l’origine, la chasse a été un moyen pour l’homme de
subvenir à ses besoins alimentaires. Les dessins découverts dans les cavernes
des Eyzies et autres grottes de la préhistoire sont très instructifs à ce
sujet. C’est à un lointain atavisme que nous devons d’avoir dans notre jeune
âge un lance-pierre dans les mains et un fusil à l’épaule, au moment où l’État,
considérant que nous avons atteint l’âge de raison, qui n’est pas toujours
l’âge du raisonnement et de la prudence, nous offre, moyennant une taxe assez
élevée aujourd’hui, la permission de chasser. De toutes les passions du sexe
fort, la chasse est une de celles qui sont injustement décriées. Si les femmes
aiment un perdreau rôti à point, leur sentimentalisme débordant proteste contre
ce fait que, pour manger un perdreau succulent, il faut d’abord tuer le
perdreau ... et c’est atroce ... Soyons franc : le cas est assez
rare, heureusement. Je veux chanter la chasse sous des aspects variés :
économique, social, touristique, même artistique.
La chasse dépend du ministère de l’Agriculture et nous
n’avons qu’à nous en féliciter. Mais combien est plus vaste le domaine de
l’activité cynégétique. Peu de gens se rendent compte de la véritable richesse
que représente pour une nation l’élevage et la vente du gibier. Il est des pays
comme la Pologne et la Tchécoslovaquie, bien organisés au point de vue de la
chasse, qui, avant la guerre, retiraient de belles ressources grâce à
l’exportation du gibier. Je ne pense pas qu’il faille prendre à l’étranger tous
les exemples qu’il nous donne. Cependant, il reste encore beaucoup à faire chez
nous à ce point de vue : élevage et importation, si nous en avons la
possibilité. Pour élever le gibier, combien faudrait-il de gardes communaux et
privés ? Pour le poursuivre, combien de chiens, dont aujourd’hui
l’élevage, et partant le prix de vente, est considérable ? La distribution
dans chaque centre de vente nécessite aussi un nombreux personnel. Il est à
souhaiter que les impôts ne viennent pas surcharger exagérément la chasse, qui
constitue un élément très intéressant d’activité économique.
Des parcs départementaux d’élevage devraient être partout
développés pour le perdreau et pour le lièvre, et des transports de lapins des
pays où ils commettent de grands dégâts aux récoltes vers les pays déshérités
et qui ne demandent qu’à en acheter à des prix non prohibitifs.
La chasse, vie en plein air, détente indispensable après le
travail de la semaine, devrait recevoir de larges subventions du ministère de
la Santé publique. Je pense que le tourisme devrait aussi s’intéresser à un
sport qui, éloignant les citadins de la ville, est susceptible de lui faire
connaître et aimer notre beau pays, suivant les chasses préférées ou les
époques de l’année pendant lesquelles on les pratique (S. N. C. F. :
billets prix réduits pour chasseurs munis de permis). Attirons les étrangers
dans des chasses bien organisées. Toutes les passions saines sont à exploiter.
La Camargue et ses canards, la Brière et ses bécassines, la Sologne et ses
faisans naturels, nos palombes des Landes, nos chasses d’Alsace, nos ascensions
de montagne. Que d’avantages on pourrait retirer de la chasse si nous savions
organiser le tourisme cynégétique !
Et maintenant, pour ma part, je pense que le ministère des Beaux-Arts
lui-même pourrait verser une subvention au budget de la chasse à titre
d’encouragement aux œuvres des animaliers. En tout chasseur, il y a un artiste
qui, bien souvent, s’ignore. Le vrai chasseur n’est pas seulement un tueur de
gibier comme s’il était de la race de Cro-Magnon, il est, il doit être un
observateur des beautés de la nature, il doit comprendre la sagesse de son
harmonieuse évolution et apprendre qu’à son contact on s’élève et on
s’améliore.
Y a-t-il beaucoup de sports susceptibles d’exercer une
influence bienheureuse sur tant de branches de l’activité nationale ?
Élevage, emploi d’une main-d’œuvre importante, tourisme, hygiène, loisirs,
formation du sens artistique, circulation et échange ... et je ne parle
pas des industries qui vivent de cette passion de la chasse : armuriers,
bottiers, cartonniers, accessoiristes, hôteliers et tant d’autres encore !
Il faut donner à votre fils une bonne éducation, un bon
métier, une sérieuse culture générale ; il est indispensable de le guider
dans ses loisirs : orientez-le vers la chasse et vers les sports de plein
air. C’est un vieux chasseur qui vous en donne le conseil. Faites de vos
enfants des hommes solides, ils seront mieux armés pour la vie.
Il y a deux cents ans, un auteur de livre de chasse écrivait
que la chasse était « le plus intéressant des amusements et le plus
capable de rendre dégourdis les jeunes hommes ». Je suis d’accord avec ce
vieil auteur, mais je pense qu’à la chasse il faut beaucoup d’abnégation, de
discipline et le souci permanent et raisonné de l’intérêt général. Je me répète
sans doute, mais en voudrez-vous au vieux chasseur de ressasser des
vérités ?
Jean DE WITT.
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