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Œnologie

Le matériel vinaire

M. Chancrin, qui fut inspecteur général de l’Agriculture, a écrit au sujet des soins de propreté à donner au matériel vinaire et aux bâtiments qui l’abritent ... « Mais beaucoup d’altérations des vins sont dues à l’ignorance ou à la négligence des hommes, au manque d’expérience des pratiques vinicoles et surtout au manque de soins de propreté. »

Ceci est malheureusement vrai dans beaucoup de cas. Nous allons nous efforcer, dans cette courte étude, de montrer comment on doit comprendre les mots ; soins de propreté.

Nous avons écrit dans cette revue que les maladies des vins étaient dus à des microorganismes, c’est-à-dire à des êtres vivants invisibles à l’œil nu. Cette dernière propriété vaut à la vinification bien des mécomptes ! En effet, nous voyons les rongeurs et les multiples insectes qui s’attaquent à nos cultures, jusqu’au minuscule puceron, et, du moment où nous les voyons, nous pouvons les combattre.

Mais il en est autrement des bacilles pathogènes, dont nous ne voyons quelquefois que leur massive fructification, comme par exemple celles du mildiou et de l’oïdium. À ce moment, il est trop tard pour intervenir, le mal est fait.

Nous sommes surpris de constater dans notre région combien de vins de la récolte 1948 sont atteints par un début de piqûre. Il est vrai que la dernière récolte n’a pas été fameuse, malgré tout ; si la vinification avait été correctement conduite et le matériel vinaire bien nettoyé, on aurait constaté de très rares cas de vins malades.

Tout d’abord il faut penser à la propreté des locaux où se fait la fermentation du moût et où est quelquefois entreposé le matériel vinaire.

Ces locaux sont souvent dans un état lamentable et servent, la plupart du temps, de resserre aux outils de l’exploitation et d’entrepôt aux récoltes des racines et tubercules. Les murs sont recouverts de poussière, le plafond en bois, supporté par des poutres apparentes, est tapissé de toiles d’araignées. Les uns et les autres retiennent des milliards de microbes de toute nature.

Si le local qui renferme la cuve à fermentation doit être ouvert au midi, afin d’assurer une opération rapide, celui entreposant la tonnellerie devra avoir une ouverture au nord, et en aucun cas sa température ne devra dépasser 13° C.

Ceci établi, les murs, plafonds, portes devraient être périodiquement enduits à la bouillie bordelaise, puis ensuite au lait de chaux, ce dernier appliqué également au pulvérisateur.

Le sol devra être maintenu propre, cimenté si possible. De plus, deux ou trois fois par an, les portes et fenêtres étant hermétiquement closes et après avoir humecté le sol d’eau au moyen du pulvérisateur, faire brûler du soufre en canon à raison de 30 grammes par mètre cube de capacité ; le produit placé dans des récipients en fer non soudés et disposés à une certaine hauteur, par exemple 1m,30. Ceci pour éviter que le gaz sulfureux, plus lourd que l’air, ne puisse arrêter la combustion, si les récipients étaient posés sur le sol.

Aérer deux jours après l’opération.

L’intérieur des cuves à vendange et à fermentation sera d’abord décapé à sec en se servant d’une brosse très dure, puis lavé à l’eau bouillante contenant 300 grammes de cristaux de soude par 10 litres d’eau, ensuite rincé à l’eau froide plusieurs fois.

Au moment de l’emploi, les parois de ces mêmes cuves seront humidifiées avec de l’eau-de-vie forte à laquelle on mettra le feu, ce procédé assurera une asepsie aussi complète que possible des parois.

Les tonneaux ayant servi seront nettoyés de façon à obtenir un bon décapage des faces internes. Pour cela, on se servira d’une chaîne. Celle-ci, de grosseur moyenne, aura 1m,50 de longueur environ ; à une des extrémités, on fixera une masselotte de fonte passant facilement par le trou de bonde ; à l’autre extrémité, sera fixé un gros bouchon en bois tronconique pouvant s’adapter à des trous de bonde de différents diamètres.

Avec la chaîne, on introduira quelques litres d’eau très chaude, puis on balancera le tonneau de telle façon que la chaîne racle la totalité de la surface interne du tonneau.

Laver ensuite à l’eau fraîche, jusqu’à ce que cette dernière coule claire.

Enfin mécher le fût en prenant la précaution de placer sous la mèche un petit récipient cylindrique métallique dont la face latérale est percée de trous.

Ce dispositif empêche les gouttes de soufre fondu de tomber au fond du tonneau, ce qui aurait pour résultat de communiquer un mauvais goût au vin.

S’il s’agit de fûts neufs, les affranchir par l’eau salée bouillante (500 grammes de sel de cuisine dans 20 litres d’eau). Rincer ensuite à l’eau froide et claire, puis mécher.

Enfin, pour tous les autres instruments : écopes, entonnoirs, pompes à vin, portoirs, comportes, etc., les brosser à sec avec précaution, puis les laver à l’eau chaude contenant 300 grammes de bisulfite de potasse par 10 litres d’eau.

Rincer ensuite à l’eau froide.

Ces opérations seraient sans effet si l’opérateur ne prenait pas lui-même des soins corporels (habits et mains propres).

Ces nettoyages demandent beaucoup d’eau bactériologiquement potable, ce qui veut dire que les eaux douteuses seront bouillies ou filtrées.

Le commerce livre, du reste, tout un arsenal d’appareils destinés à rendre potables les eaux polluées.

Enfin, ces mêmes opérations demandent des moyens de chauffage assez importants, ceux qui ont le courant force pourront résoudre cette question assez facilement. Enfin, il faut observer beaucoup de propreté pendant ces diverses manifestations.

En principe, se servir le moins possible de l’eau de Javel et des hypochlorites.

Quand on manipule un liquide aussi délicat que le moût de raisin, il faut essayer de mettre toutes les chances de son côté.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 559