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Rapaces diurnes

du Centre-Ouest de la France.

Pour répondre à la demande de plusieurs abonnés du Chasseur Français, je dois reprendre la monographie des rapaces du Centre-Ouest de la France. Cette région, qui comprend les Deux-Sèvres, la Vienne, la Charente, l’Indre et la Haute-Vienne en totalité ou en partie, n’est pas spécialement très riche en rapaces diurnes, surtout dans sa partie médiane placée à l’est de la veine des migrateurs longeant les côtes, toujours suivis eux-mêmes par quelques variétés de rapaces lors des déplacements du printemps et de l’automne.

Parmi les aigles, un seul exemplaire qui, bien que rare, est vu de temps à autre : le Jean le Blanc, ou circaète, aigle du Poitou, aigle de Sologne. D’une envergure de 1m,60 à 1m,80, aux tarses nus en grande partie et dont les ailes atteignent la pointe de la queue, l’animal étant au repos. Le bec est bleuté à la racine, noir à la pointe offrant une grande dent. Les serres sont fortes, crochues, presque égales, de 5 centimètres environ. Il vit dans les grands massifs forestiers, où il niche ; revenant fidèlement au nid de l’an passé. Son envergure, sa silhouette blanche vue d’en dessous, ses ailes en rectangle aux rémiges noires qui planent à la manière de la buse le font accuser des méfaits de cette dernière. Son menu cependant est composé presque uniquement de serpents, grenouilles, lézards et poissons. Les quelques exemplaires tués le sont au fusil et sont signalés par les journaux régionaux comme une action d’éclat, dont le héros est couvert de félicitations et de louanges.

Parmi les buses, deux variétés sont assez communes : la buse commune et la bondrée apivore.

Buse commune. — Décrire le plumage de la première ne servirait à rien tant les variétés sont multiples du noir au blanc, en passant par le brun et le tacheté. L’envergure varie de 1m,20 à 1m,40 ; la pointe des ailes, l’oiseau étant au repos, atteint le bout de la queue. C’est un rapace de régions boisées, mais qui chasse également en plaine. Son vol lent lui interdit toute capture au vol ou à la course, aussi le voit-on affûter patiemment du haut d’une grosse branche d’un grand arbre dans une futaie, en bordure de coupe ou de clairière, on en bordure boisée, parfois du haut d’un arbre isolé, au milieu de la plaine. Il recherche les proies peu alertes : poussins, couvées, jeunes lapereaux, volailles, petits rongeurs sont de ce fait ses victimes fréquentes. Il niche au bois. Son vol lourd, plané, parfois très haut, permet aisément de ne pas la confondre avec l’autour de taille voisine.

La bondrée apivore est assez commune aux passages, mais on ne la voit cependant pas en grandes bandes lors de la migration. Elle atteint 1m,20 à 1m,35 d’envergure. Au repos, les pointes des ailes n’atteignent pas le bout de la queue. Les serres sont faibles ; ce rapace se nourrit surtout d’insectes (il est friand de guêpes en été), auxquels il ajoute quelques oiseaux et mammifères. Le plumage est variable, mais on le distingue de la buse commune par les petites plumes en écailles sur les joues et le dessus de la tête. L’iris est jaune. Cet oiseau est un piéteur, et il n’est pas rare de le voir déterrer les nids de guêpes. Son vol est plus rapide que celui de la buse, mais coupé de vols planés. À terre, il marche tête levée comme une corneille.

L’autour. — De taille voisine des précédents, sa couleur générale est brun roux sur le dos, gris clair rayé foncé sur le ventre pour l’adulte, larmé en long chez le jeune. Son envergure atteint 1 mètre à 1m,20. Les ailes au repos ont leurs pointes qui se croisent à moitié de la queue. Le vol est excessivement rapide, souvent très bas, à mi-hauteur des arbres. C’est un dangereux rapace, autant pour les volailles que pour le gibier, qu’il poursuit sous bois et dont il s’empare en plein vol ou en pleine course. Il n’est jamais très abondant, et chaque couple a son territoire de chasse sur lequel il ne tolère aucun confrère. Ce rapace est soit migrateur, soit sédentaire ; on le différencie aisément au vol de la buse. Les dégâts qu’il cause sont également beaucoup plus importants que ceux de la buse. Il chasse surtout aux alentours des bois et le long des haies.

L’épervier. — C’est la réduction de l’autour, dont il a le vol et le régime alimentaire en proportion de sa taille. Même coloris, mais avec une différence : autant les serres et les pattes de l’autour sont puissantes (doubles de la buse), autant les pattes de l’épervier sont grêles et les serres minces, mais terriblement affilées. Il atteint 0m,60 à 0m,75 d’envergure. Tous les passereaux sont ses victimes, jusqu’au geai, pour le mâle, jusqu’à la perdrix, pour la femelle. Il s’attaque peu aux mammifères, ce qui n’est pas le cas pour son cousin l’autour. Il chasse surtout en bordure de bois et de haies. Il est commun partout.

Le faucon pèlerin. — Assez rare dans le Centre-Ouest de la France, où il n’est guère que de passage. Sa teinte générale est gris bleuâtre sur le dos, blanc roux rayé brun en travers sur le ventre. Les joues sont noires, formant un genre de « moustache » comme chez tous les faucons. Les serres sont noires, puissantes et très pointues. Son envergure est de 0m,95 à 1m,15. Au repos, les pointes des ailes atteignent presque le bout de la queue. Le vol est rasant ou élevé, sans aucun moment de plané, très rapide, à coups d’ailes précipités. Il vole surtout à l’aube et au crépuscule. Il s’attaque surtout aux oiseaux, qu’il prend en plein vol : pigeons, perdrix, canards, etc. ... mais il ne les poursuit pas au buisson. Gros mangeur, c’est un rapace redoutable qui fort heureusement ne pullule pas.

Le hobereau. — Petit rapace aux passages irréguliers, bleu noir sur le dos, clair et rayé sur le ventre. Il préfère les régions boisées mais chasse aussi en plaine. Son envergure n’est que de 0m,70 à 0m,75. Son vol est similaire de celui de l’hirondelle, avec montées en chandelle et crochets brusques sans périodes de plané. Il se pose à terre. Son menu est à base de passereaux.

L’émerillon. — Autre petit rapace de passage, bleuté sur le dos, roux sur le ventre rayé en long. Son envergure varie de 0m,65 à 0m,70. Son habitat est la plaine offrant des bosquets. Même vol que le hobereau. Les « moustaches » sont bien moins marquées que chez le hobereau. Comme le hobereau, il ne s’attaque qu’aux petits passereaux.

La cresserelle. — Très commune dans la région Centre-Ouest et trop souvent méconnue et confondue, bien que si facile à identifier au vol. Rousse, plus claire sur le ventre, telle est sa couleur. Ses ailes en faucilles, d’une envergure de 0m,70, lui permettent un vol offrant des alternatives de plané et de surplace obtenu par battement des ailes. Ce surplace est caractéristique de ce rapace, il est exécuté quand l’oiseau a remarqué une proie au sol. Oiseau de plaine n’offrant que des dégâts insignifiants et par contre détruisant quantité de petits rongeurs nuisibles et d’insectes. La cresserelle est sédentaire dans nos régions. L’hiver, par temps de neige et de famine, je l’ai vue s’attaquer aux alouettes et pinsons, ceci très rarement en toute autre saison.

Les milans. — Depuis dix ans, je n’ai constaté que deux fois le passage de milan rouge ou royal. On peut donc le considérer comme assez rare dans la région, ses veines de passage étant plus à l’ouest d’une part (Vendée) et plus à l’est d’autre part (Indre), où les plants d’eau sont plus abondants. Son envergure est de 1m,40 à 1m,50. Le vol est surtout plané, et ceci durant des heures entières. Il se nourrit de proies faciles à capturer : gibier d’eau, volailles, poussins de gibier et petits mammifères, auxquels il convient d’ajouter du poisson. Il est facile à reconnaître au vol, étant donné son envergure d’une part et la forme de sa queue ; il est en effet, avec le milan noir, le seul rapace ayant la queue échancrée.

Les busards. — Trois variétés toutes à pattes grêles :

Le busard Saint-Martin est le plus fréquent, appelé « cosse » dans la Vienne, au ventre blanc, aux ailes blanches avec pointes noires pour le mâle, roux pour les femelles et les jeunes, atteignant 1m,10 à 1m,20 d’envergure. Il chasse uniquement en plaine. La femelle a le croupion blanc taché de roux, signe qui la fait aisément reconnaître.

Le busard harpaye, ou busard des marais, est cantonné dans les régions de marais ; c’est le plus grand de la famille avec une envergure de 1m,25 à 1m,40. Mâle et femelle sont brun roux de couleur générale. Le mâle a la tête blanc jaunâtre. Pillard de rives d’étangs et de marais, il s’attaque aux nids et aux poussins.

Le busard cendré, ou montagu, est le plus petit de la famille, avec 1 mètre à 1m,10 d’envergure. Le mâle ressemble au mâle du busard Saint-Martin, mais avec plus de noir au bout des ailes. La femelle est rousse. C’est un chasseur de plaine. Tous ces busards se reconnaissent aisément au vol lent, bas en général et toujours tangué et roulé comme un bateau par grosse mer. Tous pillent les nids et se laissent tomber, pattes pendantes, ailes relevées, sur leurs proies. Tous se perchent rarement ; ils se posent par contre et piètent à terre très souvent. C’est du reste au sol qu’ils font tous leurs nids. L’identification des rapaces, qui pour un profane semble difficile, est en réalité assez facile, même au vol, ce qui dans la nature est le cas le plus fréquent, car il vous passe plus d’oiseaux devant les yeux qu’entre les mains. Dans Animaux nuisibles j’ai donné toutes les caractéristiques permettant de parachever et de certifier cette identification sans aucune difficulté en se basant sur les caractères généraux beaucoup plus que sur le plumage, qui varie selon le sexe, l’âge, le milieu et la saison.

A. CHAIGNEAU.

Le Chasseur Français N°633 Novembre 1949 Page 728