Les sols qui supportent les plantes cultivées, et en
particulier la vigne, ont des compositions physiques et chimiques fort
variables, les sols étant le résultat soit de la décomposition de roches très
différentes dont les constituants ont été quelquefois transportés très loin,
soit de la mise en culture de dépôts marins ou lacustres.
Si l’on admet qu’au cours des âges il y a eu des immersions
et des émersions alternées, que les tremblements de terre ont disloqué les
roches les plus dures, on conviendra que les terres actuelles sont souvent le
résultat du brassage de sols de diverses origines.
Ajoutons à cela l’érosion dont nous parlerons dans une
prochaine étude et nous aurons une idée de ce que peut être la complexité des
différents sols arables.
Les géologues, puis les chimistes et enfin les biologistes
ont, par des études longues et souvent compliquées, donné pour chaque terrain
l’histoire de sa formation, sa composition physique et chimique, et sa plus ou
moins grande aptitude à la vie microbienne.
Un chimiste qui a laissé son nom en agronomie a dosé les
éléments chimiques des sols en attaquant un poids connu de terre et à chaud
pendant cinq heures au moyen de l’acide nitrique pur.
On admettait alors qu’une terre de richesse normale devait
contenir 1 p. 1.000 de terre fine de chacun des trois éléments
suivants : azote, acide phosphorique, potasse. Quant
à la chaux, on admettait un minimum de 2 p. 100.
Depuis une trentaine d’années, cette méthode a été remplacée
par celle dite des assimilables. On a pensé avec raison que la Nature
n’employait pas des produits aussi violents pour dissoudre les éléments dont
elle avait besoin et on s’est rapproché de la réalité en s’adressant à un acide
organique, l’attaque se faisant dans des conditions bien déterminées. On a donc
établi des teneurs moyennes d’éléments fertilisants dits assimilables ;
ces teneurs, comme les premières, sont conventionnelles.
Pour les compositions physiques, on a classé les éléments à
peu près comme suit : cailloux, graviers, sable grossier, sable fin,
limon, argile précipitable et argile non précipitable ou colloïdale.
Il semble donc logique qu’avant d’acheter l’engrais chimique
on s’assure d’abord si le sol en a besoin, et quelle quantité il faut enfouir.
Ceci nous amène tout naturellement à évoquer les lois qui
régissent l’emploi des engrais et que beaucoup de gens intéressés
méconnaissent.
I. Les engrais qu’il faut appliquer au sol ne dépendent
pas seulement des quantités exportées par les plantes, mais de la composition
du sol.
II. LOI DE RESTITUTION. — Il faut restituer au sol
les éléments de fertilité exportés chaque année par les récoltes.
III. LOI DU MINIMUM. — À égalité de valeur des
semences (ou de cépages) et des conditions atmosphériques, les récoltes
dépendent de la quantité disponible de l’élément que le sol renferme EN
MOINDRE QUANTITÉ.
De ce qui précède, se déduit la loi suivante :
IV. Pour obtenir des récoltes rémunératrices, il faut
donc non seulement restituer, mais faire des avances au sol (sauf pour l’azote
minéral, qui serait perdu).
Enfin :
V. LOI DU MAXIMUM. — Les récoltes ne sont pas
directement proportionnelles aux engrais. Au delà d’une certaine limite, elles
ne paient plus.
Nous voyons donc comme tout cela est complexe et demande
beaucoup de réflexions avant de faire une commande d’engrais.
Dans beaucoup de vignobles, on peut se faire une idée
approximative de la plus ou moins grande richesse du sol par la végétation des
souches et aussi par la végétation spontanée. Certaines espèces de ces plantes
aiment les terres riches, d’autres les terres pauvres.
Les vignes de plants fins ont leurs formules d’engrais bien
définies, ainsi que leurs façons culturales, système de taille, etc.
Un agronome maintenant un peu oublié, Georges Ville,
après des années d’expériences, était arrivé à établir pour chaque plante
l’engrais dominant : celui de base, dont il ne peut se passer, les autres
étant subordonnés.
Il avait établi la loi suivante : La dose de la
dominante dans l’engrais complet a pour caractère de régler le rendement, alors
que les doses des éléments subordonnés n’entraînent pas de variations
correspondantes.
Pour la vigne, ce chercheur avait établi que la dominante
était l’acide phosphorique ; venaient ensuite la potasse et la chaux.
De nombreux essais culturaux faits depuis ont confirmé les
travaux de Georges Ville.
En viticulture, comme pour toute autre plante, l’attente de
l’expérience est longue ; il peut se produire de mauvaises années, dont on
est obligé de ne pas tenir compte ; pendant cela le temps passe, et on est
souvent incapable de prendre une décision pour l’achat des engrais organiques
ou minéraux.
Il est souvent avantageux, au point de vue financier, de
faire analyser ses terres à vigne par un laboratoire compétent.
Ce dernier devra indiquer la marche à suivre pour faire des
prélèvements, opération d’importance capitale. Ensuite, sur son bulletin
d’analyse, il donnera les résultats bruts en chiffres. Ces derniers sont
difficiles à interpréter pour un profane, aussi le chef du laboratoire
devra-t-il donner une conclusion pratique et dire ce qu’il manque et ce qu’il
faut ajouter.
Comme toutes choses, les prix des engrais sont très
élevés ; on aura donc le plus souvent intérêt, quand cela sera possible,
de prendre une formule d’engrais complet. Plusieurs maisons sérieuses en
fabriquent, dont les compositions peuvent à peu près satisfaire tous les cas.
D’autre part, on commence une nouvelle méthode d’épandage
qui consiste à enfouir l’engrais soluble au moyen d’un pal de construction
spéciale.
Il faut attendre ce que cela donnera. Au premier examen de
cette méthode, nous trouvons deux avantages : l’engrais est mis
immédiatement en état d’être absorbé par les radicelles, et ensuite on peut le
répandre par temps de sécheresse, ce qui certaines années est fort appréciable.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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