On ne saurait faire mentir le proverbe : « On
récolte ce qu’on a semé », fruit de la sagesse populaire. Bien que le
commerce fournisse, dans des conditions excellentes, des semences
sélectionnées, il est intéressant pour le petit producteur de procéder lui-même
à la récolte des graines pour semence. C’est une erreur de croire que la
sélection est chose trop compliquée pour être pratiquée par la plupart des
amateurs de jardinage : la sélection peut être entreprise par tous ;
elle consiste à choisir, dans ses propres cultures, un petit lot de graines
provenant des pieds les plus productifs, les plus rustiques, les plus précoces,
les plus résistants aux maladies et aux intempéries, et à semer ces graines
dans un terrain bien cultivé. En continuant cette sélection tous les
ans, on peut facilement arriver à constituer des variétés améliorées qui ont le
grand mérite d’être bien acclimatées.
Pratique de la récolte des graines et porte-graines pour
semence.
— 1° Notons d’abord que tout légume que l’on envisage
de conserver comme graine ou comme porte-graines pour semences demande des
soins qui varient avec la nature de la plante : tandis que pour les unes
il sera indispensable de ne les récolter qu’entièrement et parfaitement
mûres ; pour d’autres, au contraire, il sera nécessaire de les obtenir
avant leur complète maturité.
2° Il faudra repérer les beaux plants et, dans ces plants,
retenir les meilleurs. (Nous indiquons ci-dessous les caractéristiques pour les
légumes les plus courants.) L’amateur pourra même pousser à fond cette pratique
jusqu’à la sélection individuelle ou généalogique en ne retenant les produits
que d’un plant pour une première année, puis ceux des plus beaux plants issus
du premier. Cette pratique est peut-être un peu longue, mais elle est la plus
sûre. Aussi peut-on, concurremment avec elle, en employer une autre qui donne
des résultats moins précis, mais de beaucoup plus immédiats et qui sont
d’autant plus importants qu’ils sont complétés par la première façon
d’opérer : il s’agit de choisir, plus brutalement, dans le carré où se
trouve la plus belle récolte, les plus beaux plants : c’est la sélection
massive.
3° Ne pas rentrer de suite graines et porte-graines en
raison de l’eau qu’ils peuvent renfermer en excès et qui nuirait à leur bonne
conservation : à cet effet, on les laissera sécher assez longtemps à
l’ombre et non au plein soleil. Comme, dans la plupart des cas, ce sont des
inflorescences entières que l’on désire récolter (gousses de pois et de
haricots, capitules de chicorées, de scorsonères, ombelles de carottes,
siliques de choux, radis, navets), on fera sécher ces fruits convenablement
étendus sur des claies ou, à défaut, sur du fin grillage recouvert de papier et
on les suspendra à l’ombre au grenier, ou dans tout autre endroit sec à l’abri
des rongeurs et surtout des oiseaux, qui en sont particulièrement friands.
Dès que ces porte-graines seront bien secs et que les
travaux laisseront quelque loisir, on procédera au décortiquage ou dépiquage
des graines : pour les unes, il suffira de frotter entre les mains les
enveloppes extérieures (capitules et ombelles) ou de procéder à un léger
battage des fruits enfermés dans un petit sac (haricots, pois). Un examen
sérieux des produits obtenus se fera ensuite et, après un nettoyage parfait, on
les rangera dans de petits sacs de toile, dans des boîtes en fer-blanc ou dans
des bocaux de verre, en indiquant bien sur chaque récipient la nature exacte du
produit récolté.
S’il s’agit de graines de fruits (melons, cornichons,
tomates, potirons, etc.), on ne récoltera que sur des produits arrivés à
parfaite maturité. On recueille les pépins soigneusement en enlevant la pulpe
extérieure, on lave sur tamis à grande eau, on procède au séchage des grains
propres et sains que l’on conserve comme précédemment.
4° Il faut éviter les croisements qui donnent des
produits d’hybridation ou de métissage. La proximité de porte-graines de la
même famille (chou Milan et chou d’York, melon et concombre) doit être évitée
pour empêcher le croisement de deux légumes de races ou d’espèces différentes.
Il sera donc nécessaire :
1° de conserver au minimum deux exemplaires de porte-graines
pour éviter une auto-fécondation et obtenir par fécondation croisée des graines
de premier ordre ;
2° de choisir des plants non seulement de qualité parfaite,
mais des sujets qui appartiennent à la même race.
Pratique de la récolte de quelques porte-graines
délicats et coûteux.
1° Asperges.
— Se rappeler que ce légume produit des pieds mâles et
des pieds femelles que nous aurons reconnus au cours de leur végétation ;
nous signalerons par un petit piquet fiché en terre les plus vigoureux, les
plus productifs, les plus précoces ou les plus tardifs selon notre choix. Nous
ne récolterons pas ces quelques pieds et les laisserons venir à graine (baies
rouges contenant de trois à six graines) en les fixant à l’aide d’un tuteur.
Dès l’apparition des baies (couleur verte), coupez nettement
l’extrémité des rameaux pour mieux faire grossir les fruits reproducteurs.
Dès complète maturité (baie rouge), cueillir les baies à la
main en choisissant les plus grosses, les écraser et laver, faire sécher à
l’ombre convenablement et conserver au sec pour utilisation au printemps
prochain.
2° Artichauts.
— Vers la fin septembre, nous détacherons des pieds
mères d’artichauts ayant fourni de beaux produits, des œilletons de grosseur
moyenne, bien pourvus de talon et que nous placerons aussitôt à l’abri du
soleil. Nous utiliserons ensuite des pots (0m,12 de diamètre
environ) remplis de bonne terre franche ou de terre à blé, de préférence un peu
forte. Après le nettoyage des feuilles et du collet, nous planterons un
œilleton par pot en enterrant simplement la portion inférieure du talon que
nous appuierons bien pour le fixer en terre.
Cette petite plantation terminée, il nous faudra arroser
séparément et à fond chaque pot, mais en évitant de mouiller les
feuilles ; puis nous rangerons les pots dans un endroit un peu ombragé (au
pied d’un mur au nord). Nous surveillerons la reprise et arroserons de temps à
autre sans exagération. Un mois après (fin octobre), nos plants seront
suffisamment enracinés et nous les rentrerons en cave lumineuse, ou mieux dans
le coffre d’une couche ; recouvrir du châssis en donnant toujours le plus
d’air possible pendant la journée et en évitant soigneusement que les feuilles
touchent les vitres dans le but d’empêcher toute pourriture.
Ch. BOILEAU.
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