Les réseaux souterrains que les spéléologues ont pour but
d’explorer ayant été creusés par dissolution, puis par action mécanique de
l’eau sur les terrains calcaires, il en résulte que chaque grotte, chaque
gouffre, chaque rivière souterraine n’est en réalité qu’une portion d’un réseau
complet.
Ce réseau peut être actif, c’est-à-dire en cours de
creusement et parcouru encore par l’eau, ou fossile, si l’eau a abandonné les
galeries qu’elle a creusées au profit de fissures plus profondes. Le genre
d’obstacles rencontrés au cours de l’exploration sera très différent suivant
que l’on a affaire à un réseau actif ou fossile.
Une exploration comprendra toujours deux parties :
d’abord le parcours des galeries ou puits directement pénétrables, ensuite
l’examen des obstacles qui arrêtent la progression humaine et l’étude des
moyens et du matériel nécessaires pour vaincre ces obstacles.
Galeries et puits fossiles.
— L’exploration du type le plus simple est celle des
grottes horizontales ou faiblement inclinées, dont le parcours ne présente pas
plus de difficultés qu’une promenade en terrain varié en montagne. Un peu
d’escalade, quelques descentes à l’aide d’une corde, des passages plus ou moins
étroits où l’on sera obligé de progresser à plat ventre, et c’est tout.
La descente des gouffres demande déjà un matériel et une
technique plus étudiés. Les premiers explorateurs utilisaient de lourdes
échelles de corde à barreaux de bois, encombrantes et difficilement maniables.
Le matériel actuel, mis au point par Robert de Joly, président de la
Société spéléologique de France, est constitué par des échelles entièrement
métalliques beaucoup plus légères. Les montants sont en câble d’acier très
souple de 2 à 3 millimètres de diamètre. Les barreaux, distants de 30 à 35 centimètres,
sont en tubes de duralumin ou d’électron (alliage magnésium-aluminium). Le
poids varie de 500 à 1.500 grammes pour un élément d’échelle de 10 mètres.
L’amarrage des échelles peut s’effectuer soit directement
sur un bec rocheux, soit comme en montagne, à l’aide de pitons enfoncés dans
une fissure de la roche. Le spéléologue descend « assuré »,
c’est-à-dire tenu à la corde par ses camarades.
Dans certains cas, lorsque le gouffre présente un ressaut
très important, et que les conditions s’y prêtent, on peut employer un treuil,
ce qui nécessite une équipe de surface plus importante, mais diminue
considérablement la fatigue de l’explorateur.
Rivières souterraines et puits arrosés.
— Ce que nous venons de voir se rapporte aux réseaux
fossiles. Si le réseau est encore en activité, l’eau augmente considérablement
les difficultés de l’exploration. En galerie, elle formera des bassins plus ou
moins profonds, et on devra recourir aux bateaux pneumatiques, dont on trouve,
dans le commerce, des modèles légers et robustes, monoplaces ou biplaces. Bien
souvent, les embarquements et débarquements seront délicats, et les
« dessalages » sont fréquents.
Les rivières à fort débit présentent en général trop
d’obstacles pour être remontables, soit par suite du courant trop fort, soit à
cause des ressauts, rapides ou cascades pratiquement infranchissables.
Les gouffres arrosés, tels qu’on les rencontre dans les
grands réseaux souterrains de montagne, sont l’un des plus pénibles obstacles
de l’exploration souterraine. Au gouffre de la Henne-Morte, ils ont demandé la
mise au point difficile d’un treuil avec nacelle protégée contre la cascade,
qui a nécessité plusieurs jours de travail à 250 mètres de profondeur.
Escalades souterraines.
— Nous n’avons examiné jusqu’ici que les parcours en
descente. En cours d’exploration, on peut se trouver devant un mur vertical, ou
à la base d’un puits élevé. L’escalade telle qu’on la pratique en haute
montagne, même à l’aide de pitons, est ici irréalisable, les parois sont
lisses, les prises inexistantes, les fissures arrondies par l’eau.
Casteret à la grotte de la Cigalère, puis le Spéléo-Club de
Lyon à la Dent de Crolles ont employé un mât démontable pour venir à bout de
tels obstacles. Le premier parvint à surmonter ainsi des cascades de dix
mètres. Les seconds, utilisant le mât comme support pour les échelles souples,
ont pu escalader des puits surplombants de 16 à 18 mètres de
hauteur ; c’est grâce à l’emploi du mât démontable qu’ils ont réussi à
remonter du Trou du Glaz jusqu’au plateau de la Dent de Crolles, soit une
remontée totale de 270 mètres en dénivellation, comportant l’escalade, par
ressauts successifs, d’un puits arrosé d’une hauteur totale de 100 mètres.
Ce mât est composé de tronçons de tube de chaudière de 1 mètre
de longueur, se raccordant par simple coincement avec raccords coniques.
Dans notre prochain article, nous examinerons les obstacles
principaux qui terminent les grottes ou les gouffres, et le moyen de les
surmonter.
P. CHEVALIER.
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