ANS notre précédent article, nous avons parlé de
l’activité des canoéistes pendant la mauvaise saison ; activité
secondaire, du reste, puisqu’il s’agissait de l’entretien et des menues
réparations. Il ne faudrait pas en conclure qu’une fois mis en état canoé et
accessoires doivent être remisés pendant plusieurs mois dans l’attente des
beaux jours. C’est en hiver, en effet, que le canoéiste doit s’entraîner.
La technique de la pagaie est trop complexe pour que nous
puissions ici l’analyser en quelques lignes, et, plutôt que d’en donner un
résumé trop bref, nous préférons vous conseiller la lecture de l’ouvrage Le
Canoé, de Ch. Leyghe. Dans ce livre, très bien illustré, l’auteur ne
s’est pas contenté d’exprimer son expérience de parfait canoéiste, il a travaillé
en collaboration avec ses camarades les plus avertis du Canoé-Club de France.
Le débutant y trouvera tous les éléments qui lui permettront
d’effectuer tous les mouvements possibles à la pagaie ; pour le kayakiste,
les différentes méthodes d’esquimautage sont parfaitement décrites.
Mais la lecture d’un bon ouvrage ne suffit pas, et c’est sur
l’eau qu’il faut en mettre les principes en application. Ne croyez pas qu’il
soit pénible de pagayer en hiver. Bien couvert, votre corps, grâce au
mouvement, conservera sa chaleur et seuls vos pieds sentiront la morsure du
froid ; de temps à autre une promenade à vive allure sur la berge vous
dégourdira les jambes.
Il n’est pas question, bien entendu, de vous entraîner en
hiver sur des eaux agitées, surtout si vous débutez ; mais il est bon
d’évoluer à proximité d’obstacles naturels ou artificiels (souches, piquets,
flotteurs) pour contrôler l’efficacité de vos manœuvres.
Effectuez d’abord tous les mouvements sur place en les
décomposant : appel, écart, déplacements latéraux. Lorsque vous en
connaîtrez bien les principes, passez à l’exécution des mêmes mouvements en
marche, en profitant de l’action de l’eau sur la coque et la pagaie. Ensuite,
en liant et en enchaînant les mouvements fondamentaux, vous effectuerez des
parcours accidentés autour d’obstacles : virages partiels ou complets,
doubles virages en « S » ou en « 8 », compliqués de
déplacements latéraux ou de freinages, etc. On peut varier ces évolutions à
l’infini.
Si une manœuvre ne vous semble pas parfaitement exécutée,
recommencez-la sans vous lasser, en la décomposant au besoin, jusqu’à obtenir
le maximum de précision. Toujours appliquez-vous à travailler plus en souplesse
qu’en force en gardant l’équilibre de votre bateau, qui ne doit jamais rouler
d’un bord sur l’autre, quelle que soit la rapidité de vos évolutions.
Possédant bien la technique d’exécution, vous choisirez
ensuite un terrain d’entraînement plus accidenté : aval d’un déversoir,
petit bras étroit ou période de crue. En travaillant dans un fort courant, vous
observerez mieux les réactions de l’eau sur la coque et apprendrez à utiliser
les contre-courants pour accentuer vos manœuvres. Là seulement, en eau vive,
vous acquérez le « sens de l’eau », cet instinct qui guide les bons
canoéistes vers la bonne passe et leur dicte la manœuvre à effectuer. Et vous
vous rendrez compte qu’en canoé on utilise le courant, on ruse avec lui, mais
on ne peut rien contre sa violence.
Tout ceci constitue une sorte d’entraînement « sur
place » que vous compléterez en effectuant de longs parcours. Je sais
qu’il est parfois fastidieux de pagayer longtemps entre deux rives dépouillées
des parures de la belle saison, mais il faut avoir pagayé pendant deux ou trois
heures contre vent et courant pour apprendre à utiliser ses forces, à faire
agir le poids du corps sur la pagaie et arriver à cet automatisme qui vous
permettra de parcourir des distances de plus en plus longues sans fatigue.
L’entraînement du canoéiste ne s’effectue pas seulement en
bateau, il est un sport complémentaire qu’il lui faut parfaitement
connaître : la natation. Si vous avez la chance de pouvoir fréquenter une
piscine, vous profiterez de l’hiver pour améliorer vos qualités. Il ne s’agit
pas de faire des temps ou d’acquérir un style impeccable, mais de pouvoir nager
longtemps et avec aisance dans des conditions difficiles.
Vous vous appliquerez donc à effectuer des parcours de plus
en plus longs et pratiquerez le plus possible la nage sous-marine. De nombreux
jeux vous aideront à évoluer avec aisance : sauts et plongeons, recherche
et transport d’un objet dans l’eau, sauvetage, etc. Vous vous exercerez aussi à
nager habillé et à nouer et dénouer une corde autour de vos jambes. Ces
exercices vous donneront l’aisance parfaite et la maîtrise absolue de l’élément
liquide qui sont indispensables au canoéiste.
Il est bon également d’être capable de pousser une pointe de
vitesse, par exemple pour vaincre un courant et regagner la rive en cas de
dessalage juste en amont d’un obstacle.
Même si vous fréquentez la piscine et à plus forte raison si
vous ne nagez pas en hiver, baignez-vous le plus tôt possible en rivière et
habituez-vous, par des immersions progressivement prolongées, à supporter l’eau
froide. La température des rivières torrentueuses reste toujours très basse et
un canoéiste qui tombe à l’eau ne doit jamais être surpris par le froid.
Nageant en rivière, d’autre exercices viendront améliorer
vos qualité de nageur et vous permettront un meilleur contrôle de la stabilité
du bateau : pagayer debout, propulser le canoé sans pagaie, jouer au
ballon en bateau. Remplir progressivement un canoé jusqu’à ras bords ou
résister à un nageur qui essaye de vous faire chavirer sont des exercices qui
mettront votre sens de l’équilibre à rude épreuve. Il est bon aussi de savoir
vider un bateau dans l’eau et remonter à bord en effectuant un rétablissement.
Tous ces exercices, souvent très spectaculaires et toujours
amusants, vous montreront que l’entraînement en canoé est un passe-temps des
plus agréable qui vous fera apprécier davantage votre bateau et vous permettra
de devenir de parfaits canoéistes.
G. NOËL.
|