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Le problème du reboisement

L’importance du sol

Nous nous proposons de donner ici, de façon sommaire, quelques indications sur l’importance du facteur sol en matière de reboisement et sur le choix des essences et des méthodes de repeuplements artificiels en fonction des divers types de sol. Nous laisserons provisoirement de côté d’autres questions essentielles telles que : l’action du facteur climat, le choix des semences et la nature du produit ligneux escompté. Nous nous placerons essentiellement dans le cas de boisements de sols nus (landes ou friches), et nous nous bornerons à donner, dans cet article, des indications d’ensemble. Réservons pour de prochains articles l’étude des différents problèmes particuliers.

1° Comment caractériser le sol ?

— Autrefois, on se bornait à classer les sols d’après la base géologique, la « roche mère » : c’est là une indication précieuse, mais incomplète, car des sols de propriétés très différentes peuvent se trouver sur des roches mères semblables et, inversement, des sols analogues sont parfois observés sur des roches mères variées.

Aujourd’hui, on classe plutôt les sols d’après d’autres caractères :

a. LA CLASSIFICATION PÉDOLOGIQUE se base sur la comparaison des différents niveaux d’un même sol. Elle distinguera :

— Les sols bruns forestiers, les plus favorables, de couleur brune et ne présentant que de faibles différences de couleur et de structure entre la surface et la profondeur ; l’humus est un « humus doux », peu acide, à décomposition rapide ;

— Les sols lessivés ou podzoliques, dont la partie superficielle, recouverte d’une couche d’humus acide très noir, est fortement décolorée et appauvrie en bases, en fer, en argile, entraînés en profondeur par les eaux d’infiltration (lessivage) ; la partie profonde est, au contraire, compacte et de couleur rouille (enrichie en argile et en fer).

— Enfin, les rendzines, sols superficiels, alcalins ou neutres, très homogènes, non lessivés, et généralement très riches en calcaire à l’état fin.

b. LA CLASSIFICATION AGROLOGIQUE tient compte surtout du classement des éléments par catégories de grosseurs ; les sols seront comparés d’après leur teneur en éléments grossiers (sables), moyens (limons) et en éléments fins ou colloïdes (argiles, éléments de grosseur inférieure à 2/1.000 de millimètre) ; le taux de calcaire fin aura, bien entendu, une grande importance.

Mais ces indications essentielles sur le degré d’évolution et la composition des sols doivent être complétées par certains renseignements également très utiles : la fertilité, c’est-à-dire la richesse en éléments assimilables par les plantes ; la profondeur, c’est-à-dire l’épaisseur de sol meuble au-dessus de la roche compacte ; enfin, le niveau moyen du plan d’eau (en été et en hiver) présentera une importance considérable pour le reboisement : c’est ainsi que deux sols bruns, moyennement argileux, l’un sur schistes imperméables, l’autre sur un calcaire fissuré, pourront avoir des propriétés très différentes, malgré leur ressemblance apparente : le premier sera caractérisé par un plan d’eau superficiel, le second par l’absence de plan d’eau.

2° Influence du sol sur la vie des espèces de reboisement.

— Certaines espèces sont suffisamment plastiques pour réussir sur presque tous les types de sol ; citons les pins sylvestres (sauf sur les calcaires superficiels), l’aune blanc, le bouleau verruqueux. Mais ces espèces sont peu nombreuses et il y aura avantage, le plus souvent, à s’adresser à des espèces à exigences strictes, mais bien adaptées aux conditions de vie dans le milieu considéré.

Signalons d’abord qu’il existe en général, pour la plupart des espèces forestières, un facteur limitant qui interdit leur usage dans des sols à propriétés particulières ; citons quelques exemples : certaines espèces exigent un sol fertile et profond (par exemple alluvions fraîches) ; ce sont l’hickory, le noyer noir, le frêne ; elles ne seront employées que dans des cas très spéciaux ; d’autres, telles que les peupliers, demandent un sol riche en eau, mais drainé ; les peupliers ne peuvent réussir dans d’autres conditions. Les espèces calcifuges (par exemple le pin maritime) ne doivent pas être plantées sur des sols contenant du calcaire fin, facilement soluble et assimilable ; enfin, d’autres essences fuient l’acidité du sol : c’est le cas du charme et du frêne.

Il faudra encore aller plus loin et s’adresser à des espèces adaptées aux conditions très particulières, en général défavorables, pour une raison ou pour une autre, des sols à reboiser. Ainsi le cèdre, le pin noir d’Autriche, l’aune à feuilles en cœur sont adaptés à la vie dans des sols calcaires secs et superficiels ; le douglas, le pin maritime, le pin laricio de Corse, le chêne rouge d’Amérique conviennent à des sols acides de la catégorie des sols lessivés ou podzoliques ; enfin, pour reboiser les sols humides, compacts, ou à plan d’eau superficiel, il faudra faire appel à des espèces telles que le cyprès chauve, le pin Weymouth, le thuya géant, l’épicéa commun, l’aune glutineux, qui résistent à l’asphyxie des racines.

3° Influence des espèces de reboisement sur les sols.

— Cette influence est indéniable, et elle a été trop souvent méconnue jusqu’ici : trop de reboiseurs se sont exclusivement préoccupés du rendement de leurs plantations, sans se demander si celles-ci n’exerçaient pas sur le sol une influence néfaste, parfois même véritablement dégradante.

Le peuplement, installé artificiellement, exerce sur le sol une triple action :

a. Abaissement du plan d’eau. Cet effet est favorable dans le cas d’un sol compact et mal drainé ; mais il provoque également une recrudescence du lessivage des horizons supérieurs s’ils sont filtrants, donc une véritable acidification superficielle, qui peut accentuer l’effet parfois acidifiant de l’humus (voir ci-dessous).

b. L’ombre portée par le couvert, si elle est dense, peut faire disparaître la végétation d’espèces de lumière qui recouvre le sol : cette action sera très favorable s’il s’agit d’espèces de lande (bruyères) particulièrement acidifiantes ; dans ce cas, il faudra toujours choisir de préférence des espèces à couvert dense (sapin de Nordmann, par exemple ; au contraire, le pin maritime, qui forme des peuplements clairs, ne fera pas disparaître les bruyères).

c. Enfin, l’espèce introduite peut modifier l’état de l’humus du sol par la nature des débris qu’elle produit : certaines espèces, tels les pins (surtout le pin sylvestre) et l’épicéa, donnent un humus très acide qui dégrade le sol sous-jacent, s’il est pauvre en calcaire et perméable. Cet humus acide accélère le lessivage des bases et des colloïdes argileux ; il y a là un réel danger auquel il faut obvier en choisissant des essences de boisement peu acidifiantes pour le sol, ou encore en créant des peuplements mélangés résineux-feuillus, ceux-ci installés de préférence en sous-étage et destinés à maintenir un état d’humus satisfaisant.

Dans de prochains articles, nous donnerons des directives pratiques pour le reboisement des trois grandes catégories de sol :

— les sols calcaires superficiels et secs ;
— les sols siliceux, acides et souvent « lessivés » ;
— enfin, les sols argileux ou mouilleux.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°630 Août 1949 Page 606