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Poissons de surface

Laissant de côté, dans cette causerie, la truite et l’ombre, dont nous avons souvent l’occasion de nous occuper, nous allons mettre en vedettes d’autres poissons plus modestes, mais plus communs que nos deux salmonidés précités.

D’ailleurs, les cours d’eau à truites et ombres sont l’exception, tandis que : ablettes, rotengles, vandoises, chevesnes se trouvent un peu partout.

Il n’est guère de rivières ou étangs qui n’en renferment quelques spécimens. Ils constituent « la blanchaille », terme générique que certains veulent péjoratif, et qui n’est, en réalité, qu’une dénomination populaire, sinon scientifique, de certaines catégories de poissons.

Je reconnais qu’ils ne représentent pas l’élite de la gent aquatique, mais beaucoup de confrères doivent s’en contenter, puisqu’ils sont souvent les seuls représentants de l’espèce dans leur région.

On ne pêche pas que pour la cuisine, le plaisir compte bien aussi, et vous aurez toujours autour de vous des amateurs de friture enchantés de déguster une de vos captures, quelle qu’elle soit, pourvu que ce soit un animal à arêtes ...

J’ai un ami qui fait son régal de l’immonde hotu ...

Nous allons donc essayer de mettre au panier quelques-uns de ces poissons, en leur consacrant quelques lignes (sans jeu de mots).

L’ablette.

— Svelte, rapide et brillante, elle vit en troupes nombreuses dans tous les courants, même assez vifs, à toutes les hauteurs de la nappe d’eau ; mais c’est surtout près de la surface que nous la voyons évoluer.

Elle s’élance comme une flèche sur les plus infimes particules solides qui filent au courant, happant prestement de sa petite bouche celles qui lui conviennent, vivantes ou inertes.

Aussi, l’asticot, la petite mouche de maison (ou l’artificielle) sont-ils saisis avidement. Du haut d’un pont, d’un rocher à pic, on en capture des quantités en faisant sautiller en surface une mouche de maison, piquée sur un hameçon no 16 ou 17 au bout d’un nylon très, très fin.

Dans un courant, une pincée d’asticots mélangée à une poignée de terre friable ou de sciure de bois amènera sur le coup toutes les ablettes des alentours ; en pêchant juste derrière le nuage, vous aurez du succès.

Le soir, au crépuscule, ou par temps orageux, trois ou quatre mouches artificielles no 16, montées sur un bas de ligne excessivement fin, vous procureront de nombreuses prises : mouches grises, noires, rousses, ou noires cerclées argent ou encore, mieux, orange cerclées noir, plume noire, feront merveille pour qui sait manier à peu près convenablement une canne à mouche.

Ce procédé de pêche à l’ablette n’est pas à dédaigner, même pour les « as « de la truite, car il constitue un excellent entraînement au ferrage ; l’attaque est si rapide, si inattendue qu’on est souvent surpris, et que le ferrage arrive trop tard.

En mouche sèche, c’est un sport intéressant, surtout si on tombe sur un banc de ces grosses ablettes dites alburnoïdes.

On la pêche également à la passée avec un asticot, une fourmi ailée, une araignée. De toute façon, la finesse est de rigueur.

Le rotengle.

— Poisson rare en certaines régions, commun en d’autres ; il se pêche comme le gardon, sur amorçage au blé et à l’asticot, mais il prend bien la mouche artificielle flottante de faible taille.

Les mouches à ablettes lui conviennent, surtout la petite noire en barbes de plumes de paon.

Le rechercher, en étang surtout, dans les éclaircies des bancs de nénuphars, de roseaux ou le long des herbiers. Lancer au ras des herbes, très délicatement, et ferrer de même.

Mais, quoi qu’il en soit, on ne pêche pas spécialement le rotengle.

La vandoise.

— Pour les profanes, c’est un « blanc », un chevesne ; c’est une erreur, car elle a le museau pointu et le chevesne a le nez plat ; son surnom régional de « nez pointu » la situe bien dans son clan.

Même pêche que pour l’ablette, mêmes appâts, mêmes mouches, mêmes méthodes ; cependant, pour le pêcheur à la mouche artificielle, il y a un gros succès à espérer.

Elle vit par bandes compactes d’où vous pourrez extirper de nombreux spécimens, en y mettant de la discrétion.

Marchant dans l’eau, ou opérant d’un bateau, vous lancez en éventail, tout autour de vous, sur les ronds ou remous produits par ces jolis poissons, et c’est le plus gourmand ou le plus agile qui se fait prendre.

Veillez bien à ce que votre mouche reste émergée, soit en la graissant, soit en la séchant par de faux lancers.

En péchant « à la bulle », méthode que j’ai décrite dans un numéro précédent, on arrive à faire des hécatombes, ce que je n’approuve d’ailleurs pas, préférant de beaucoup m’en tenir à la pêche classique à la mouche, avec ma petite canne à truites.

Cependant, pour ceux qui auraient du plaisir à remplir de gros paniers, et je n’exagère pas, je dirai d’employer une longue canne de 6 m, légère et nerveuse, un nylon de 15 p. 100, 7 ou 8 mouches no 16, et de lancer dans un léger courant, fil tendu.

Les mouches se noieront, évidemment, mais seront efficaces tout de même ; le terme « se noieront » équivaut, pour les novices, à « couleront ».

Gare à la casse si vous accrochez plusieurs poissons à la fois, ce qui n’est pas rare ; commencez par épuiser le dernier et cueillez les autres au passage ; vous serez souvent obligé, ensuite, de débrouiller une belle perruque.

J’estime que 3 ou 4 mouches suffisent amplement : c’est à vous de voir si votre habileté vous permet des fantaisies.

Le Chevesne.

— C’est un nettoyeur de la rivière ; tout lui est bon, mais, comme nous ne le considérons aujourd’hui que comme poisson de surface, nous dirons que tous les insectes naturels ou artificiels constituent des appâts excellents, réservant un point spécial à la sauterelle verte, morte, ou, ce qui est préférable, bien vivante et non empalée sur l’hameçon. J’ai décrit cette façon d’opérer, antérieurement ; la vibration des pattes bat le rappel aux environs et la sauterelle vit très longtemps.

Les mouches artificielles à chevesnes seront touffues, très fournies en plumes, tels de petits plumeaux, de couleur noire ou rousse ; la recherche de la minutie est inutile avec ce poisson, le plus glouton des entomophages, et, dans le courant, il n’y regarde pas de très près ; en eau calme, c’est différent.

Résumons cette causerie :

Tous les poissons de surface se prennent à la mouche artificielle, en variant la grosseur des modèles ; l’asticot est un bon appât et tous les insectes sont à employer.

Et, pour terminer, un bon conseil : pêchez en remontant le courant, si possible ; les poissons ne vous verront pas, et le ferrage, arrivant en sens inverse de leur position, sera toujours très efficace.

Souvenez-vous aussi que ferrer ne veut pas dire arracher à bout de bras et lancer en l’air un pauvre petit poisson de quelques grammes : une légère secousse du poignet suffit amplement et vous évitera une « casse » brutale sur la grosse pièce qui avait eu la sottise d’avaler votre sauterelle ou votre artificielle.

Marcel LAPOURRÉ.

Le Chasseur Français N°631 Septembre 1949 Page 641