Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°630 Août 1949  > Page 578 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

La chasse et son utilité

l’origine, la chasse a été un moyen pour l’homme de subvenir à ses besoins alimentaires. Les dessins découverts dans les cavernes des Eyzies et autres grottes de la préhistoire sont très instructifs à ce sujet. C’est à un lointain atavisme que nous devons d’avoir dans notre jeune âge un lance-pierre dans les mains et un fusil à l’épaule, au moment où l’État, considérant que nous avons atteint l’âge de raison, qui n’est pas toujours l’âge du raisonnement et de la prudence, nous offre, moyennant une taxe assez élevée aujourd’hui, la permission de chasser. De toutes les passions du sexe fort, la chasse est une de celles qui sont injustement décriées. Si les femmes aiment un perdreau rôti à point, leur sentimentalisme débordant proteste contre ce fait que, pour manger un perdreau succulent, il faut d’abord tuer le perdreau ... et c’est atroce ... Soyons franc : le cas est assez rare, heureusement. Je veux chanter la chasse sous des aspects variés : économique, social, touristique, même artistique.

La chasse dépend du ministère de l’Agriculture et nous n’avons qu’à nous en féliciter. Mais combien est plus vaste le domaine de l’activité cynégétique. Peu de gens se rendent compte de la véritable richesse que représente pour une nation l’élevage et la vente du gibier. Il est des pays comme la Pologne et la Tchécoslovaquie, bien organisés au point de vue de la chasse, qui, avant la guerre, retiraient de belles ressources grâce à l’exportation du gibier. Je ne pense pas qu’il faille prendre à l’étranger tous les exemples qu’il nous donne. Cependant, il reste encore beaucoup à faire chez nous à ce point de vue : élevage et importation, si nous en avons la possibilité. Pour élever le gibier, combien faudrait-il de gardes communaux et privés ? Pour le poursuivre, combien de chiens, dont aujourd’hui l’élevage, et partant le prix de vente, est considérable ? La distribution dans chaque centre de vente nécessite aussi un nombreux personnel. Il est à souhaiter que les impôts ne viennent pas surcharger exagérément la chasse, qui constitue un élément très intéressant d’activité économique.

Des parcs départementaux d’élevage devraient être partout développés pour le perdreau et pour le lièvre, et des transports de lapins des pays où ils commettent de grands dégâts aux récoltes vers les pays déshérités et qui ne demandent qu’à en acheter à des prix non prohibitifs.

La chasse, vie en plein air, détente indispensable après le travail de la semaine, devrait recevoir de larges subventions du ministère de la Santé publique. Je pense que le tourisme devrait aussi s’intéresser à un sport qui, éloignant les citadins de la ville, est susceptible de lui faire connaître et aimer notre beau pays, suivant les chasses préférées ou les époques de l’année pendant lesquelles on les pratique (S. N. C. F. : billets prix réduits pour chasseurs munis de permis). Attirons les étrangers dans des chasses bien organisées. Toutes les passions saines sont à exploiter. La Camargue et ses canards, la Brière et ses bécassines, la Sologne et ses faisans naturels, nos palombes des Landes, nos chasses d’Alsace, nos ascensions de montagne. Que d’avantages on pourrait retirer de la chasse si nous savions organiser le tourisme cynégétique !

Et maintenant, pour ma part, je pense que le ministère des Beaux-Arts lui-même pourrait verser une subvention au budget de la chasse à titre d’encouragement aux œuvres des animaliers. En tout chasseur, il y a un artiste qui, bien souvent, s’ignore. Le vrai chasseur n’est pas seulement un tueur de gibier comme s’il était de la race de Cro-Magnon, il est, il doit être un observateur des beautés de la nature, il doit comprendre la sagesse de son harmonieuse évolution et apprendre qu’à son contact on s’élève et on s’améliore.

Y a-t-il beaucoup de sports susceptibles d’exercer une influence bienheureuse sur tant de branches de l’activité nationale ? Élevage, emploi d’une main-d’œuvre importante, tourisme, hygiène, loisirs, formation du sens artistique, circulation et échange ... et je ne parle pas des industries qui vivent de cette passion de la chasse : armuriers, bottiers, cartonniers, accessoiristes, hôteliers et tant d’autres encore !

Il faut donner à votre fils une bonne éducation, un bon métier, une sérieuse culture générale ; il est indispensable de le guider dans ses loisirs : orientez-le vers la chasse et vers les sports de plein air. C’est un vieux chasseur qui vous en donne le conseil. Faites de vos enfants des hommes solides, ils seront mieux armés pour la vie.

Il y a deux cents ans, un auteur de livre de chasse écrivait que la chasse était « le plus intéressant des amusements et le plus capable de rendre dégourdis les jeunes hommes ». Je suis d’accord avec ce vieil auteur, mais je pense qu’à la chasse il faut beaucoup d’abnégation, de discipline et le souci permanent et raisonné de l’intérêt général. Je me répète sans doute, mais en voudrez-vous au vieux chasseur de ressasser des vérités ?

Jean DE WITT.

Le Chasseur Français N°630 Août 1949 Page 578