Lorsque vous chassez la sauvagine, vous perdez un
nombre appréciable de canards démontés qui plongent à l’approche du chien et se
dérobent sous l’eau.
Peut-on apprendre à un chien à plonger pour rapporter ces
oiseaux considérés comme définitivement perdus ? Oui, si votre élève est
ardent, courageux, persévérant et doué d’un nez remarquable, et si vous
disposez d’une pièce d’eau appropriée, bord d’étang ou de rivière, mare ou
grand bassin.
Ce dressage ne doit être entrepris que l’été, lorsque la
température de l’eau est relativement chaude : faites rapporter à votre
élève un apportable en bois léger que vous avez jeté à l’eau, ou, mieux, un
morceau de tuyau de caoutchouc de 4 à 5 centimètres de diamètre, mesurant
une vingtaine de centimètres de long et hermétiquement bouché à ses deux
extrémités par de gros bouchons de liège, de sorte que l’ensemble constitue un
très bon flotteur ; il sera bien aussi de peindre en blanc les deux bouts
pour qu’ils puisse être plus visible sous l’eau. Lorsque le chien rapporte
correctement, soit en eau claire, soit au milieu des joncs, vous pouvez
entreprendre le travail de la plongée.
Il faut d’abord bien mesurer la distance séparant la surface
du fond de l’eau ; vous fixerez ensuite à l’apportable une ficelle
légèrement plus longue que la longueur obtenue ; à l’autre extrémité vous
attachez un caillou ou un petit morceau de plomb, suffisamment lourd pour
pouvoir assurer l’immersion complète ; jetez ensuite le tout à l’endroit
dont vous connaissez la profondeur, le flotteur se maintient à la surface à
cause de la marge laissée à la longueur de la corde : vous le faites
rapporter au chien.
Lorsque celui-ci vous l’a rapporté correctement, vous
enroulez une fois la ficelle autour de l’apportable et rejetez le tout à l’eau
à la même place ; l’apportable est alors légèrement sous l’eau et affleure
la surface. Vous envoyez le chien le chercher ; celui-ci ne peut le voir
que lorsqu’il est à côté, il cherche donc quelques instants, puis, dès qu’il
l’a vu, il le prend et, pour cela, introduit dans l’eau la totalité de sa
gueule ; caressez-le lorsqu’il vous remet le chevalet.
Vous enroulez une seconde fois la ficelle autour de
l’apportable, ou plutôt du poids mort qui, alors, lorsque vous l’aurez jeté de
nouveau, se trouvera à 8 ou 10 centimètres en dessous de la surface de
l’eau. Pour le prendre, votre chien immergera la totalité de la tête.
Récompensez-le en le caressant lorsqu’il vous le donnera et reportez la suite
du dressage à un autre jour.
À la seconde leçon, recommencez la totalité de la première,
puis faites faire à la ficelle un tour de plus, l’apportable alors se trouvera
à 15 ou 20 centimètres sous l’eau. Il est probable que votre élève
hésitera à plonger : encouragez-le jusqu’à ce qu’il s’y décide ;
insistez avec patience, car, lorsque ce résultat sera obtenu, la partie sera
gagnée, et, dans l’avenir, votre chien ira de lui-même chercher un canard en
plongée s’il peut en avoir connaissance.
Il est extrêmement difficile de déterminer pourquoi et
comment, dans certains cas, un chien peut avoir connaissance d’un gibier sous
l’eau. L’eau, même en petite épaisseur, ne laisse passer aucune odeur ;
toute l’hygiène moderne est basée sur ce principe : nos salles de bain ne
sont habitables que parce que quelques centimètres d’eau placés à l’intérieur
d’un petit siphon installé sous le lavabo et sous la baignoire séparent l’air
que nous respirons de l’affreuse infection de la tuyauterie inférieure. Alors
comment un chien peut-il avoir connaissance d’un canard blotti dans une touffe
d’herbe au fond de l’eau ?
La seule explication qui me semble plausible est que le
canard, en plongeant, entraîne dans ses plumes une certaine quantité d’air qui,
se dégageant ensuite lentement, remonte à la surface sous forme de minuscules
bulles ; c’est par cette petite quantité d’air que le chien peut flairer
la pièce. Ce sentiment bien éphémère exige de l’animal une grande puissance de
nez et n’est perceptible que pendant un temps fort court.
Je ne crois pas qu’il soit possible ou, du moins, facile de
dresser tout chien à plonger, mais on y parvient avec tout sujet courageux
aimant ardemment son métier de retriever.
Comte J. DE BONVOULOIR.
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