A. La loque américaine.
— C’est sans contredit le plus terrible fléau de
l’apiculture ; elle peut décimer des régions entières en peu de temps.
C’est une affection contagieuse, due au Bacillus larvæ, bacille à spores
qui attaque les larves ; celles-ci meurent lorsque les cellules sont
operculées. On reconnaît ce mal en voyant un couvain disséminé au lieu d’être
compact, avec des opercules percés au centre. Les larves atteintes prennent une
teinte sombre, café au lait, et dégagent une odeur de colle forte chauffée. Si
on essaie d’en enlever une morte dans sa cellule, elle s’étire en filaments,
d’où le nom de loque gluante ; c’est cette particularité qui permet de la
différencier de la loque européenne, moins grave.
Comme traitement, il en existe deux : le premier, celui
à conseiller, car il guérit vraiment lorsqu’il est bien effectué, consiste à
transvaser, à l’état d’essaim, la colonie malade dans une ruche vide, où elle
sera laissée deux jours enfermée et mise en frais. Ce laps de temps est
nécessaire pour lui permettre de digérer le miel absorbé qui est infecté par le
Bacillus larvæ.
Après ce jeûne, l’essaim est remis dans une autre ruche
propre, garnie de cire gaufrée. La ruche malade est flambée en la retournant
au-dessus d’un feu de paille, les encoignures passées à la lampe à souder. Le
couvain est brûlé avec les cadres. Si on veut conserver ces derniers, ils sont
passés au four de boulanger jusqu’à ce qu’ils prennent une teinte rousse ;
après quoi, ils sont garnis de cire gaufrée et peuvent servir à nouveau.
Ne traiter que les colonies qui en valent la peine. Celles
qui sont trop affaiblies seront brûlées ou réunies à plusieurs dans une seule
ruche pour les soigner. La meilleure saison pour appliquer ce traitement se
situe au printemps, après la première visite et avant qu’il y ait du miel
nouveau.
Surtout, ne jamais laisser telle quelle, à l’abandon, une
ruche dont les abeilles sont mortes sans que l’on sache pourquoi. Ce peut être
un foyer de contamination pour toute la contrée, cette ruche étant visitée par
les fureteuses, qui apporteront le mal dans leur propre colonie. Les spores du Bacillus
larvæ restent virulents de nombreuses années et résistent aussi bien à la
gelée qu’à l’eau bouillante.
Le deuxième traitement ne guérit pas la loque à proprement
parler, mais empêche le bacille de se reproduire. Il a l’avantage de pouvoir
s’appliquer n’importe quand. Le mieux est donc de le pratiquer en toute autre
saison que le printemps, mais, le moment venu, opérer quand même le double
transvasement indiqué plus haut, pour éviter toute rechute et amener une
guérison véritable.
Ce remède, de la classe des sulfamides, est le sulfathiazol,
appelé aussi thiazomide. Deux méthode peuvent être appliquées :
1° Par un nourrissement au sirop. — Enlever tout
le miel des ruches à traiter qui est infecté. Écraser un gramme de sulfathiazol
pur pour un demi-litre de sirop composé de moitié eau et moitié sucre.
Faire bien attention, et si les comprimés ne sont qu’à 50 p. 100 de sulfathiazol,
doubler la dose pour obtenir la proportion nécessaire de un gramme pur pour un
demi-litre de sirop ; nous insistons sur ce point, car, sans cela, au lieu
de progrès, on risque fort de voir une colonie devenir sulfamido-résistante,
c’est-à-dire qu’à dose trop faible le bacille s’habitue au médicament, qui,
ensuite, n’a plus d’action sur lui, même à doses bien plus élevées. Donc, s’en
tenir exactement aux proportions indiquées, ni plus, ni moins.
Délayer le comprimé dans un peu de sirop et le battre
longuement pour obtenir un mélange homogène ; ajouter ensuite le reste du
sirop en continuant de remuer. Donner tous les huit jours un nourrisseur avec
ce sirop, pendant quatre mois. Au bout de ce laps de temps, toute trace de
loque doit avoir disparu ; on s’en assurera facilement en visitant le couvain,
qui devra être redevenu normal. Pour une colonie assez fortement infectée,
donner chaque fois un litre de sirop avec 2 grammes de sulfathiazol pour
respecter la proportion du mélange.
2° Par pulvérisation à l’alcool. — Dissoudre 10 grammes
de sulfathiazol dans un litre d’alcool ; bien opérer le mélange. À l’aide
d’un pulvérisateur à main, donner deux ou trois coups de chaque côté des cadres
de couvain. Enlever les cadres de miel. Nourrir au sirop sulfamidé. Pulvériser
à nouveau quelques heures plus tard ; après quoi, vous vous assurerez si
votre colonie est sauvée.
Aux U. S. A., on a trouvé une lignée d’abeilles
réfractaires à la loque. Il faut souhaiter que l’espèce en soit multipliée, ce
serait encore la meilleure façon d’être à l’abri de ce danger permanent qui
plane sur nos ruches.
B. La loque européenne.
— Moins grave que la précédente, elle est causée par
divers germes, dont le Bacillus eurydicæ associé au Bacillus alvei,
lequel se développe sur la larve morte.
Cette maladie est plus fréquente au printemps et atteint
surtout les colonies affaiblies. Elle attaque les jeunes larves, qui meurent
généralement avant d’être operculées et prennent une consistance liquide,
tandis que la loque américaine se manifeste après l’operculation. Les larves
prennent une teinte foncée, ne s’étirent pas et s’enlèvent sans difficultés des
alvéoles. Le couvain est disséminé. Certaines des colonies atteintes dégagent
une odeur de putréfaction.
Comme traitement, on préconise le resserrement des colonies,
le changement de reine, la pulvérisation d’hypochlorite de soude à 150 grammes
par litre d’eau, après enfumage, sur les rayons de couvain, qui sont ensuite
secoués et remis en place. Cette médication énergique provoque une grande
ventilation, qui dessèche les larves, lesquelles sont ensuite expulsées au
dehors.
Les essaims trop affaiblis pour être soignés seront détruits
à la mèche soufrée, tout comme pour la loque américaine, et les ruches seront
désinfectées immédiatement.
Enfin, diverses maladies du couvain (mycoses) sont dues à
une mauvaise hygiène de la ruche, et notamment à l’humidité et à un manque
d’aération.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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