Pour prendre une empreinte nasale (1) dans les
meilleures conditions, il faut, avant tout, procéder avec méthode et rassembler
bien à portée de la main tout ce qui peut vous être nécessaire, car il importe
d’opérer vite. Le chien est, en effet, d’un naturel peu patient et ne doit en
aucun cas pouvoir se lécher la truffe entre les différents temps de
l’opération.
En plus de votre bloc encreur et du papier destiné à
l’impression, vous prendrez un peu de coton hydrophile, quelques feuilles de
bon papier buvard, un peu d’eau bouillie, un peu d’alcool à 90° ; toutes
choses que l’on trouve, n’est-il pas vrai ? dans presque toutes les
maisons, et qu’en tous cas il est bien facile de se procurer.
Si votre chien est par trop mordant, commencez par lui
passer un cordon plat en muselière. Vous ferez un tour sur le museau, assez
près de l’extrémité pour qu’il ferme efficacement la bouche. Serrez un nœud
simple en dessous de la mâchoire inférieure, ramenez les deux chefs en arrière
des oreilles et rassemblez-les par une boucle. Vous pourrez ainsi libérer
l’ensemble rapidement en tirant sur l’extrémité libre de l’un des chefs.
Si votre chien est d’humeur facile, vos doigts de la main
gauche serrés autour de son museau suffiront à le maintenir à condition qu’il
ne puisse s’échapper en reculant.
Placez-vous donc dans un angle si c’est un chien de forte
taille, ou faites-le tenir sur une table s’il est d’un modèle plus
réduit ; vous l’aurez ainsi mieux à votre portée.
Il faut d’abord commencer par bien nettoyer le nez, avec un morceau
de coton imprégné d’eau bouillie. Surtout, n’oubliez pas les narines, car, au
dernier moment, un éternuement intempestif et « substantiel »
risquerait de venir remettre tout en question.
Puis vous procéderez au séchage de la truffe. Ce temps est
très important. On utilise dans ce but du coton hydrophile et, si cela est
nécessaire, on termine avec un bon tampon de papier buvard. Si l’humidité se
renouvelle trop rapidement, touchez la truffe avec un tampon de coton
légèrement imbibé d’alcool à 90°, puis séchez à nouveau et encrez le plus
rapidement possible.
L’encrage nécessite, bien entendu, l’emploi d’une encre
spéciale. Elle doit être étudiée pour permettre la prise d’une empreinte aussi
nette et aussi régulière que possible. Elle doit aussi ne présenter absolument
aucun inconvénient pour le chien : ne pas irriter, ne pas être toxique et
ne pas donner lieu à des émanations susceptibles d’altérer les facultés
olfactives si précieuses de nos chiens de chasse. L’on n’observerait ces
inconvénients que si l’on se livrait à des prises d’empreintes fréquemment
répétées ; néanmoins, ils ont été pris en grande considération et l’on a
pu mettre au point une encre composée d’un corps gras végétal neutre et d’un
carbone très fin. Elle répond parfaitement à tous les desiderata.
Le « bloc encreur » est en gélatine molle. Il peut
donc s’appliquer parfaitement sur la surface irrégulière de la truffe.
Il y dépose l’encre en pellicule mince et régulière, comme
le ferait un cylindre d’imprimerie. S’il y avait trop d’encre, elle
s’insinuerait entre les villosités de la truffe et l’on obtiendrait sur
l’empreinte de larges taches qui la rendraient illisible.
La surface plane du bloc encreur doit être garnie
légèrement, mais régulièrement, à l’aide du rouleau encreur. Vous aurez
avantage à effectuer cette opération d’avance de manière à ne pas perdre de
temps et à ne pas être obligé de lâcher votre chien entre le séchage de la
truffe et la prise de l’empreinte.
La prise de l’empreinte peut s’effectuer directement :
on prend alors une feuille de papier mince et souple que l’on maintient sur la
paume de la main droite avec les quatre doigts repliés. Le pouce doit rester
étendu, libre, car c’est la partie charnue de sa base (éminence thénar) qui va
servir à presser la feuille de papier sur la truffe. Prenez plusieurs
empreintes. La première est généralement trop grasse. La deuxième est presque
toujours bonne ; les autres de plus en plus faibles.
Avec ce procédé, vous devrez choisir votre papier. Les
papiers bulle assez épais, sur lesquels sont établis les pedigrees officiels,
ne s’y prêtent pas, mais vous pouvez alors utiliser le procédé indirect que
voici :
Après encrage, prenez une première empreinte directe. Cela
enlèvera l’excès d’encre. Retournez votre bloc encreur et appliquez sa surface
bombée sur la truffe, appuyez moins fort qu’avec le papier et opérez aussi
rapidement que possible. Vous reporterez ensuite l’empreinte sur le papier
comme s’il s’agissait d’une polycopie.
Les empreintes obtenues par ces deux procédés sont identiques
ou symétriques ; mais, de toute façon, elles sont comparables. Il sera bon
néanmoins d’indiquer par une lettre le procédé employé.
Il ne faut pas croire que l’empreinte nasale soit la
représentation intégrale de la truffe du chien. Elle est toujours plus ou moins
déformée. La pression inégale exercée par la main, la flexibilité des narines
et quelquefois même l’état de santé du chien en sont la cause. Il arrive aussi,
mais rarement, qu’un accident vienne en modifier les contours. Cependant, jusqu’à
l’âge le plus avancé, deux empreintes du même sujet présentent des points
communs qui permettent toujours d’en vérifier l’identité. Elles restent semblables
(à la dimension près) pendant toute la durée de l’existence du chien, et la
lecture en est toujours facile à partir de deux mois. Par suite de la
croissance, l’empreinte s’agrandit dans toutes ses dimensions, mais les
rapports entre les taches et les lignes qu’elle comporte restent les mêmes.
C’est pourquoi la lecture ou la comparaison des empreintes n’est effectuée que
d’après les rapports et l’aspect général de ces taches (macules) et des lignes
sillons qui séparent ces taches.
Il existe à ce sujet des règles suffisamment précises pour
permettre sans erreur la comparaison des empreintes. Ces règles permettent
aussi leur classement en catégories et, par conséquent, la constitution de
fichiers d’identification qui permettent des recherches rapides. L’énoncé et la
discussion de ces règles dépasseraient très largement le cadre de cet article.
Je citerai donc seulement pour terminer les points principaux qui sont utilisés
dans ce but.
C’est d’abord la forme générale de l’empreinte qui est
examinée. Puis l’on considère l’aspect du sillon médian et l’aspect des lignes
secondaires qui partent de ce sillon. Ces lignes peuvent être entières,
tronquées ou ramifiées. Il faut savoir aussi que, dans le très jeune âge, ces
lignes secondaires ne sont généralement qu’amorcées, mais que l’angle qu’elles
forment avec le sillon médian est toujours constant de la naissance à l’âge
adulte. Les taches ou macules sont examinées à leur tour. Elles doivent
présenter des identités de position, de forme, d’orientation, et de voisinage.
Enfin certaines d’entre elles servent de « taches repères » et
permettent d’établir ce que l’on appelle la preuve du triangle.
On ne peut désirer un procédé d’identification plus précis
et il est grandement souhaitable qu’il soit largement employé.
J’espère que tous les éleveurs sérieux comprendront qu’il
est de leur intérêt de le mettre en pratique. Point n’est besoin pour cela
d’attendre qu’il ait revêtu un caractère officiel que d’aucuns s’opposeront
peut-être, pour des fins assez obscures, à lui voir conférer. L’apposition de
l’empreinte nasale sur un pedigree n’a-t-elle pas, du fait même qu’elle n’est
pas obligatoire, une signification morale suffisante ? Elle reflète dans
ces conditions le vif désir d’apporter un maximum de précision dans les
garanties données par le certificat d’origine, et le désir aussi que sa
sincérité soit à tous moments vérifiable. Par cela même, elle contribuera
grandement à empêcher les substitutions de pedigrees, trop fréquentes,
hélas ! Le producteur d’un chien n’en est presque jamais responsable. Il
les redoute, au contraire, et s’ingénie à les dépister, trop souvent sans
succès, car il sait qu’elles risquent de ruiner par la multiplication d’une
fausse descendance la réputation de ses grands géniteurs.
Par le même processus, ces substitutions peuvent mettre en
péril l’avenir de toute une race et détruire ainsi les efforts conjugués des
éleveurs et de tous les groupements canins.
Il est donc, je le répète, infiniment souhaitable de voir
utiliser ce procédé d’identification par le plus grand nombre, dans l’intérêt
de tous ceux qui cherchent de bonne foi l’amélioration des races canines.
Dr P. AUBRY,
Vétérinaire spécialiste.
(1) Voir Le Chasseur Français de septembre 1949.
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