On commence à se rendre compte dans le monde des chasseurs
que, pour avoir du gibier en abondance, il y a un certain nombre de mesures à
prendre sans lesquelles on ne peut arriver à un résultat.
Ce n’est pas, en effet, en diminuant seulement les causes de
destruction que l’on aura des chasses abondantes. Certes, ce sera déjà un
premier résultat que d’empêcher les ennemis du gibier de prélever une part
importante sur le fonds de reproduction, mais ce serait insuffisant pour
ramener la prospérité d’antan.
N’oublions pas que les chasseurs n’ont jamais été aussi
nombreux que de nos jours et, pour donner satisfaction à dix-huit cent mille
porteurs de permis, il faudrait multiplier au moins par cinquante le gibier
qu’il y avait sur le territoire français, à l’époque où fut faite la loi du 3 mai
1844 sous laquelle (avec quelques modifications) nous vivons encore
actuellement.
Si donc nous approuvons tous les efforts faits en vue de
détruire les ennemis de nos chasses, nous pensons qu’il y aurait encore mieux à
faire, comme nous l’expliquerons plus loin.
Toutefois, comme il convient de signaler et de féliciter les
organisateurs de destructions en masse, en vue du premier effort à faire pour
diminuer le nombre des déprédateurs sur les chasses, nous signalerons en premier
lieu quelques beaux résultats.
C’est ainsi que nous avons appris que les gardes de la
Fédération départementale des chasseurs de Loire-Inférieure avaient, au cours
des années 1947-1948 et jusqu’en juin 1949, mis à mort ou détruit un total de
196.430 animaux et oiseaux nuisibles (ou œufs de ces derniers), ce qui est à la
vérité un chiffre impressionnant.
Que l’on se représente les 90 départements français
travaillant de la sorte et intensifiant leurs efforts chaque année, et l’on
pourra affirmer qu’un grand pas aura été fait en vue de l’augmentation du
gibier.
Nous sommes au regret cependant de constater dans ce tableau
que les chats ne figurent qu’au nombre de 13 en 1947, 14 en 1948 et 15 en 1949.
Nous voulons croire que tous n’ont pas été déclarés et qu’on en a tué beaucoup
plus. Il y a en effet, par toute la France, une véritable épidémie de chats et
nous n’en voulons pour preuve que le fait suivant.
Nous étions en Haute-Vienne le 4 septembre dernier,
lors de l’ouverture de la chasse dans un département voisin, la Creuse, et avec
des amis nous allâmes dans ce département où l’on pouvait se livrer au plaisir
de la chasse huit jours plus tôt.
Pour être sur les lieux à l’heure légale, nous partîmes
avant le jour et rencontrâmes sur la route au moins une vingtaine de chats dont
les yeux brillaient dans la nuit.
On leur a donné le nom spécial de « chat-haret »,
car ce ne sont pas des chats sauvages qui, eux aussi, sont bien mauvais, mais
se font plus rares ; ce sont des chats domestiques qui, du jour où ils ont
goûté aux oiseaux ou au gibier, ne rentrent plus à la maison, mais terminent
leur existence sur les chasses où ils causent beaucoup de dégâts.
Une autre Fédération de chasseurs nous a aussi donné ses
chiffres pour 1948, c’est celle de l’Aisne où le total s’élève à 13.796 animaux
et oiseaux nuisibles détruits.
Là, on signale plus particulièrement une destruction
importante de pies, puisqu’au cours de l’hiver 1948-1949 il en a été tué 4.412.
Cette Fédération, très avisée sur les dégâts que commettent
ces oiseaux, donne du reste une prime de 30 francs par pie tuée, sur
présentation des deux pattes et du bec complet.
Enfin beaucoup de Fédérations ouvrent des concours de
destruction et nous avons sous les yeux celui de la Haute-Vienne qui, commencé
le jour de l’ouverture (11 septembre 1949), sera fermé le 8 janvier 1950 au soir.
Ce concours comprend trois séries. La première est ouverte à
tous les chasseurs du département ; la deuxième est pour les chasseurs
inscrits à une société fédérée et la troisième est pour les sociétés en règle
avec l’Amicale des présidents des sociétés communales de chasse.
Des points sont donnés par genre de pièces abattues :
geai, 1 point ; pie, 2 ; corbeau, 3 ; rapace, 10 ;
putois, fouine, belette, hermine, 15 ; blaireau, 17 ; renard, 20. Le
classement se fera en totalisant les points.
Des prix seront attribués et leur importance variera de 500 francs
(individuel) à 10.000 francs (sociétés).
Voilà de l’excellent travail dont on ne peut que féliciter les organisateurs.
Mais nous avons dit qu’à notre avis ces efforts ne sont pas
suffisants, car, s’ils ont pour but d’empêcher les destructions de gibier, ces
mesures par elles-mêmes n’en produisent pas.
Que faut-il donc faire pour augmenter la production
naturelle et plus particulièrement celle des espèces les plus faciles à
multiplier sur notre beau territoire : les perdrix, les faisans, les
lièvres et les lapins ! Pour ces derniers, ajoutons tout de suite :
« Dans certains départements de France seulement » ; car, par
ailleurs, il y en a eu de trop ces deux dernières années.
C’est ce que nous allons examiner dans une prochaine causerie.
René DANNIN,
Expert en agriculture (chasse et gibier) près les Tribunaux.
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