Pour la plupart des automobilistes, la batterie
d’accumulateurs demeure l’organe le plus délicat et le plus
« susceptible » de la voiture. L’accumulateur au plomb, dû au
génie du Français Planté, n’a pratiquement été détrôné par aucun autre système
électrochimique. L’accumulateur « basique », très coûteux, paraît
réservé à l’aviation ; l’accumulateur colloïdal à l’argent est surtout
riche de promesses.
Pour donner son plein rendement, une batterie au plomb
devrait être chargée ou déchargée en dix heures au moins ; elle ne devrait
donc jamais servir pour actionner le démarreur ! La charge doit être
obligatoirement effectuée au garage durant la nuit ou lors d’une immobilisation
occasionnelle du véhicule. L’intensité doit demeurer modérée, sous peine de
faire « foisonner » les précieuses « matières actives » et,
finalement, de détruire les plaques positives de la batterie.
Principe de la « charge rapide ».
— Est-il donc impossible de soumettre une batterie à un
courant de recharge très intense, sans compromettre sa
« santé » ? Très certainement, à la condition de respecter la
consigne suivante : la batterie peut supporter un courant dont
l’intensité, chiffrée en ampères, est égale au nombre d’ampères-heure restant à
lui fournir pour qu’elle soit complètement chargée.
Voici, par exemple, une batterie qui réclame 100 ampères-heure.
Nous allons la charger à 100 ampères pour commencer, puis, lorsqu’elle
aura reçu 5 ampères-heure, c’est-à-dire au bout de trois minutes, nous
réduirons le courant à 95 ampères, et ainsi de suite.
Sous cette forme, la méthode serait inapplicable, car le
garagiste a évidemment autre chose à faire que de venir tourner le bouton
toutes les trois minutes ! Mais il se trouve, fort heureusement, que la
méthode de charge « à potentiel constant », qui n’exige aucun réglage
intermédiaire, correspond à peu près à la consigne ci-dessus. C’est là ce qui a
si largement favorisé l’emploi de la méthode.
En somme, on peut charger très rapidement une batterie au
commencement, durant les vingt ou trente minutes que dure la réparation
d’une roue, par exemple, sans que l’on ait à craindre d’échauffement ni de
violent dégagement gazeux, mettant en péril les précieuses plaques positives.
Quand la batterie sera aux deux tiers chargée, la dynamo de la voiture fournira
le dernier tiers sans rechigner.
Les installations de « quick charger ».
— Il faut avouer que si le « chargeur
rapide » s’est largement développé aux États-Unis, c’est pour des raisons ...
psychologiques. Le client américain est infiniment moins soigneux de sa voiture
que le conducteur français. Là-bas, on voit couramment un conducteur abandonner
sa voiture au garage tous feux allumés ; on l’entend faire marcher sa
radio à l’arrêt ; il n’hésitera pas, le cas échéant, à allumer son chauffage
de voiture, également à l’arrêt, tirant une redoutable lettre de change sur la
charge de ses accus !
Quant au départ à froid pénible — il y en a
encore ! — c’est un massacre ! Prenant sa voiture par moins 20°,
le conducteur appuiera sur le démarreur jusqu’à ce que mort s’ensuive !
Le chargeur rapide de secours est donc, en Amérique, une
nécessité. Mais c’est un engin différent du chargeur normal, qui conserve sa
place dans les garages. Le conducteur français, lui, est moins fastueux, mais
plus soigneux que son confrère d’outre-Atlantique ; il n’a pas, en
général, de radio de bord, ni de chauffage électrique ... Mais il n’a pas
non plus une dynamo suffisamment puissante. De là des ennuis que peuvent
précisément alléger les nouveaux systèmes de charge rapide. Avez-vous un
graissage, une vidange ou une réparation minime en perspective ? Tandis
que vous irez faire un tour de promenade et pendant que les techniciens
opéreront, le chargeur rapide accomplira sa besogne avec célérité et précision.
Des techniciens consciencieux.
— Tout ceci, évidemment, à la condition que l’appareil
soit bien équipé, bien réglé et conduit avec une conscience professionnelle
irréprochable, sans quoi, comme tout engin puissant, il fera plus de mal que de
bien !
Le préposé au chargeur doit mesurer la densité de
l’électrolyte de tous les bacs, ainsi que sa température, car la
déficience d’un seul bac compromettrait la recharge de tout l’ensemble. Il doit
également surveiller l’aiguille de l’ampèremètre dans les premiers instants de
la charge et surseoir à la charge de tous les éléments sulfatés, avariés ou qui
commenceraient à chauffer. Le courant sera coupé automatiquement soit par une
horloge à contacts soigneusement réglée, soit, mieux, par un thermomètre
interrupteur spécial en relation avec l’électrolyte de l’un des bacs.
Moyennant ces quelques précautions qui n’ont rien
d’excessif, la recharge rapide n’offre aucun inconvénient ; elle permet de
recharger une batterie de 90 ampères-heure, entièrement déchargée au
démarreur à 180 ampères, en un temps qui varie de vingt à cinquante
minutes suivant l’état des éléments. Ce sont là des chiffres extrêmement
intéressants et entièrement nouveaux dans la technique de l’électricité
automobile.
Pierre DEVAUX.
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