On trouve dans le commerce des mouchettes fantaisie de
différentes sortes. Elles donnent de bons résultats, sur tous les poissons, à
cause de leur petitesse seule.
Pêcher avec des « mouchettes » demande de la
souplesse, de la finesse, de la délicatesse. On joue la difficulté, car il
faut, pour que ces petites œuvres d’art rendent ce qu’elles peuvent rendre, les
monter sur un bas de ligne fin au bout d’une ligne fine, le tout en queue de
rat soignée. À la mouche classique, il y faut un poignet très souple, aux
réflexes rapides, mais doux, exempts de toute brutalité, des relâchers par
saccades très courts, brefs, mais pas secs. Au « buldo », il en est
de même. La canne doit être de faible puissance, souple, le flotteur léger et
non tapageur : le tout bien équilibré. La ligne et le bas de ligne très
fins. Cette pêche demande donc de l’habileté, de la finesse, une maîtrise de
soi que donne la longue pratique à ceux qui ne sont pas trop nerveux ou
émotifs. J’aime pêcher avec ces jolies petites mouches, surtout en novembre,
par une belle après-midi ensoleillée, dans une eau cristalline.
Si les « mouchettes » ne sont pas montées
finement, elles donnent beaucoup de décrochages et de touches ratées ; sur
crin fin, donc souple, cet ennui disparaît presque complètement ou redevient
normal. N’accusez pas trop vite vos hameçons d’être trop petits : on prend
de grosses vandoises dépassant la livre, de gros chevesnes et de belles truites
sur hameçon 18.
Il n’est donc pas superflu de s’arrêter un peu sur les
mouchettes.
Les insectes qu’interprètent les mouchettes sont très divers
et très petits, excessivement nombreux parfois sur l’eau et pas toujours
faciles à remarquer. Les Anglais ont rangé tous ces insectes sous le nom
générique de smuts et, quand les poissons les gobent, ils sont dits smutting.
C’est simple, mais je crois qu’il est bon d’y regarder d’un peu plus près, sans
toutefois aller chercher le microscope.
Il y a trois époques principales où l’on trouve des smuts
en grande quantité sur la rivière. C’est à la fin du printemps, vers juin, en
été et en novembre. À ces moments, sauf en novembre, le poisson refuse souvent
une mouche de taille moyenne. En y regardant de près, nous trouvons dans ces
insectes des phryganes, des coléoptères, des éphémères, des petits diptères, des
petits moucherons ressemblant aux petites fourmis, encore plus petits qu’elles.
Pour avoir de bonnes mouchettes, il les faut faire en
mouches exactes malgré leur petitesse.
Pour les éphémères, Bætis en général, il faut
tenir compte aussi de leur état subimago ou imago. En subimago,
leur couleur est plus claire, les ailes sont molles, fragiles, ternes, assez
grises par transparence, plus opaques qu’on ne croirait.
Le corps et la tête sont blanchâtres, teintés d’un peu de
jaune de Naples. Les yeux jaunes. Quoique très petits, la silhouette reste la
même, thorax toujours fort. Les cerques sont mous et courts. À l’état d’imago,
le corps est plus sombre, gris verdâtre ou noirâtre, les ailes hyalines, plus
rigides, les cerques plus longs, les yeux noirs.
Phryganes. — Les toutes petites phryganes n’en
conservent pas moins, elles aussi, leur forme et leurs proportions. Elles sont
fauves en général. Ce sont, parfois, les plus nombreuses sur l’eau, naviguant
très en surface en se remuant. Même montée sur hameçon 18, la mouche sera
plus grosse que l’insecte ; mais elle sera prise quand même.
Coléoptères. — Forme petite coccinelle noire ou
petite bruche à corps noirâtre de 2 à 3 millimètres, ailes grises
(novembre).
Fourmis et diptères semblables. — Nous avons
étudié leurs caractéristiques, il serait trop long d’y revenir.
IMITATIONS.
Coléoptères. — Petite araignée à collerette gris
doré, à barbules très courtes, plume de tête de coq, corps noir sans cerque. Il
est utile de remarquer que le petit coléoptère sur l’eau fait effort pour
s’envoler et a donc presque toujours les ailes entr’ouvertes, ce qui modifie
sensiblement sa silhouette.
Phryganes. — Sedge ailes couchées gris-fauve,
hackle de coq roux, ailes plus longues que le corps ; corps gris beige ou
verdâtre. Même remarque que pour les coléoptères ; il ne sera donc pas
mauvais que les ailes couchées soient un peu écartées d’un coup d’ongle
tournant à leur naissance.
Fourmi. — Hameçons 15 et 14. Séparer nettement
thorax et abdomen. Petite collerette très claire rabattue sur le thorax. Pattes
inutiles.
Éphémères. — Araignée imitant l’insecte parfait.
Admettre que l’anneau imite la tête. L’hameçon italien à anneau relevé semble
préférable : l’insecte portant la tête relevée et non baissée. Diverses
variétés selon l’époque. En été : corps brun, jaune-paille, lilas,
gris-perle, etc., ailes grises ou ailes brunes. Du 1er au 30 novembre,
corps jaune-citron pâle, ailes grises, cerques jaune grisâtre (subimago),
corps gris verdâtre, ailes grises, cerques grises (imago). Dans tous,
abdomen fin, thorax développé. À partir du 20 novembre, corps noir ou
kaki, ailes gris sombre (éphémère noir d’hiver).
Pêche. — Surtout en sèche en remontant, deux
mouches. Canne souple, légère, ligne légère, bas de ligne fin, 18-16/100.
Poignet souple. Lancer, ferrage délicats sur gobages et lieux de passage des
insectes. Montages spéciaux si on veut en tandem ou lancer courbe. Coups :
raide, faiblissant sur graviers à léger clapotis, courant tournant vers la
rive. Très sportif en tout temps.
Buldo. — Ces mouchettes s’appliquent on ne peut
mieux au lancer léger dans les rivières larges non encombrées. Dans les
ruisseaux ou rivières avec pierres émergeantes nombreuses, la canne à mouche
est préférable. Monter deux mouches en avant du flotteur, deux mouches en
arrière espacées de 43 centimètres. Les mouches en avant pêchent en sèche,
potences de 8 à 12 centimètres pour la première (sauteuse), la seconde 3 à
4 centimètres, 7 à 8 centimètres pour la troisième mouche qui pêche
en demi-noyée. La dernière pêche en noyée. Une canne à lancer longue peut être
préférée, mais une canne de 1m,80 environ est suffisante. Un scion
en bambou ordinaire bricolé par soi-même donne toute satisfaction.
Le buldo, sphère en celluloïd transparent, avec
anneau plat, sera remplacé avantageusement par un flotteur taillé par
vous-même dans un bouchon à bouteille en forme d’obus court ou sphérique, lesté
dans l’axe, un peu bas, par un plomb cylindrique de 3 à 4 grammes maximum.
Ligne de 12 à 14/100 dans le moulinet, bas de ligne de 14 à
16 centièmes. Ces différences évitent les embrouillages.
Pêcher demi-amont, en travers, en éventail avec travail des
mouches, en douceur, dont nous reparlerons peut-être.
Ces différents modes de pêche, sur canne à mouche et sur
canne à lancer, s’appliquent à tous les poissons et même pour ceux qui n’ont
point d’ombre chez eux, à l’ablette nacrée, en toute saison.
Paul CARRÈRE.
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