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Du droit des enfants

à la succession de leurs père et mère

Lorsque des enfants perdent leur père ou leur mère, ils viennent à sa succession.

Leur droit successoral varie suivant qu’il s’agit d’enfants légitimes ou d’enfants naturels et suivant que le défunt a disposé ou non de ses biens.

I. — Des enfants légitimes.

1° Le défunt n’a pas disposé de ses biens.

— Il arrive souvent que le père ou la mère de famille meurt sans avoir disposé de ses biens, c’est-à-dire sans avoir fait de testament ou de donation pour attribuer son patrimoine.

Dans ce cas, la dévolution de ses biens est réglée uniquement par les dispositions du Code civil.

Priorité des enfants.

— L’article 731 du Code civil disposé d’abord que : « Les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants et à ses parents collatéraux, dans l’ordre. »

Ainsi, d’après cet article, les enfants sont les héritiers qui viennent d’abord exclusivement à la succession de leurs père et mère. Ils priment tous les autres parents du défunt.

Lorsqu’un ou plusieurs enfants meurent avant leur père ou leur mère, leur part à la succession de ces derniers accroît celle des autres enfants, à moins qu’ils n’aient eux-mêmes des enfants vivants.

Supposons, par exemple, quatre enfants, A, B, C, D, dont l’un, D, vient à mourir avant son père. Dans ce cas, au décès du père, la part qu’aurait reçue D, s’il avait été vivant, sur la succession du défunt, revient aux autres héritiers, c’est-à-dire à ses frères et sœurs. Mais si l’enfant D laisse à la mort de son père des enfants, ces derniers viennent à la succession de leur grand-père, par représentation de leur père prédécédé, et reçoivent la part qui aurait été attribuée à leur père s’il avait survécu.

Égalité des parts.

— Les enfants ainsi appelés à la succession de leurs père et mère héritent par parts égales. L’article 745 du Code civil pose ce principe de l’égalité des parts.

Il dispose que : « Les enfants succèdent par égales portions et par tête quand ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef ; ils succèdent par souche lorsqu’ils viennent tous ou en partie par représentation. »

Soit un père de famille qui laisse, à son décès, un patrimoine de 3 millions de francs et quatre enfants vivants. Chacun de ses enfants recevra une part de 750.000 francs. Mais si l’un des enfants est mort avant son père en laissant trois enfants, ceux-ci recevront la part qui serait revenue à leur père prédécédé, qui sera partagée entre eux par parts égales, soit 250.000 francs pour chacun.

Usufruit du conjoint survivant.

— Le principe énoncé ci-dessus, à savoir que la succession du père ou de la mère de famille mort sans avoir fait de testament ou de donation revient intégralement à ses enfants vivants ou représentés comporte une atténuation au profit du conjoint survivant.

Celui-ci a droit sur la succession de l’époux prédécédé, en vertu de l’article 767 du Code civil, à une part en usufruit qui est du quart de la succession, quel que soit le nombre d’enfants laissés par le défunt.

2° Le défunt a disposé de ses biens.

— Mais le défunt a pu, par donation ou par testament, disposer de ses biens.

Dans quelle mesure lui était-il permis d’en disposer, c’est-à-dire de ne pas tenir compte des dispositions précitées du Code civil ?

a. Il est possible à un père ou à une mère de famille de laisser à ses enfants la totalité de son héritage et de priver ainsi son conjoint de l’usufruit légal du quart de la succession auquel il pouvait prétendre sans cela en vertu de l’article 767 du Code civil.

b. Inversement un père ou une mère de famille peut légalement priver dans une certaine mesure un ou plusieurs de ses enfants d’une part de son patrimoine.

Ce droit de disposition des époux résulte des articles 913 et 1094 du Code civil.

L’article 913 est ainsi conçu : « Les libéralités soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant s’il ne laisse à son décès qu’un enfant légitime, le tiers s’il laisse deux enfants, le quart s’il en laisse trois ou un plus grand nombre. »

Autrement dit, la part minima, que l’on appelle « réservée », à laquelle peuvent prétendre les enfants sur les biens de leurs parents est de la moitié de la succession s’il n’y a qu’un enfant vivant ou représenté, des deux tiers s’il y a deux enfants, des trois quarts s’il y a trois enfants ou plus. Cette réserve se répartit entre eux par portions égales.

De la quotité disponible le défunt a pu valablement disposer comme il l’entendait au profit d’un ou plusieurs de ses enfants ou de personnes même étrangères à la famille ou de son conjoint, sous réserve, dans ce dernier cas, de la limite apportée à son droit par les articles 1094 et 1098 du Code civil.

L’article 1094 dispose que, « pour le cas où l’époux donateur laisserait des enfants ou descendants, il pourra donner à l’autre époux ou un quart en propriété et un autre quart en usufruit, ou la moitié de tous ses biens en usufruit seulement ».

Si le défunt s’était remarié et a des enfants de son premier mariage, il ne peut, aux termes de l’article 1098, laisser à son nouvel époux qu’une part d’enfant légitime le moins prenant sans pouvoir dépasser le quart de ses biens.

II. — Des enfants naturels reconnus.

Pour que les enfants naturels puissent venir à la succession de leurs père ou mère décédé, il faut qu’ils aient été reconnus par le défunt. Lorsque celui-ci n’a pas fait de donation ou de testament, la qualité du droit de l’enfant naturel reconnu varie suivant qu’il vient en concours avec des enfants légitimes du défunt, avec des collatéraux privilégiés ou des ascendants, avec des collatéraux ordinaires (articles 758 à 760).

En concours avec des enfants légitimes du défunt (c’est le seul cas que nous examinons), les enfants naturels reconnus n’ont droit qu’à la moitié de la part d’un enfant légitime (article 758 du Code civil).

Le droit d’un enfant naturel à la succession de son père ou de sa mère décédé sans avoir fait de donation ou de testament sera donc d’un quart de la succession s’il y a un enfant légitime, d’un sixième s’il y a deux enfants légitimes, d’une huitième s’il y a trois enfants légitimes.

Si le défunt a voulu désavantager un enfant naturel reconnu, c’est-à-dire lui laisser une part inférieure à celle fixée par l’article 758 précité, dans quelle mesure peut-il le faire ?

Cette portion de succession, c’est-à-dire cette part réservataire qui doit lui être attribuée, varie suivant le degré de parenté que les héritiers ont avec le défunt.

Quand celui-ci laisse des enfants légitimes, la part réservataire de l’enfant naturel reconnu est de la moitié de celle d’un enfant légitime. Cette réserve est donc d’un sixième de la succession s’il y a un enfant légitime, d’un huitième s’il y a deux enfants légitimes.

III — Enfants adoptés et adultérins.

En vertu de l’article 356 du Code civil, les enfants adoptés et leurs descendants légitimes ont, sur la succession de l’adoptant, les mêmes droits que les enfants ou descendants légitimes.

Les enfants adultérins ou incestueux n’ont aucun droit successoral sur les biens de leurs père et mère. Ils ne peuvent réclamer que des aliments.

OBSERVATION.

— Les droits de succession, qui avaient été modifiés par le décret du 9 décembre 1948, viennent d’être à nouveau modifiés par un texte de loi qui n’est pas encore promulgué au moment où ces lignes sont écrites.

L. CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°632 Octobre 1949 Page 710