Trop de chasseurs au chien courant semblent ignorer
que les sujets qui composent leur meute — grande ou petite — sont
comme tous les animaux de sport, et qu’il leur faut subir un entraînement avant
la mise en chasse.
La bonne nourriture, le logement sain, le pansage régulier,
la promenade quotidienne sont les choses indispensables pour conserver les
chiens en bonne santé, mais elles ne sont pas suffisantes si l’on veut
découpler sans déboires et amener au maximum de leur condition ces chiens qui
vont se livrer aux plus violents efforts après la longue période d’inaction de
la fermeture.
Un bon piqueux sait fort bien ce qu’il faut pour arriver à
cela ; c’est un art aussi difficile que d’y préparer les chevaux, si j’en
juge par le nombre de petites meutes (surtout celles de chasse à tir) que j’ai
vues en si piteux état à leur première sortie.
Les chiens, à cette époque, sont généralement gras et sans
muscles ; il faut donc faire couler cette graisse et renforcer leur
musculature. Il est facile de comprendre qu’il y a peu à faire au point de vue
nourriture, et, si les chiens maigrissaient trop vite, ils seraient vite
affaiblis. Diminuons donc petit à petit la ration quotidienne de mouée, que
l’on remplacera par de la viande crue, passant ainsi de la ration d’entretien à
la ration travail.
La mise en train proprement dite commencera en même
temps ; le piqueux augmentera la durée des promenades sur les routes,
routes tranquilles bien entendu, et où les chiens se durciront les pieds.
Ces longues promenades auront l’avantage également d’assagir
les chiens et les habituer à rester en meute. Quand ils seront bien calmés, il
pourra, au cours de ses sorties, les découpler et les laisser en liberté dans
un endroit favorable, c’est-à-dire assez désert et peu giboyeux pour que les
jeunes surtout n’aient point trop de tentations. Au début, il faut être très
prudent et n’en découpler qu’un petit nombre, de façon à ne point être débordé
par les indisciplinés et que les chiens n’échappent pas : mauvaise leçon
dont ils se souviendraient longtemps.
Progressivement, il fera effectuer un petit temps de trot à
la meute, les chiens étant découplés. Puis il augmentera la durée de ces
passages, sans forcer l’allure cependant, s’arrêtant assez fréquemment pour
permettre aux chiens de se vider et les surveillant pour voir s’ils suivent
facilement et gaiement.
Ces sages pratiques, dosées avec intelligence par un homme
observateur, amènent vite les chiens en forme. Si le piqueux dirige un petit
équipage de chasse à tir et n’a pas de cheval, il fera trotter ses chiens
derrière son vélo ; le résultat sera le même ... ou à peu près, car
nous savons tous par expérience combien les chiens d’espèce suivent plus
volontiers un cheval, affaire d’atavisme probablement.
Il est généralement admis qu’il vaut mieux que les chiens
commencent leur saison un peu maigres que trop gras ; mais alors il est
indispensable que l’homme soit assez bon soigneur pour les faire engraisser
pendant qu’ils chassent, et c’est plus difficile qu’on le croit.
Trop de personnes, gravitant autour d’un équipage,
s’imaginent, on ne sait pourquoi, que les chiens doivent être maigres pour bien
chasser ; c’est une grossière erreur. Le chien, comme le cheval de chasse
et comme l’athlète, doit être sans graisse inutile, mais non pas réduit à
l’état de squelette ambulant. Il vaut mieux, au contraire, que les chiens
courants en pleine chasse soient un peu hauts d’état, ils ne tiendront que
mieux le coup s’il survient quelques sorties un peu dures.
Tout cela est affaire d’observation, de sagesse et de
progression ; le veneur y est accoutumé depuis longtemps par la pratique
de son art préféré, le chasseur à tir qui doit l’avoir toujours comme exemple
fera bien encore de s’inspirer de ces règles millénaires qui ont bien leur prix
même dans un siècle pressé comme le nôtre.
Guy HUBLOT.
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