Chacun connaît ces petites tumeurs cutanées, papilliformes,
indolentes, qu’on observe fréquemment chez les jeunes gens, et surtout chez les
jeunes filles à peau fine et délicate. Ce que l’on sait moins, c’est que les
verrues ne sont pas l’apanage exclusif du genre humain et qu’elles se
rencontrent aussi chez les solipèdes, les ruminants et les carnivores.
L’affection qu’elles déterminent, la papillomatose, est d’origine
infectieuse, inoculable et susceptible de se généraliser sur celui qui en est
atteint.
C’est surtout chez les personnes que les verrues ont été
l’objet d’études approfondies. Il résulte, en effet, des expériences de divers
savants (Variot, Besnier, etc.) que les verrues ne doivent pas être considérées
seulement comme de simples productions hypertrophiques du corps papillaire et
de l’épiderme, mais comme des foyers contagieux pour le malade lui-même. Une
verrue peut contaminer un fragment de peau saine, ce qui explique les « semis »
d’éléments verruqueux sur la surface de la peau et leur prolifération rapide. Besnier
a démontré que la verrue se propage par auto-inoculation, grâce aux
excoriations de la peau, le plus souvent par grattage ; c’est donc le
porteur lui-même qui s’inocule l’agent contagieux de la tumeur.
La transmission du virus se fait par contact avec le sang du
malade. Lorsqu’une verrue a été entamée par grattage ou par suite de manœuvres
destinées à la détruire et que le sang s’écoule de la petite plaie ainsi
produite, ce sang est contagieux : il suffit qu’il soit mis au contact d’une
petite lésion de la peau pour que cette dernière devienne le siège de nouvelles
verrues. La transmission à des tiers se produit par le même mécanisme. C’est
ainsi, par exemple, que cette transmission peut se faire de l’homme aux animaux
et de ceux-ci à l’homme : infection des mains du trayeur par les verrues
des mamelles des vaches, et réciproquement.
Kingerey et Wile ont démontré que ce pouvoir de transmission
d’un sujet à un autre est dû à la présence d’un virus filtrant, autrement dit
d’un agent pathogène dont la nature et la structure échappent, à l’heure
actuelle, aux instruments que nous possédons et qui servent habituellement à
déceler la présence et la forme des infiniment petits. La preuve de l’existence
de ce virus filtrant a été faite par l’expérience suivante : les auteurs
ont broyé des verrues dans du sérum physiologique ; ce mélange liquide a
été ensuite filtré sur des bougies de porcelaine, et le filtrat ainsi obtenu a
été injecté sous la peau des plusieurs sujets. Après un certain temps, de
petites verrues sont apparues aux points d’inoculation, identiques aux verrues
ayant ainsi servi pour la préparation. D’où la conclusion que l’agent
infectieux ayant pu traverser les pores de la bougie de porcelaine est bien un
virus filtrant, impossible à déceler au microscope, mais dont l’existence ne
peut être mise en doute.
Chose remarquable : nous verrons, à propos du
traitement des papillomes ou verrues de la bouche des jeunes chiens, que ce
procédé a servi à préparer une sorte de vaccin très efficace contre ces petites
tumeurs buccales.
Les propriétés contagieuses et infectieuses des verrues
étant bien établies, examinons leur évolution successivement chez les
solipèdes, les bovins et les chiens.
Chez le cheval, les papillomes, encore appelés fics,
verrues, poireaux, localisés ou réunis sous forme de grappes
ayant de la tendance à l’extension, sont fréquents sur le bout du nez, les
lèvres, les mâchoires et même à l’intérieur des oreilles. On les observe
surtout sur les poulains, mais, dans les centres d’élevage, on n’attache aucune
importance à la présence des verrues chez ces jeunes animaux. Pour faire
disparaître celles qui existent autour de la bouche, notre confrère Bouchet
emploie avec un succès constant le topique suivant :
Oxalate de potasse : |
l partie |
Chlorure de sodium : |
4 parties. |
À la suite de l’application de ce mélange, les verrues se
dessèchent et disparaissent très rapidement.
Il n’en est pas de même chez les chevaux âgés, où l’affection
est beaucoup plus tenace. Les verrues chez eux prennent souvent un aspect
particulier ; elles sont aplaties, très larges et apparaissent
principalement aux endroits où la peau subit le frottement des harnais. Leur
traitement nécessite l’intervention du vétérinaire, car il faudra recourir à
des procédés beaucoup plus actifs : ablation soit au moyen d’une ligature
en caoutchouc enserrant le pédicule, soit au moyen de l’appareil appelé écraseur,
et terminer l’opération par la cautérisation de la plaie au fer rouge ou au
nitrate d’argent. Souvent même ce traitement n’empêche pas les verrues de
récidiver d’une façon parfois décevante.
Chez les Bovins, les verrues abondent très souvent
dans les régions mammaires et abdominale, où elles constituent parfois une
sorte de carapace, à l’encolure, sur les membres et même jusque dans
l’intérieur du conduit du trayon, ou leur présence apporte une gêne
considérable à la sortie du lait au moment de la traite. Celle-ci est
fatigante, le jet de lait mince, souvent divisé ; il est parfois possible
de voir, au niveau de l’ouverture du trayon, les petites végétations papillomateuses.
Leur enlèvement réclame l’emploi d’un petit instrument que possèdent tous les
vétérinaires, la sonde-curette de Strebel, qu’on fait pénétrer dans le trayon
et dont on retire brusquement la tige qui emporte le tissu verruqueux.
L’incontinence lactée que l’on peut constater après l’opération est de courte
durée.
Le traitement des verrues des bovins comporte différentes
interventions. Si elles sont isolées, on emploiera la cautérisation au moyen de
certains acides forts comme l’acide acétique cristallisable ou l’acide
azotique. On trempe l’extrémité d’une petite baguette de bois, une allumette
par exemple, dans l’acide, et on vient ensuite toucher chaque verrue, en ayant
bien soin de ne pas répandre le liquide caustique sur la peau saine. On
renouvelle les séances toutes les semaines environ. Le formol du commerce
répond à la même indication.
En cas d’échec, ou si les verrues sont nombreuses, on peut
pratiquer l’excision au moyen de ciseaux courbes ou du bistouri et cautériser
les petites plaies par le fer chauffé à blanc. Si les verrues sont par trop
nombreuses et siègent au voisinage des ouvertures naturelles, on pourra
recourir au procédé allemand qui consiste à triturer des verrues, à les
émulsionner dans une solution de sérum physiologique, filtrer sur gaze et
inoculer 5 à 10 centimètres cubes de ce filtrat, phéniqué à 0,5
p. 100, sous la peau du fanon ou poitrail et faire trois ou quatre
injections espacées de quelques jours.
MOREL.
Médecin vétérinaire.
|