Accueil  > Années 1948 et 1949  > N°632 Octobre 1949  > Page 687 Tous droits réservés


Le « CHASSEUR FRANÇAIS » sollicite la collaboration de ses abonnés
et se fait un plaisir de publier les articles intéressants qui lui sont adressés.

Empreinte nasale du chien

Pour prendre une empreinte nasale (1) dans les meilleures conditions, il faut, avant tout, procéder avec méthode et rassembler bien à portée de la main tout ce qui peut vous être nécessaire, car il importe d’opérer vite. Le chien est, en effet, d’un naturel peu patient et ne doit en aucun cas pouvoir se lécher la truffe entre les différents temps de l’opération.

En plus de votre bloc encreur et du papier destiné à l’impression, vous prendrez un peu de coton hydrophile, quelques feuilles de bon papier buvard, un peu d’eau bouillie, un peu d’alcool à 90° ; toutes choses que l’on trouve, n’est-il pas vrai ? dans presque toutes les maisons, et qu’en tous cas il est bien facile de se procurer.

Si votre chien est par trop mordant, commencez par lui passer un cordon plat en muselière. Vous ferez un tour sur le museau, assez près de l’extrémité pour qu’il ferme efficacement la bouche. Serrez un nœud simple en dessous de la mâchoire inférieure, ramenez les deux chefs en arrière des oreilles et rassemblez-les par une boucle. Vous pourrez ainsi libérer l’ensemble rapidement en tirant sur l’extrémité libre de l’un des chefs.

Si votre chien est d’humeur facile, vos doigts de la main gauche serrés autour de son museau suffiront à le maintenir à condition qu’il ne puisse s’échapper en reculant.

Placez-vous donc dans un angle si c’est un chien de forte taille, ou faites-le tenir sur une table s’il est d’un modèle plus réduit ; vous l’aurez ainsi mieux à votre portée.

Il faut d’abord commencer par bien nettoyer le nez, avec un morceau de coton imprégné d’eau bouillie. Surtout, n’oubliez pas les narines, car, au dernier moment, un éternuement intempestif et « substantiel » risquerait de venir remettre tout en question.

Puis vous procéderez au séchage de la truffe. Ce temps est très important. On utilise dans ce but du coton hydrophile et, si cela est nécessaire, on termine avec un bon tampon de papier buvard. Si l’humidité se renouvelle trop rapidement, touchez la truffe avec un tampon de coton légèrement imbibé d’alcool à 90°, puis séchez à nouveau et encrez le plus rapidement possible.

L’encrage nécessite, bien entendu, l’emploi d’une encre spéciale. Elle doit être étudiée pour permettre la prise d’une empreinte aussi nette et aussi régulière que possible. Elle doit aussi ne présenter absolument aucun inconvénient pour le chien : ne pas irriter, ne pas être toxique et ne pas donner lieu à des émanations susceptibles d’altérer les facultés olfactives si précieuses de nos chiens de chasse. L’on n’observerait ces inconvénients que si l’on se livrait à des prises d’empreintes fréquemment répétées ; néanmoins, ils ont été pris en grande considération et l’on a pu mettre au point une encre composée d’un corps gras végétal neutre et d’un carbone très fin. Elle répond parfaitement à tous les desiderata.

Le « bloc encreur » est en gélatine molle. Il peut donc s’appliquer parfaitement sur la surface irrégulière de la truffe.

Il y dépose l’encre en pellicule mince et régulière, comme le ferait un cylindre d’imprimerie. S’il y avait trop d’encre, elle s’insinuerait entre les villosités de la truffe et l’on obtiendrait sur l’empreinte de larges taches qui la rendraient illisible.

La surface plane du bloc encreur doit être garnie légèrement, mais régulièrement, à l’aide du rouleau encreur. Vous aurez avantage à effectuer cette opération d’avance de manière à ne pas perdre de temps et à ne pas être obligé de lâcher votre chien entre le séchage de la truffe et la prise de l’empreinte.

La prise de l’empreinte peut s’effectuer directement : on prend alors une feuille de papier mince et souple que l’on maintient sur la paume de la main droite avec les quatre doigts repliés. Le pouce doit rester étendu, libre, car c’est la partie charnue de sa base (éminence thénar) qui va servir à presser la feuille de papier sur la truffe. Prenez plusieurs empreintes. La première est généralement trop grasse. La deuxième est presque toujours bonne ; les autres de plus en plus faibles.

Avec ce procédé, vous devrez choisir votre papier. Les papiers bulle assez épais, sur lesquels sont établis les pedigrees officiels, ne s’y prêtent pas, mais vous pouvez alors utiliser le procédé indirect que voici :

Après encrage, prenez une première empreinte directe. Cela enlèvera l’excès d’encre. Retournez votre bloc encreur et appliquez sa surface bombée sur la truffe, appuyez moins fort qu’avec le papier et opérez aussi rapidement que possible. Vous reporterez ensuite l’empreinte sur le papier comme s’il s’agissait d’une polycopie.

Les empreintes obtenues par ces deux procédés sont identiques ou symétriques ; mais, de toute façon, elles sont comparables. Il sera bon néanmoins d’indiquer par une lettre le procédé employé.

Il ne faut pas croire que l’empreinte nasale soit la représentation intégrale de la truffe du chien. Elle est toujours plus ou moins déformée. La pression inégale exercée par la main, la flexibilité des narines et quelquefois même l’état de santé du chien en sont la cause. Il arrive aussi, mais rarement, qu’un accident vienne en modifier les contours. Cependant, jusqu’à l’âge le plus avancé, deux empreintes du même sujet présentent des points communs qui permettent toujours d’en vérifier l’identité. Elles restent semblables (à la dimension près) pendant toute la durée de l’existence du chien, et la lecture en est toujours facile à partir de deux mois. Par suite de la croissance, l’empreinte s’agrandit dans toutes ses dimensions, mais les rapports entre les taches et les lignes qu’elle comporte restent les mêmes. C’est pourquoi la lecture ou la comparaison des empreintes n’est effectuée que d’après les rapports et l’aspect général de ces taches (macules) et des lignes sillons qui séparent ces taches.

Il existe à ce sujet des règles suffisamment précises pour permettre sans erreur la comparaison des empreintes. Ces règles permettent aussi leur classement en catégories et, par conséquent, la constitution de fichiers d’identification qui permettent des recherches rapides. L’énoncé et la discussion de ces règles dépasseraient très largement le cadre de cet article. Je citerai donc seulement pour terminer les points principaux qui sont utilisés dans ce but.

C’est d’abord la forme générale de l’empreinte qui est examinée. Puis l’on considère l’aspect du sillon médian et l’aspect des lignes secondaires qui partent de ce sillon. Ces lignes peuvent être entières, tronquées ou ramifiées. Il faut savoir aussi que, dans le très jeune âge, ces lignes secondaires ne sont généralement qu’amorcées, mais que l’angle qu’elles forment avec le sillon médian est toujours constant de la naissance à l’âge adulte. Les taches ou macules sont examinées à leur tour. Elles doivent présenter des identités de position, de forme, d’orientation, et de voisinage. Enfin certaines d’entre elles servent de « taches repères » et permettent d’établir ce que l’on appelle la preuve du triangle.

On ne peut désirer un procédé d’identification plus précis et il est grandement souhaitable qu’il soit largement employé.

J’espère que tous les éleveurs sérieux comprendront qu’il est de leur intérêt de le mettre en pratique. Point n’est besoin pour cela d’attendre qu’il ait revêtu un caractère officiel que d’aucuns s’opposeront peut-être, pour des fins assez obscures, à lui voir conférer. L’apposition de l’empreinte nasale sur un pedigree n’a-t-elle pas, du fait même qu’elle n’est pas obligatoire, une signification morale suffisante ? Elle reflète dans ces conditions le vif désir d’apporter un maximum de précision dans les garanties données par le certificat d’origine, et le désir aussi que sa sincérité soit à tous moments vérifiable. Par cela même, elle contribuera grandement à empêcher les substitutions de pedigrees, trop fréquentes, hélas ! Le producteur d’un chien n’en est presque jamais responsable. Il les redoute, au contraire, et s’ingénie à les dépister, trop souvent sans succès, car il sait qu’elles risquent de ruiner par la multiplication d’une fausse descendance la réputation de ses grands géniteurs.

Par le même processus, ces substitutions peuvent mettre en péril l’avenir de toute une race et détruire ainsi les efforts conjugués des éleveurs et de tous les groupements canins.

Il est donc, je le répète, infiniment souhaitable de voir utiliser ce procédé d’identification par le plus grand nombre, dans l’intérêt de tous ceux qui cherchent de bonne foi l’amélioration des races canines.

Dr P. AUBRY,

Vétérinaire spécialiste.

(1) Voir Le Chasseur Français de septembre 1949.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 687