutention quotidienne du fumier y est plus facile. Certes, dans les débuts de l’entassement du fumier, il n’y a pas de grande différence de travail entre les deux systèmes, mais, avec une plate-forme, au fur et à mesure que le tas s’élève, il arrivera bientôt un moment où il sera trop haut pour qu’on puisse y décharger directement le fumier. On pallie généralement cet inconvénient en ménageant des plans inclinés dans le fumier lui-même pour parvenir au sommet du tas ; pourtant, cela nuit à la régularité du tas qui est, nous l’avons vu, une condition essentielle de la bonne fabrication du fumier. Avec la fosse, ces petits inconvénients disparaissent, et il est toujours facile d’atteindre avec les brouettes ou les charriots l’endroit exact où doit être déposé le fumier ; mais aussi, et surtout, l’effort demandé est beaucoup moins grand : au lieu d’avoir à monter la charge sur le tas, il n’est que de la jeter. Ainsi la fosse rend-elle certainement plus facile la manutention journalière du fumier et, partant, moins coûteuse sa fabrication rationnelle.

Nous avions mis en évidence une autre condition de bonne fabrication : c’est le tassement du fumier, et nous avions dit à ce propos qu’un excellent système consistait à laisser divaguer du bétail sur le fumier même. Et l’on conçoit tout de suite que, si ce système est facilement réalisable avec la fosse où les animaux se trouvent comme dans un enclos, il ne l’est plus avec la plate-forme, à moins d’élever des barrières d’une assez grande hauteur. Or les avantages qui résultent de cette méthode de tassement sont tels qu’à ce point de vue le système de la fosse apparaît, encore là, comme supérieur à celui de la plate-forme. Dans cet ordre d’idées, on va même, dans certaines exploitations, jusqu’à couvrir les fosses à fumier pour en faire des hangars où le bétail est parqué la plus grande partie de la journée, la nourriture leur étant servie dans des auges mobiles placées sur le pourtour.

Dans la fosse, encore, le fumier se trouve toujours adossé à la paroi, tandis que sur la plate-forme il convient — nouvelle perte de temps — de dresser les bords régulièrement en relevant des fourchées de fumier en tresses et en tassant énergiquement.

Mais, arrivée l’époque de l’enlèvement et de l’épandage, c’est le système de la plate-forme qui reprend l’avantage. Le chargement des voitures est en effet beaucoup plus aisé et plus rapide du haut de la plate-forme. L’enlèvement des voitures est également plus facile.

Il semblerait qu’une fois passés en revue les différents avantages et inconvénients des deux systèmes on puisse hésiter entre l’un ou l’autre. D’un avantage économique certain au moment de son établissement et, par la suite, à chaque enlèvement du fumier, c’est-à-dire trois ou quatre fois par an, la plate-forme, par contre, n’assure pas une aussi parfaite fabrication du fumier que la fosse et surtout, quotidiennement, la fosse permettra un travail plus facile, plus rapide et plus soigné.

Donc, chaque fois que la situation permettra la construction d’une fosse qui ne soit guère plus coûteuse que celle d’une plate-forme, le choix de la fosse s’imposera évidemment. Et même si sa construction conduisait à un investissement plus élevé, n’oublions pas que les avantages en résultant compenseront cette différence. Il est certes bien évident que la situation des lieux commandera le plus souvent le choix, car l’emplacement de la fumière doit être à proximité immédiate des écuries ou étables dont on sort la plus grande partie des fumiers.

Dans une prochaine causerie, nous verrons quelles sont les dimensions à donner à la plate-forme ou à la fosse.

J. P ...,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 557