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Petit beagle ou beagle Élisabeth ?

Le Chasseur Français a publié un article sur le beagle, signé du dynamique secrétaire général du club, le Dr Mauvoisin, qui a valu à notre trésorier plus de cent cinquante demandes de beagles.

Certains de ces futurs adeptes du beagle n’étaient pas très fixés ; d’autres, au contraire, avaient des idées très arrêtées. Je crois opportun de mettre les choses au point.

Les uns demandaient un beagle adulte absolument parfait comme lanceur et comme meneur. Eh bien ! dans le beagle comme dans toutes les autres races de chiens courants, la perfection est un article rare. S’il existe, il n’est généralement pas à vendre.

Voilà une vérité première dont il faut être bien persuadé.

Un excellent chien d’arrêt peut être à vendre. D’abord, parce qu’il existe des producteurs et des dresseurs qui élèvent et qui dressent en vue de la vente.

Ensuite parce qu’un bon chien d’arrêt peut être en surnombre et faire double emploi.

Il n’existe guère d’éleveurs et de dresseurs de profession pour les chiens courants. Les éleveurs marchands liquident leur production au sevrage, ou en jeunes. Ils ne forment pas de chiens adultes.

Pour les chiens courants, il n’y a pas de double emploi.

L’immense majorité des éleveurs de chiens courants produisent pour eux-mêmes ... et ne vendent pas ce qu’il y a de meilleur. Dans une petite meute, il n’y a jamais trop de chiens de grande qualité. Ils ne font pas double emploi. Leurs propriétaires les conservent précieusement. Ils ne sont pas tentés même par un gros prix.

On peut poser en principe qu’un excellent chien courant de race n’est pas dans le commerce. Il ne peut être disponible que par suite de circonstances tout à fait exceptionnelles : manque ou excès de train, mort de son propriétaire ou cessation de chasse. Mais vous pouvez être assuré qu’un chien vraiment très bon est immédiatement acquis par un ami du voisinage ou un chasseur de la région.

En réalité, pour avoir un chien courant de race et de qualité, il faut risquer l’achat de chiots ou de jeunes chiens. C’est un risque double ... Parfois le vendeur cède ce qui sera le mieux réussi et le meilleur de la portée. Parfois aussi l’acheteur pourra tomber sur une non-valeur. C’est très aléatoire ; mais il n’y a pas d’autre moyen plus sûr.

Tout ce qu’on peut trouver, c’est un vieux bon chien, réformé pour baisse de train et qui pourrait encore faire une ou deux saisons de moniteur pour dresser des jeunes. Ces observations ne sont évidemment valables qu’en ce qui concerne les chiens sortant réellement de l’ordinaire. On peut se procurer de bons chiens, mais pas de chiens exceptionnels de race pure, à moins d’une chance miraculeuse.

La plupart des correspondants qui se sont adressés à notre trésorier demandaient des petits beagles. Quelques-uns disaient « tout ce qu’il y a de plus petit » ; d’autres spécifiaient qu’ils désiraient des beagles Élisabeth.

Tout cela, c’est une affaire de goût ; mais aussi une affaire de terrain de chasse et de gibier à chasser.

On comprend fort bien que beaucoup de petits chasseurs recherchent un chien de format réduit, peu encombrant et peu coûteux. Mais il ne faut rien pousser à l’extrême. L’excès en tout est un défaut à éviter. Le beagle est un chien réduit dans toutes ses proportions. C’est un nain.

Mais c’est un nain bien fait, qui est et qui doit rester, pour conserver toutes les qualités qui ont fait sa popularité, un chien ardent, actif, vif, robuste et résistant.

N’en faites pas un super-nain, car on ne le ferait pas sans nuire à sa santé et à sa rusticité.

Le petit beagle, dont la taille va de 0m,30 à 0m,36, n’est déjà pas très grand ! Il serait imprudent de vouloir encore plus petit, et forcément plus léger et plus délicat ; car le beagle n’a rien d’un basset qui n’est diminué que dans la longueur de ses pattes. Le beagle est un nain harmonieux et bien proportionné.

Mais il y a le beagle Élisabeth, dira-t-on ! Le beagle Élisabeth, que le standard dit encore plus petit que le petit beagle ! Eh oui ! officiellement le beagle Élisabeth existe. Il y a même des éleveurs qui s’étaient autrefois spécialisés dans son élevage. J’ai vu, il y a bien longtemps de cela, dans la région de Poitiers, les fameux petits beagles Orillard : gentils petits chiens légers et distingués. Il y a eu depuis la meute de la comtesse de Saint-Innocent, qui chassait le lapin à courre avec des beagles Élisabeth, dont certains toisaient de 0m,26 à 0m,28 et pesaient moins de 5 kilos.

C’est amusant et original ; mais je ne crois pas qu’un tel élevage soit à la portée de tout le monde. Plus on s’éloigne de la nature et de la normale, plus une production est difficile et aléatoire, plus on a de chances d’avoir des ratés. Il faut être très fort en élevage et très connaisseur pour ne pas tomber dans l’extrême gracilité et la fragilité.

D’ailleurs à l’heure actuelle, l’élevage du beagle Élisabeth est pratiquement inexistant. Depuis plus de vingt ans que je juge en expositions, je n’ai jamais eu, dans mon ring, de beagles Élisabeth. Il y en avait sur le catalogue qui étaient ainsi dénommés. En réalité ces beagles Élisabeth étaient des déchets de portées, restés très petits et fluets. Certains frisaient le rachitisme.

Lorsqu’on veut des chiens courants, susceptibles de chasser allègrement, on ne choisit pas des malingres. Lorsqu’on veut élever, on ne prend pas des géniteurs faibles.

Il paraît qu’en Angleterre le beagle Élisabeth est totalement abandonné, et avant la guerre il était fortement question en France de les supprimer de la nomenclature officielle.

J’ai pensé qu’il était bon de mettre le grand public en garde contre le désir d’avoir les chiens les plus petits possible.

Le petit beagle de bonne origine et bien réussi est un vrai chien de chasse. Le beagle Élisabeth serait plutôt un chien de fantaisie.

Paul DAUBIGNÉ.

Le Chasseur Français N°630 Août 1949 Page 591